Tourisme durable

Alexandrie, ville-symbole

27 Septembre 2025 - Culture / Histoire

Vibrante, populeuse, désordonnée mais fascinante, l’ancienne capitale de l’Égypte séduit par l’étonnante histoire de son métissage culturel à travers les siècles. 

À environ trois heures de train direct depuis Le Caire, Alexandrie mérite la lenteur, l’immersion dans les ruelles du vieux centre qui jouxtent la grande place Saad Zaghloul, du nom du héros de l’indépendance égyptienne en 1922. Là cohabitent, dans les échoppes du quartier Manshya, dessous coquins et abayas, bijoux en toc et vraies pépites, téléphones portables, jouets, confiseries et pâtisseries délicieuses.
 

La place Saad Zaghloul au centre d’Alexandrie ©grandadam

 

Non loin, sur la corniche encombrée d’un incessant tohu-bohu de klaxons, les nobles cafés d’une époque révolue où la circulation automobile n’était pas encore aussi folle s’ouvrent sur la mer, et le visiteur s’imprègne d’une ambiance méditerranéenne entre nonchalance et agitation. L’hôtel Le Métropole regarde vers le large avec sa belle façade XVIIIe siècle, de style italien. Et c’est une émotion que de visiter la Bibliothèque d’Alexandrie, merveilleuse réalisation d’une agence norvégienne d’architectes, inaugurée en 2002 à proximité de l’emplacement supposé de la mythique bibliothèque fondée en 288 avant notre ère. Celle-ci aurait, en 48 avant J.-C., brûlé avec son inestimable trésor de dizaines de milliers de papyrus, en raison de l’incendie de la flotte d’Alexandrie par les troupes de Jules César. Mais ce n’est que l’une des hypothèses formulées par les historiens.
 

La bibliothèque d’Alexandrie, inaugurée en 2002 à l’emplacement supposé de l’ancienne bibliothèque de l’Antiquité disparue entre 48 avant notre ère et 642 de notre ère ©sgrandadam



Une ville mythique

Les traits d’Alexandrie, qui fut rêvée en 331 av. J.-C. par Alexandre le Grand comme un “comptoir du monde“ emblématique de la puissance commerciale et culturelle de l’Antiquité grecque, présentent un caractère métissé par des siècles de cohabitation ethnique, religieuse et culturelle. Dans les catacombes de Kom El Shoqafa, datées du IIe siècle après J.-C., les fresques évoquent ainsi les influences artistiques croisées des Grecs, des Romains, des Égyptiens qui inspiraient les arts helléniques.
 

Fresque dans la nécropole des catacombes, à Alexandrie ©pfalcone 

 

Le legs prestigieux de cette cité millénaire nous tombe sur les épaules. D’Alexandre le Grand à César et à l’Empire byzantin chrétien, de la conquête arabe à la campagne de Napoléon en Égypte, les siècles passés dessinent le portrait d’une ville qui a concentré toutes les attentions des pouvoirs qui l’ont façonnée, attisé toutes les convoitises, connu une prospérité exceptionnelle. Avec l’ouverture en 1869 du canal de Suez tout proche, le port d’Alexandrie confirmera encore davantage l’ambition qu’Alexandre le Grand avait pour sa ville : celle de devenir un carrefour commercial incontournable.
 


Il n’est pas rare, aujourd’hui encore à Alexandrie, d’entendre parler français, grec, italien ou turc, aux côtés de l’arabe. Au restaurant chez Gaby, la cuisine est italienne et les propriétaires, “d'origines libanaise, française et grecque“, s’adressent à vous en français. Au tournant du XXe siècle, la ville comptait aussi une importante communauté juive, dont témoigne une magnifique synagogue rénovée par l’État égyptien en 2020, pile en face de la cathédrale copte Saint-Marc. Artiste, polyglotte et guide de tourisme à ses heures, Zahra nous enseigne cet adage :

Si tu veux être un Alexandrin cosmopolite, tu es le bienvenu. Sinon, rentre chez toi. - Zahra 
 

La mosquée Abul Abbas al-Mursi vue depuis le café Sidi ©sgrandadam

 

Le café Farouk, institution hors d’âge qui a survécu à la pression immobilière des nouveaux investisseurs sur la corniche, aligne ses chaises bistrot et ses tables en bois. Des jeunes jouent aux dés, des copines bavardent. Un homme regarde du côté de l’île de Pharos, orpheline de son célèbre phare disparu depuis le Moyen-Âge. En lieu et place du phare se dresse depuis le XVe siècle une citadelle destinée à protéger la ville.


Nostalgie ambiante

Alexandrie, avec un peu plus de cinq millions d’habitants, est aujourd’hui une ville hétéroclite, où les projets successifs de modernisation, ces dernières décennies, n’ont pas toujours été applaudis, car ils ont notamment privé les Alexandrins de leurs quartiers anciens et d’un accès à la mer. De surcroît, la crise économique ronge les porte-monnaie, et les fastes du passé se sont mués en une sorte de nostalgie ambiante.
 

Contemplation au café Farouk sur la corniche ©pfalcone 

 

Il n’empêche : entre mosquées, églises, ruelles décaties, tours modernes et vieux hôtels particuliers de style italien, français ou britannique délicieusement vintage, Alexandrie conserve ce petit “plus“ qui fait sa réputation, où la Méditerranée berce les rêves d’un ailleurs où l’on n’ira jamais, mais ce n’est pas grave.