Tourisme durable

Le sel et les Mamas Shingo à Mayotte : un trésor vivant au cœur de la mangrove

25 Septembre 2025 - Art / Biodiversité / Culture / Initiatives

À Bandrélé, au sud-est de Mayotte, une poignée de femmes perpétuent un savoir-faire unique : la récolte traditionnelle du sel. Détentrices de cette transmission, les Mamas Shingo incarnent la mémoire vivante d’une île...

Alors que Mayotte est encore marquée par le passage du cyclone Chido, qui a dévasté l’archipel en décembre 2024, l’île s’engage dans une profonde refondation. Entre débats sur l’avenir institutionnel, urgences sociétales et économiques, et défis sanitaires persistants, la population cherche à se reconstruire, dans un rapport plus respectueux de la nature. Dans ce contexte, le geste des Mamas Shingo résonne comme un inspirant lien à la terre. Ici, le sel ne se cueille pas, il naît de la patience et des gestes répétés. Les Mamas Shingo, "mamans du sel" en shimaoré, sont les gardiennes de ce trésor.
 

Bandrélé à Mayotte © Association En Terre Indigène



Un sel né de la mangrove et du feu

Bandrélé, vaste commune du sud-est de Mayotte, s’étend sur près de 37 km² et rassemble plusieurs villages, bordés par le lagon et la mangrove. C’est dans ce décor baigné par un climat chaud et humide et rythmé par les marées de l’océan Indien que le sel de Bandrélé prend naissance. La fabrication de ce sel ne ressemble à nulle autre. Lorsque la mer vient recouvrir la bande littorale, elle dépose sur le rivage un limon argileux chargé de sel. C’est ce limon, ramassé à la main à l’aide de coques de noix de coco ou de spatules, que les Mamas Shingo récoltent dès la saison sèche. Le précieux limon est ensuite stocké, protégé de la pluie, puis filtré à l’aide de tissus ou de sacs de riz pour séparer la terre de la saumure.

L’étape finale, la plus spectaculaire, se déroule autour du feu : la saumure concentrée est chauffée dans de grands bacs métalliques, sous la surveillance attentive des femmes. Au fil des heures, l’eau s’évapore, ne laissant derrière elle que des cristaux d’une blancheur éclatante, riches en oligo-éléments et en saveur.
 

Bandrélé Mayotte © Association En Terre Indigène

 



Femmes de sel, femmes de lien


La récolte du sel à Mayotte est une aventure autant féminine que collective. Longtemps, chaque famille transmettait ce savoir de mère en fille. Aujourd’hui, elles ne sont plus qu’une vingtaine à perpétuer cette tradition, réunies au sein d’une association fondée en 2001. Les Mamas Shingo assurent elles-mêmes la production, la vente et la promotion de leur sel, notamment à travers l’écomusée de Bandrélé. Ce sel est devenu le symbole d’une société matrilinéaire où la solidarité, l’entraide et la fierté du geste se conjuguent au féminin. Le projet collectif d’entraide, à l’origine de l’association, a permis d’améliorer les conditions de travail et de sauvegarder ce matrimoine.
 

Ramassage du limon © Association En Terre Indigène



Un matrimoine à préserver, un avenir à inventer

Face à la concurrence des sels industriels et dans un contexte sociétal plus délicat que jamais, les Mamas Shingo œuvrent à la sauvegarde de leur savoir. Leur sel, plus sombre que le sel importé, séduit par sa richesse en zinc, fer, magnésium et potassium, et par sa saveur singulière, reflet du terroir de Bandrélé.

La transmission du savoir est désormais un enjeu crucial, et quelques jeunes femmes, comme l’apprentie Youhanidi Nadjime Madi, relèvent le défi pour que le sel de Bandrélé continue de raconter l’histoire de Mayotte. C’est pour cette raison que l’association En Terre Indigène a choisi de soutenir les Mamas Shingo, dans le cadre du projet De la Mère à la Terre, la première plateforme d’échange et de savoirs écologiques détenus par les femmes en Outre-mer. Des ateliers de transmissions auprès des jeunes générations ont été organisés et un film a été réalisé pour participer à la transmission de ce savoir unique.
 

L’apprentie Youhanidi Nadjime Madi © Association En Terre Indigène
 

 

À Bandrélé, le sel n’est pas qu’un condiment, c’est la mémoire d’un peuple, la force d’une communauté de femmes et l’espoir d’un avenir où tradition et modernité marchent côte à côte, portées par la ténacité lumineuse de quelques Mamas Shingo.

Fin septembre 2025, six femmes de savoirs soutenues par l’association En Terre Indigène, comme le sont les Mamas Shingo, seront présentes à Paris pour l’événement Les Rencontres du Matrimoine Ultramarin organisé dans le cadre du projet De la Mère à la Terre, du 20 au 28 septembre. Cet événement exceptionnel offrira l'opportunité de découvrir des savoirs ancestraux et des nouvelles formes de production et consommation durable dans différents territoires d’Outre-mer.
 



Découvrez un extrait du documentaire "Les Mamas Shingos ou la récolte du sel à Mayotte" :

 



Pour en savoir plus : 
- Les Rencontres du Matrimoine Ultramarin du 20 au 28 septembre à Paris.

- La plateforme d’échanges de savoir De la Mère à la Terre, portée par l’association En Terre Indigène.