La Réunion : quand les tisanes deviennent un art…

Planté dans l'archipel des Mascareignes, ce département français d'Outre-mer est une île volcanique au climat tropical. Si elle n’est habitée qu’au cours du XVII^ème siècle, l’île devient rapidement métisse, autant sur le plan culturel que végétal. La Réunion compte un endémisme élevé, mais aussi des plantes apportées par ceux qui ont occupé l’île ces derniers siècles. Cette flore unique est aujourd’hui reconnue pour ses vertus, notamment grâce à l’usage des tisanes.

Un art caché aujourd’hui reconnu
 

L’art des tisanes remonte à la fuite des esclaves vers les hauteurs de l’île au début du XVIII^ème siècle. Isolés, ils ne peuvent se guérir qu’en utilisant la nature. Ce savoir développé au fil du temps a été longtemps dissimulé, mais la tradition a perduré : les connaissances ont été transmises de mère en fille, ces "tisaneuses" qui nous permettent d’avoir accès à ces trésors.

Utilisant les plantes de génération en génération, les "tisaneuses" ont développé une médecine populaire permettant de soigner les membres de leur famille. Surtout préventive, cette médecine créole est aujourd’hui reconnue comme un complément à la médecine allopathique : les tisanes trouvent désormais leur place sur les étagères des pharmacies réunionnaises.

Un lien sacré avec les plantes
 

Écrivaine, conteuse et ethnobotaniste, Isabelle Hoarau-Joly découvre la richesse des plantes de son île lors de la rédaction d’un ouvrage sur les jardins créoles, historiquement destinés à la production de fruits et légumes, plantes médicinales et végétaux. Si sa mère lui a transmis l’amour de la nature, c’est par ce travail qu’Isabelle se passionne pour les plantes et pour les "tisaneuses". 

La relation qu’elles ont avec les plantes est différente des hommes, qui en font parfois commerce. Les femmes soignent avec les plantes pour rendre service, pour faire du bien, c’est un savoir pratiqué dans le don. Leur relation avec la nature est de l’ordre du sacré

- Isabelle Hoarau-Joly

En plus de ses activités d’écriture, Isabelle se consacre désormais aux plantes des jardins créoles. Elle en connait une cinquantaine qu’elle utilise régulièrement. "Pour un soin, c’est comme si je créais un lien avec les plantes, je leur demande de nous aider. Si quelqu’un a besoin de moi, je vais m’imprégner de la personne et j’aurais l’idée spontanée d’une plante qui va convenir. C’est un lien unique, qui dépasse la simple connaissance…".

Sa plante préférée est l’atoumo, de la famille des gingembres, qui stimule les défenses immunitaires et dont les propriétés sont si nombreuses que son nom créole est la contraction de "à tous les mots"…

L’amour des plantes pour tous
 

L’écrivaine partage cet amour des plantes avec son amie Reine-Claude Gonthier. Née au cœur du cirque de Cilaos, Reine-Claude a grandi dans une famille de tisaneurs. Elle perpétue l'héritage familial dans son jardin du Piton Bétoum, créé sur les terrains en friche de son grand-père. Depuis 1999, elle cultive au milieu de cette forêt une cinquantaine de simples endémiques de l’île, car “les plantes sont l’essence même de la vie” comme elle le résume si bien.

À ses côtés, les voyageurs peuvent s’initier à l’art des tisanes de la Réunion : son jardin est ouvert à toutes et tous. Isabelle organise aussi des ateliers botaniques et l’association Aplamedon (Association pour les Plantes Aromatiques et Médicinales de la Réunion) programme également des visites à l’attention des locaux comme des gens de passage. De belles découvertes en perspective !

En savoir plus :
- L’épisode Cilaos : la terre des tisaneuses sur la plateforme d’échange et de savoirs "De la Mère à la Terre en Outre-Mer"
- Une présentation des tisanes en vidéo sur le site d’Isabelle Hoarau-Joly
- Le site de l’association Aplamedon