Au nord du Mexique, l’État du Chihuahua, le plus grand du pays, reste méconnu du public et pourtant, il offre bien des surprises : des paysages magnifiques, un train mythique qui circule entre des canyons, des habitants chaleureux et une histoire mouvementée.
La princesse Basaseachi était si belle que de nombreux prétendants la courtisaient. Mais tous périrent dans les épreuves insurmontables que le père de la jeune fille leur imposa pour les départager. Désespérée, Basaseachi se précipita dans l’abîme d’une falaise, et à l’endroit de sa chute naquit une magnifique cascade.
Cette légende tarahumara, l’ethnie indienne qui habite les sommets de l’État de Chihuahua, au nord du Mexique, vient à point nommé nourrir notre imaginaire déjà fortement sollicité par le panorama qui s’offre à perte de vue. Un cirque de montagnes arides vaste comme le monde, dirait-on, plissé et torturé par les accidents telluriques des âges anciens. Mais ce n’est peut-être, finalement, que le commencement du monde ici, entre les gris, les rouges et les tons cuivrés de ces gorges ici et là coiffées de pinèdes et de chênes.
Dans les gorges des Barrancas
Les Barrancas del Cobre (Canyons du cuivre), au sud-ouest de l’État dans la Sierra Madre mexicaine, alignent six gorges qui culminent à 2500 mètres et sont parcourues de rivières souvent asséchées, la pluie se faisant rare ces dernières années. Dans les replis de ces canyons vivent les Tarahumaras, aussi appelés Rarámuris : ils cultivent de petites parcelles pour leur nourriture et élèvent un bétail qui s’agrippe en toute liberté aux pentes abruptes. Ces communautés cohabitent sans problème avec le Mexique moderne, qui, lui, a créé des expériences aux sensations fortes pour attirer les visiteurs : un “parc d’aventures“ avec tyroliennes, escalade et téléphérique au programme pour frissonner et admirer le vertigineux paysage.
Une région étonnante
Le Chihuahua est un fabuleux western d’un bout à l’autre. Un western sans cinéma, authentique et cordial. Les gens y sont gourmands de la vie, et la vie est pourtant rude et fruste pour beaucoup, avec ce climat aride.
On croise au Chihuahua d’anciens migrants très blonds arrivés dans les années 1920 pour cultiver la terre, les mennonites, avec leurs chalets colorés et leurs gâteaux façon strudel. Puis, dans les replats des falaises surgissent des fermiers (vaqueros en espagnol) à cheval, hommes, femmes et enfants en tenue de cow-boy, qui s’affrontent pour jouer et festoyer ensemble jusque tard dans la nuit.
Dans la capitale Chihuahua, Pancho Villa, le révolutionnaire haut en couleurs du début du XXe siècle, a laissé sa villa devenue musée. Des supputations diverses sur le lien entre le chien chihuahua et le Chihuahua vous feront perdre le fil, mais qu’importe : au bar de l’hôtel, vous pouvez rencontrer un champion de rodéo chaussé de santiags rutilantes. “Nous sommes les vainqueurs du désert“ lance Julio Chávez, le patron d’un groupement d’entreprises pour le tourisme. “Voici un peuple au caractère bien trempé”, ajoute-t-il, et d’ailleurs, la Révolution mexicaine a commencé ici, dans les mines d’or et d'argent en 1910.
Diable ! Il faut ce tempérament pour cultiver la vigne comme le font Alejandro et Consuelo dans l’hacienda Las Ruelas, au milieu de nulle part dans une plaine sèche qui produit pourtant d’excellents crus.
Ici, pour produire du vin, il faut que la plante souffre, et c’est le cas avec de fortes amplitudes de température entre le jour et la nuit. - Alenjandro
Ailleurs dans le Chihuahua, un arbuste local du désert, le dasylirion, est exploité pour faire un alcool nommé sotol, qui s’exporte. Au Chihuahua, on se retrousse manifestement les manches pour faire vivre l’économie locale.
El Chepe, un train de rêve
D’ailleurs, la grande star de ce voyage, le train Chepe Express, a été créée pour désenclaver un État dépourvu de routes importantes et ainsi relier les montagnes du Chihuahua à l’océan Pacifique, à Los Mochis dans l’État de Sinaloa : neuf heures de trajet pour 350 km de distance. Sa construction a lancé aux ingénieurs un défi technique énorme pour tailler dans les gorges, forer des tunnels et construire des ponts. Le chantier perdura plus de 60 ans, jusqu’en 1961.
À la gare de El Divisadero, dans les Barrancas del Cobre, la locomotive sifflante replonge le visiteur dans une scène hollywoodienne. Les passagers se pressent dans un joyeux désordre. À bord, fenêtres ouvertes au vent, un voyage inoubliable commence, lorsque lentement, l’immense corps du train chemine entre les bras des canyons, comme dans un rêve où rien d’aussi beau n’existerait que cette nature sauvage sur des centaines de kilomètres.
Pour en savoir plus :
https://www.visitachihuahua.mx