Après des décennies de guerres au XXème siècle, le développement touristique au Vietnam est plus tardif que d’autres destinations d’Asie du Sud-Est. Aujourd’hui, le pays a rattrapé le temps perdu et connaît une croissance exponentielle en la matière entraînant de nombreux défis. Dans ce contexte, comment le voyageur peut-il pratiquer un tourisme responsable au Vietnam ?
Depuis Hanoï, Van Thai Nguyen de l’agence de voyages TTB Travel œuvre activement à combattre le tourisme de masse dans son pays. Quand il évoque le tourisme durable au Vietnam, il parle avant tout du phénomène de surtourisme qu’il faut “identifier, dénoncer pour ensuite avancer”. Son engagement est rare chez les professionnels du tourisme. Selon lui, il ne faut pas cacher la vérité, au contraire !
Promouvoir un tourisme responsable au Vietnam, c’est montrer les infrastructures qui dénaturent le littoral ou l’île de Phuc Quoc, avertir sur la folklorisation des ethnies à Sapa, sur la pollution et la surfréquentation de la baie d’Halong plutôt que de montrer des images d’Épinal de rizières préservées. Ainsi le voyageur souhaitera autre chose pour son voyage au Vietnam, il ira naturellement vers un tourisme respectueux pour une meilleure expérience globale dans le pays.
Van nous rappelle le contexte d’un pays en pleine croissance. En plus des dizaines de millions de Vietnamiens qui voyagent sur leur territoire, ce sont plus de 12 millions de touristes internationaux qui ont visité le Vietnam en 2023, principalement en provenance de Corée du Sud et de Chine. La notion même de “partir en voyage” diffère entre les touristes occidentaux et les touristes vietnamiens et des pays voisins. "Ces derniers pensent vacances, c’est-à-dire congé à la plage, séjours de villégiature à la montagne et parcs d’attraction”, résume Van.
Située à l‘extrême nord du pays, le long de la frontière chinoise, la province de Ha Giang est devenue populaire depuis quelques années pour ses paysages exceptionnels et la rencontre avec les différentes minorités ethniques qui peuplent ce territoire escarpé. Pour ne pas retomber dans les mêmes dérives qu’à Sapa, Van défend l’implication des communautés locales dans la co-création des activités touristiques, “pour qu’elles bénéficient des impacts positifs du tourisme, à la fois sur l’amélioration de leurs conditions de vie et sur la protection de leurs us et coutumes”.
Dans le village Hmong de Lung Tam, une coopérative artisanale propose aux visiteurs de découvrir le processus traditionnel de filage, tissage et confection du chanvre. Face à la modernité et l’agressivité commerciale de la Chine, la tradition artisanale des Hmong se perd d’une manière inquiétante. Cette coopérative créée en 2001 comme soutien en faveur de l’émancipation des femmes de la communauté a pour mission de préserver l’identité Hmong via le textile. Une expérience vertueuse et "authentique” réellement dans les mains des femmes de la région.
Dans une logique de tourisme responsable, le voyageur qui souhaite être au plus près de l’authenticité, et non dans “un fantasme de l’authenticité”, doit se renseigner. Et les professionnels du tourisme doivent lui proposer des alternatives et des activités en immersion plutôt que des visites incontournables qui, trop souvent, risquent de gâcher son expérience dans le pays.
Un autre levier d’action se trouve dans le rythme que l’on donne à son voyage. "Voir des itinéraires de 10 à 12 jours au Vietnam pour découvrir tout le pays du nord au sud, c’est trop. Mieux vaut se concentrer sur une région” explique Van. Il précise : “pour avoir de la proximité avec les habitants, il faut du temps. Cela implique que l’itinéraire doit être construit pour que les voyageurs passent deux ou trois nuits au même endroit”.
Parfois, il n’est pas nécessaire de voyager hors des sentiers battus pour retrouver l’authenticité. C’est voyager hors des idées reçues qui forment le vrai voyageur
- Van Thai Nguyen