Dans un ouvrage passionnant, la grande voyageuse Lucie Azema nous partage sa passion pour le thé et son goût de la découverte d’autres cultures à travers l’histoire de ce breuvage millénaire. A la manière d’un récit de voyages entre Europe et Asie, elle nous emmène pour une déambulation originale le long des routes caravanières entre errances et escales…
Dans son deuxième essai, après Les femmes sont aussi du voyage, la journaliste Lucie Azema nous invite sur les routes du thé, en Chine, dans les steppes d’Asie centrale, en Inde, au Moyen-Orient, à la rencontre des caravaniers, conteurs, botanistes, cueilleuses... On découvre l’histoire et les us et coutumes du thé dans les différents pays le long de la route de la soie et bien sûr ses textures, odeurs, et les souvenirs très personnels de l'auteure. Elle nous rappelle qu’avant d'arriver dans notre tasse, le breuvage d’origine asiatique a connu une histoire mouvementée faite de conquêtes et de violence.
Tout au long du récit, nous croisons des personnages extraordinaires dignes d’un roman d’aventure comme le poète mystique Rumi, le botaniste anglais Robert Fortune, l’explorateur arabe Ibn Battuta ou Alexandra David-Néel, la première femme occidentale à atteindre Lhassa au Tibet au début du XXème siècle. Quand Lucie Azéma lit les récits de l’exploratrice, elle ne pense qu’à goûter au fameux thé tibétain au beurre salé, que l’on boit dans le monde himalayen, à Darjeeling, au Ladakh ou au Mustang.
Alexandra David-Néel fait d’ailleurs exception dans une histoire où pendant des siècles, le thé est lié à la route et aux voyages, et se boit à l’extérieur, dans des lieux où seuls les hommes le boivent. En Europe, le thé se féminise et se boit à l’intérieur, comme l’image que l’on a des Anglaises se réunissant l’après-midi. Dans les pays où il est bu dehors, comme en Inde, au Moyen-Orient ou encore en Turquie, le thé reste un breuvage très masculin, souligne l’auteure.
Chaque pays possède ses usages, avec une dégustation et des codes très précis. Alors qu’au Japon, le thé se boit dans un rituel très solennel, quasi religieux, en dehors de l’animation quotidienne, en Inde, c’est tout l’inverse. Le chaï, le thé indien aux épices, est profondément ancré dans la vie de tous les jours. Il est bu sur le pouce, dans la rue et va ponctuer la journée, les pauses au travail ou les séances de shopping.
La route des thés symbolise le voyage, et le livre de Lucie Azema “L’usage du thé”, inspiré du célèbre récit de l’écrivain suisse Nicolas Bouvier “L’usage du monde”, rend également hommage à tous les voyageurs qui arpentent le monde sans jamais oublier de faire une pause, pour prendre le thé.
Symbole à la fois d'itinérance et d'immobilité, la consommation du thé implique paradoxalement des moments de sédentarité, lorsque l’on met la route sur pause pour mieux la reprendre. Cette boisson millénaire devient un repère dans les pays que l’auteure traverse, en Iran surtout. Elle nous rappelle, que dans tous les pays orientaux, on vous offre du thé quand vous arrivez quelque part. Il représente un moment de partage, vecteur de rencontres et d’amitié aussi. Par l’intimité qu’il suscite, le thé permet également de se reconnecter à soi.
L’usage du thé est un très beau livre, agrémenté de photos prises par l'auteure durant ses différents voyages et de ses réflexions personnelles qui infusent au lecteur “l’esprit du thé”.
Pour aller plus loin :
“L’usage du thé, une histoire sensible du bout du monde” de Lucie Azema, éditions Flammarion