Dans la région Caraïbe de Colombie, destination appréciée des touristes, une école a ouvert ses portes voici quelques années pour former des jeunes de quartiers défavorisés aux métiers du tourisme. Et ça marche.
Les beautés naturelles et les merveilles de la Caraïbe colombienne masquent des réalités contrastées. C’est le cas notamment à Santa Marta, ville côtière de la mer des Caraïbes. “Colombie, pays de la beauté“, scande le slogan des autorités du tourisme, et pour cause.
Côté pile, des plages paradisiaques en lisière d’une jungle débridée et des montagnes du Parc national de Tayrona, dans la sierra Nevada, la fascinante découverte des ethnies indiennes qui les habitent, les couleurs des belles demeures coloniales dans une ville animée de bord de mer. Mais côté face, la précarité de certains quartiers, le désœuvrement de nombre de jeunes tôt déscolarisés, le risque de la délinquance, alors même qu’à un jet de pierres, les entreprises qui travaillent dans le tourisme ont un besoin crucial de main d’œuvre qualifiée.
C’est cette histoire que nous raconte Luís Alejandro Dávila dans un français impeccable, lui qui, originaire de Santa Marta, a étudié le tourisme et le management en France, clôturant son parcours avec un Master 2 de tourisme durable après avoir bataillé pour subvenir à ses besoins pendant ses études.
Insertion par l’économique
En 2018, jeune diplômé de retour dans son pays, il crée une école de tourisme dans sa ville natale, avec le soutien financier d’un ami investisseur français. Il a d’abord peaufiné son projet en France dans un incubateur d’entreprises.
Je veux donner des opportunités aux jeunes, avec des formations pratiques qui débouchent sur un emploi immédiat et qualifié. Ce type d’approche n’existait pas vraiment en Colombie. Et en insérant ces jeunes dans le travail, on contribue à réduire la pauvreté. - Luís Alejandro Dávila
Il sonde les dirigeants du port, des hôtels, des restaurants, les agences de tourisme : tous sont partants pour recruter des jeunes bien formés et bilingues.
Tempérament chaleureux
Encore faut-il convaincre les jeunes de rejoindre les cursus proposés, et s’assurer de leur assiduité. Au départ, l’idée était d’intégrer également des combattants démobilisés de la guérilla des Farc, dans le cadre d’un programme national de réinsertion après des accords de paix signés en 2016 avec ce groupe armé. Mais les aléas de la politique colombienne et des financements n’ont pas permis à l’école de poursuivre ce projet. Qu’importe, l’école remplit sa mission de former un public défavorisé aux divers métiers pratiques du tourisme : réservations et accueil, agent d’entretien, restauration…
“Nous identifions les quartiers vulnérables où il existe un potentiel de compétences chez les jeunes, comme par exemple Pescaito, un quartier proche du port. En Colombie, le plus grand atout que nous ayons pour ces métiers, c’est notre tempérament chaleureux, accueillant et serviable, et c’est précisément ce sur quoi nous travaillons en repérant les individus qui présentent ces qualités et peuvent évoluer rapidement.”
Après une interruption liée à la pandémie, l’École internationale de tourisme (EIT) a pris son envol et s’est fait rapidement remarquer par son efficacité. Les formations, entièrement gratuites, sont orientées vers les besoins des recruteurs, qui adhèrent de plus en plus nombreux à l’initiative. Depuis 2019, mille jeunes ont, dans cette école, bénéficié d’une formation qui dure entre un an et un an et demi.
Carrières prometteuses
Pour inciter les candidats, souvent fragiles, à garder le cap, les enseignants se rendent parfois sur place, dans les quartiers, pour dispenser leurs cours, et le déjeuner est offert par l’école. Un psychologue suit les élèves individuellement tout au long du parcours, et l’école se porte garante auprès des employeurs. Un pari gagné : aujourd’hui, les jeunes recrues sont convoitées par les entreprises. Luís Dávila cite l’exemple d’une jeune femme de 22 ans formée à l’école, désormais bilingue, qui a commencé sa carrière à l’hôtel Marriott de Santa Marta avant d’accepter un poste au Royaume-Uni. De son côté, le fondateur a tout récemment passé la main tout en gardant un œil sur son école : il a été nommé à la tête de l’agence nationale de tourisme de la Colombie, Procolombia.