Tourisme durable

Le tressage aux îles Australes : immersion au cœur d’un savoir ancestral

04 Juin 2025 - Culture / Nature / Patrimoine / Portrait / Préservation

Dans cet archipel de l’océan Pacifique, le tressage est un savoir transmis de mère en fille qui se perpétue encore aujourd’hui. Découverte, sur l’île de Rurutu.

Les îles Australes sont situées à l'extrémité méridionale de la Polynésie française, à 650 kilomètres de Papeete. Leur isolement géographique a permis la préservation d’une culture riche, où le tressage occupe une place importante dans le patrimoine local. Si cet artisanat ancestral n’intéresse pas toujours les jeunes générations, des femmes se mobilisent pour perpétuer la tradition.
 

L’île de Rurutu (c) DR
L’île de Rurutu © DR

 


Avec ses cinq îles principales, Tubuai, Rurutu, Rimatara, Raivavae et Rapa Iti, cet archipel se caractérise par une topographie variée, alternant entre montagnes escarpées, plateaux fertiles et lagons turquoise. Les îles abritent une biodiversité remarquable, tant sur terre que dans les eaux environnantes, où les récifs coralliens et les lagons servent d'habitats à une faune marine diversifiée. Chaque année, les baleines à bosse migrent vers ces eaux pour se reproduire, offrant un spectacle naturel unique. L'économie locale repose sur l'agriculture, la production maraîchère, la pêche et l'artisanat. Les îles Australes sont accessibles par avion depuis Tahiti, les déplacements inter-îles se font principalement par avion ou par bateau.

L’isolement de ces îles est aussi un atout : les habitants ont pu perpétuer des pratiques ancestrales, notamment dans les domaines de la musique, de la danse et de l'artisanat.



L’utilité du tressage

Des savoir-faire artisanaux se sont transmis de génération en génération : la vannerie, la sculpture sur bois et le tressage. Ce dernier est une pratique ancienne, traditionnellement réalisée par les femmes pour la confection d'objets du quotidien. Divers matériaux végétaux étaient employés, tels que le pandanus, le cocotier, le bananier, le bambou, le roseau ou les fougères. Le tressage jouait un rôle crucial dans la vie collective, fournissant une grande variété d'objets : nattes, paniers, éventails, vêtements, outils, et même voiles des pirogues…
 

Le tressage © Yvon Le Gall
 


L'arrivée des Européens au XVIIIe siècle a eu un impact sur cette tradition. Alors que certains savoirs traditionnels, comme la fabrication du tapa (étoffe d'écorce), ont été interdits, le tressage de la vie quotidienne a été délaissé tandis que de nouvelles pratiques ont émergé. Par exemple, le chapeau est apparu après le contact avec les Occidentaux.

Le tressage est de nos jours utilisé pour fabriquer une grande diversité de réalisations : des cordages, des tresses et des liens pour la navigation et la pêche, des éléments destinés à l'habitation et à un usage quotidien (nattes, paniers, outils...), des instruments de musique ou des articles à vocation religieuse. On le retrouve encore dans la confection de vêtements et des costumes de danse.
 


À Rurutu, l’île la plus proche de Papeete et peuplée de 2 400 habitants seulement, les femmes excellent dans cet art. Si aujourd’hui le tressage est une alternative écologique au plastique, la transmission des techniques aux jeunes générations est un enjeu crucial car cet art exige patience et dextérité, et les jeunes se tournent parfois vers d'autres activités.

Tiaré Taputu, qui pratique le tressage depuis soixante ans, ressent un profond devoir de transmettre son savoir. L’équipe de l’association En Terre Indigène  est allée recueillir sa parole, dans le cadre du projet De la Mère à la Terre, la première plateforme d’échange et de savoirs écologiques détenus par les femmes en Outre-mer.

Si quelqu’un veut apprendre, il faut lui donner ce que tu sais, c’est pour l’aider dans sa vie. - Tiaré Taputu

Tiaré Taputu partage volontiers ses connaissances, notamment lors de la préparation des feuilles de pandanus. Celles-ci sont récoltées vertes tous les trois mois, afin de préserver la plante, puis assemblées en longues tresses et mises à sécher au soleil. Le tressage se déroule ensuite, souvent en groupe. La réalisation d'un panier nécessite généralement une à deux journées de travail.
 

Maureen et Tiaré Taputu © Yvon Le Gall
Maureen et Tiaré Taputu © Yvon Le Gall



Une vitrine culturelle et bien plus


Les femmes de Rurutu ont fait de cet art une véritable vitrine de l'artisanat polynésien. Elles exposent et vendent leurs créations, ce qui leur assure une autonomie et indépendance financière. Maureen Taputu a appris ce savoir de sa maman Tiaré. Aujourd’hui, elle transmet cette tradition à d’autres femmes. "Le tressage, c’est comme un arbre généalogique qui se transmet de génération en génération". Son rêve est d’ouvrir une école de tressage. 

Au-delà de l'aspect artisanal, cette activité favorise la solidarité et l'entraide entre les femmes, et contribue à leur émancipation économique. Tiaré Taputu encourage cette voie.

C’est mieux de travailler pour toi-même, tu seras toujours libre, tu seras heureuse, il faut créer quelque chose. - Tiaré Taputu


Atelier de transmission autour du tressage © Yvon Le Gall

 

Découvrez un extrait du documentaire "Le tressage des îles Australes, à la place du plastique" :
 



Pour en savoir plus : 

- La plateforme d’échanges de savoir De la Mère à la Terre, portée par l’association En Terre Indigène.