Tourisme durable

Julien Blanc-Gras, la consolation des voyages

19 Juillet 2025 - Initiatives / Récit / Préservation

Le voyage serait une promesse d’ouverture, de transformation, d’élargissement du regard... Une parenthèse où l’on se reconnecte à soi-même tout en découvrant l’autre. À l’heure de la mondialisation et du sur-tourisme, cette noble quête prend parfois des allures plus ambiguës. Réflexion sur les bienfaits et les limites du voyage à travers "Bungalow" de Julien Blanc-Gras.


Changer d’air, se métamorphoser © Unsplash
Changer d’air, se métamorphoser © Unsplash


On connaît Julien Blanc-Gras à travers ses livres : "Gringoland", "Touriste", ou plus récemment "Envoyé un peu spécial", mais aussi grâce à ses articles, reportages et chroniques parus dans différents médias. Sa source d’inspiration ? Ses pérégrinations autour du monde. Depuis vingt ans, l’auteur nous dévoile l’envers du voyage avec un style mêlant humour et autodérision. Loin de ses récits habituels de baroudeur solitaire, dans "Bungalow", Julien Blanc-Gras raconte son voyage en famille en Asie et aborde avec sincérité la posture du voyageur d’aujourd’hui en quête de sens.
 

Julien Blanc-Gras, né à Gap en 1976 © Corentin Fohlen

Julien Blanc-Gras, né à Gap en 1976 © Corentin Fohlen
 

 

Du haut de sa candeur juvénile, il me montrera ce que je ne vois plus. Il m’offrira le monde en relief. Prête-moi tes yeux, fils, que je m’émerveille. - Julien Blanc-Gras, Bungalow



Le voyage, remède magique ?
 

Julien Blanc-Gras est parti avec sa femme et son fils de neuf ans pour un voyage de quatre mois entre la Thaïlande, le Laos, le Cambodge, le Vietnam, le Japon et la Corée du Sud. L’auteur nous donne tout de suite les raisons du départ : éviter à sa femme de sombrer dans le burn-out ; éveiller son fils à la diversité des cultures du monde ; lutter contre la morosité ambiante. Derrière la carte postale, le regard aiguisé de Julien Blanc-Gras nous montre les coulisses du voyage contemporain sans illusion. En Thaïlande, le protagoniste se heurte à la réalité désenchantée d’un paradis tropical défiguré par le tourisme de masse ; au Laos et au Vietnam, il se retrouve face aux transformations urbaines à la mode chinoise.
 

Gare de Vientiane au Laos pour embarquer dans le TGV traversant le pays du nord au sud © Wikimedia Commons
Gare de Vientiane au Laos pour embarquer dans le TGV traversant le pays du nord au sud © Wikimedia Commons


Ce désenchantement ne discrédite pas pour autant les vertus du voyage. Au contraire, il nous rappelle que voyager n’est pas qu’un simple changement de décor, qu’il n’est pas là pour nous guérir mais plutôt pour ouvrir une brèche, offrir un souffle, inviter à une réflexion plus profonde. Loin d’exalter naïvement la fugue, Julien Blanc-Gras s’émerveille toujours mais expose les limites du voyage et nous invite à repenser l’ailleurs, à savoir : pourquoi voyage-t-on ?
 



De la prise de conscience à l’action

Aujourd’hui, le voyage est à la fois une source d’ouverture extraordinaire et le miroir des contradictions de notre époque. À commencer par l’empreinte carbone générée par les déplacements en avion, encore plus problématique pour un écrivain-voyageur. Dans son récit, il organise même son propre procès imaginaire, insistant sur l’idée que la crise écologique ne doit pas compromettre les impacts positifs du tourisme et le besoin humain d’être en mouvement.

 

Laos, enclavé entre la Chine, le Vietnam, la Thaïlande, le Cambodge et la Birmanie © Unsplash
Laos, enclavé entre la Chine, le Vietnam, la Thaïlande, le Cambodge et la Birmanie © Unsplash

 

Si je voyage, c’est avant tout par goût pour l’altérité, pour montrer que ce qui relie les humains est plus fort que ce qui les sépare. - Julien Blanc-Gras, Bungalow

Lucie Azema, l’auteure de Les femmes aussi sont du voyage ou de L’usage du thé, s’interroge également sur l’appel du voyage. Dans son dernier ouvrage, "Nous avons besoin d’un ailleurs qui n’existe pas", publié aux Éditions Allary, elle parcourt les époques et donne des pistes pour comprendre pourquoi le voyage est une nécessité profonde.


Vers un nouveau récit du voyage

Alors comment voyager autrement ? Peut-être en ralentissant. En étant conscient de notre présence, des déséquilibres que nous pouvons créer, mais aussi des ponts que nous pouvons tisser. Loin du récit de “vieux réactionnaire” qui répèterait que “c’était mieux avant”, Julien Blanc-Gras offre un regard sensible et optimiste qui fait du bien !
 

L’appel de la route © Unsplash
L’appel de la route © Unsplash

 

La promesse d’un horizon, voilà tout ce dont nous avons besoin. L’école du voyage nous a appris à fabriquer un espace de liberté intérieure. Il est là, en nous, pour toujours, précieux compagnon d’âme. - Julien Blanc-Gras, Bungalow

Son récit nous invite à réinventer notre imaginaire du voyage, non plus comme une fuite en avant ou une collection de clichés Instagram, mais comme un chemin vers une forme d’altérité. Voyager vaut le coup, à condition de se faire surprendre, de s’ouvrir et de regarder ses contradictions en face. C’est dans cette fameuse zone d’inconfort que se glisse une vraie liberté. "Sortez de chez vous !” nous conseille Julien Blanc-Gras. On ne peut qu’être d’accord avec lui !
 

Pour aller plus loin :
"Bungalow", Julien Blanc-Gras, prix du Roman qui fait du bien, Stock (2024)