
Face à une crise sanitaire sans précédent, des femmes de savoirs engagées se décident à partager leurs connaissances sur les plantes médicinales.
La Nouvelle-Calédonie traverse une période de tensions, entre crise économique et difficultés sociales. Face au recul de l’accès aux soins, des femmes de savoirs kanak se décident à partager des savoirs sur les plantes médicinales et offrent une alternative précieuse aux soins classiques. Ce patrimoine, traditionnellement transmis au sein du clan, est partagé autrement, grâce à des femmes kanak désireuses de faire connaître ces pratiques efficaces.
Nouvelle-Calédonie : un territoire en pleine épreuve
Depuis les événements de mai 2024 qui avaient entraîné émeutes, pillages, incendies, affrontements et couvre-feu, la Nouvelle-Calédonie traverse une période de grande fragilité. L’économie peine à se redresser. Les indicateurs témoignent d’un climat très dégradé, marqué par un recul du PIB estimé entre 10 et 15%, une chute dramatique de l’emploi salarié privé (-17,4% en un an) et un épuisement du pouvoir d’achat des ménages.
Les conséquences sanitaires sont des plus lourdes : accès aux soins limité, départ massif de médecins, hôpitaux fermés dans le nord du territoire. Ce contexte exacerbe les vulnérabilités et pousse certaines personnes à partager des savoirs ancestraux jusque-là gardés dans le secret des familles.
Un nouvel esprit de transmission
Isabelle Tyuienon, présidente de l’association "Femmes pays" visant à protéger le savoir-faire culturel et créer des liens sociaux, incarne ce mouvement de renouveau. Installée depuis trente ans dans la tribu du Haut Gelima, au cœur des collines boisées, c’est une réelle passeuse de savoirs. Face au déficit criant de soins, elle a décidé de partager publiquement certaines pratiques ancestrales de soin par les plantes médicinales.
Le savoir des plantes était jusqu’alors un secret bien gardé, transmis dans l’intimité familiale et soumis à de strictes règles coutumières. Le contexte actuel contraignant a cependant conduit Isabelle et quelques femmes à sortir de cette réserve pour partager ces connaissances. Leur démarche est un geste d’espoir face à l’urgence de soigner autrement.
Les plantes de Nouvelle-Calédonie
Les plantes de Nouvelle-Calédonie sont en effet d’une très grande richesse et nombre d’entre elles sont validées par la recherche scientifique, comme le métier, une plante utilisée pour soigner les maladies chroniques inflammatoires, ou les feuilles de corossol, associées à des capacités anticancéreuses dans différentes pharmacopées. Le kava, le tabac, ou le faux tabac sont d’autres plantes dont les vertus sont également reconnues par le monde scientifique. S’il n’y a pas de pharmacopée officielle, l’usage traditionnel de nombreuses plantes médicinales est courant.
Passerelles de savoirs
Les méthodes de transmission du savoir de ces plantes commencent à évoluer. À 80 ans, la tante d’Isabelle, Tontine, a par exemple choisi sa nièce pour lui confier ses remèdes destinés aux nourrissons, créant ainsi une nouvelle chaîne de savoirs. Tontine se souvient de son arrière-grand-mère, grande femme de savoirs capable de soigner les maladies graves, mais déplore la perte d’une partie de cet héritage inestimable.
Isabelle transmet à son tour ses connaissances lors d’ateliers de partage ouverts aux jeunes filles. De ces ateliers émergent des gestes précis, la reconnaissance d’une herbe apaisant la toux des bébés, la découverte d'un papyrus surnommé « la plante de l’échographie naturelle » censée révéler le sexe de l’enfant à naître, et l’envie des jeunes femmes de partager à leur tour ces précieux savoirs.
La démarche d’Isabelle Tyuienon et de certaines femmes de savoirs devient une réelle alternative thérapeutique.
En Nouvelle-Calédonie, la transmission de ces remèdes traditionnels est une promesse : celle que, malgré la crise, le savoir des plantes continuera à évoluer, et avec lui, l’autonomie des femmes kanak.
Continuez la transmission, soyez fières d’être des femmes Kanak. - Isabelle Tyuienon
Fin septembre 2025, six femmes de savoirs soutenues par l’association En Terre Indigène, comme l’est Isabelle Tyuienon, seront présentes à Paris pour l’événement Les Rencontres du Matrimoine Ultramarin, du 20 au 28 septembre, organisé dans le cadre du projet De la Mère à la Terre. Cet événement exceptionnel offrira l'opportunité de découvrir des savoirs ancestraux et l’utilisation des plantes médicinales dans différents territoires d’Outre-mer.
Découvrez un extrait du documentaire "Les plantes médicinales en Nouvelle-Calédonie" :
Pour en savoir plus :
- Les Rencontres du Matrimoine Ultramarin du 20 au 28 septembre à Paris.