L’Égypte émerveille d’autant mieux si, de Louxor à Assouan, on embarque sur un bateau à dimension humaine. À bord d’un dahabieh, on découvre la vie locale grâce à des haltes le long des rives du grand fleuve. Une bonne façon de rejoindre les deux bouts de l’Histoire, antique et contemporaine.
Les tons chauds de l’Égypte vous cueillent dès l’arrivée à Louxor. Une palette de jaunes s’étire sur l’or des dunes, teinte de bistre et d’ocre rouge les statues et les fresques de l’Antiquité, colore les maisons sur les rives du Nil. Loin des navires géants amarrés sur le port de Louxor et qui peuvent embarquer jusqu’à 500 passagers, le dahabieh Lazuli glisse sur le Nil comme une danseuse sur la piste.
Ce bateau traditionnel à voile et à fond plat, utilisé à l’époque de l’Égypte romaine puis au XIXème siècle par les riches marchands, propose, lui, six cabines maximum et une vue imprenable tout autant que silencieuse sur le paysage. Ce ne sont pas ses moindres avantages, même si, en réalité, l’embarcation se fait plus souvent remorquer qu’elle ne hisse ses voiles. Car le dahabieh, bien plus petit et agile que les paquebots de croisière, peut se caler à flanc de coteau pour une nuit à l’abri des roseaux, et surtout, aborder une île ou s’amarrer au ponton d’un village, permettant aux voyageurs de découvrir la vie agricole qui honore “le don du Nil à l’Égypte“, selon la formule d’Hérodote, et rend la terre verdoyante.
Seule est cultivable une bande de 20 km de large autour du fleuve, l’Égypte étant privée de toute autre source d’eau. Le reste du décor, s’il n’était si beau, pourrait paraître apocalyptique avec ses dunes et ses roches désertiques qui pourtant, au fil du voyage, recèlent, comme à Elkab près d’Edfou, les merveilles du temps passé. Jarres débordantes, épis de blé et de lin, vin, fruits, poissons : les bas-reliefs multicolores de ces tombes témoignent d’une intense vie rurale.
Les matelots ont finalement hissé les voiles, le silence est magique. Le vent masque une température en hausse exponentielle. Instants suspendus dans la majesté du fleuve.
C’est aussi en ville que bat le pouls de l’Égypte, comme à Daraw, un gros bourg poussiéreux sillonné par des tuk-tuks agités. Le marché y bat son plein. Bouchers qui travaillent la viande de chameau, légumes et fruits colorés, couvertures made in China, babioles convoitées par des femmes au voile intégral : l’Égypte est aussi là, dans cette atmosphère quotidienne banale et dépaysante.
L’île de Bassaw s’étend au milieu du Nil à la manière d’une oasis flottante. Les canaux d’adduction d’eau inondent des vergers florissants de bananes, de goyaves, de citrons, et de hautes herbes pour le fourrage. La station de pompage a été financée par le Japon, comme on le constate tout au long du parcours. L’école ne connaît pas un sort enviable, elle a été détruite par les pluies et la classe s’est transposée dans les maisons, avec du matériel scolaire que fournit l’armateur égyptien du Lazuli.
Nos hôtes nubiens offrent le thé à la menthe et proposent une virée en barque pour voir les pêcheurs tirer de l’eau leurs filets remplis de tilapias. Comme toujours, les enfants ravis de cette visite virevoltent autour des étrangers avant de s’égailler vers leurs jeux. L’équipage emporte pain, fruits et légumes achetés aux villageois.
L’heure tendre est celle d’avant le coucher du soleil, quand la lumière déclinante enrobe le paysage de délicats reflets. Sur l’île d’Herdiab plantée de palmiers, l’herbe court entre les bancs de sable fin. C’est là, sur une plage naturelle, que se produit une vraie immersion dans l’ambiance locale, à cette heure où villageois et voyageurs partagent un bain rafraîchissant dans le Nil et échangent des selfies. Aujourd’hui comme dans l’Antiquité, l’image fige un moment aussi éphémère qu’éternel dans nos souvenirs.
Pour en savoir plus :
https://www.lazulinil.com/