Tourisme durable

The Wave ! 
ou comment le hasard est devenu le meilleur ami du tourisme durable

27 Décembre 2018 - Biodiversité / Récit

Il y a quelques années, LE lieu à voir aux États-Unis s’appelait Antelope Canyon. Un nom qui courrait alors de bouche à oreille parmi les voyageurs aguerris. Aujourd’hui, il n’est plus question que de « The Wave », un endroit véritablement magique. Qui attise d’autant plus la convoitise que sa localisation est tenue secrète et n’est accessible, chaque jour, qu’à 20 personnes en tout et pour tout !

 

 

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The Wave

 


 
Dix personnes sont désignées au moyen d’une loterie, tenue en ligne par les rangers qui assurent aux États-Unis la protection des Parcs Naturels. Le tirage s’effectue 4 mois à l’avance pour avoir le temps d’organiser son voyage. Dix autres personnes sont désignées la veille du jour de leur visite programmée, au QG des rangers, en la petite bourgade de Kanab, dans le sud de l’Utah.

 

The Wave est un chaudron de grès rouge dans lequel on peut s’immerger et qui déploie alors son incroyable dégradé de strates colorées autour de vous. Si vous avez la chance d’être désigné par une des deux loteries quotidiennes, les rangers vous remettent le plan donnant accès au lieu en vous enjoignant de ne surtout pas le divulguer, dans l’intérêt même des visiteurs suivants... Et, jusqu’à aujourd’hui, le secret a été plutôt bien tenu.

 

Pourquoi tant de précautions ? Tout simplement parce que ces cuvettes, mamelons, écharpes, cheminées de fées et cathédrales minérales épousant tous les tons du jaune au rouge sang sont faits de grès pur. Une roche pétrie de sable compressé par la pression terrestre qui, une fois mise à jour par les mouvements tectoniques et l’érosion, devient extrêmement FRAGILE !
 

 

 

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Havasupaï

 

 


La part du risque...

 

 

Comme nous avions très envie d’admirer ce lieu unique, nous avons joué plusieurs jours de suite à la loterie en ligne, dans les dates correspondant à notre futur séjour aux États-Unis, 4 mois plus tard. Et nous avons perdu, perdu et encore perdu. Mais nous avons décidé de partir quand même. Après tout, une fois sur place, les statistiques ne nous seraient-elles pas plus favorables ? Une chance sur quelques centaines seulement contre une chance sur des milliers via internet.

 

Il faut préciser que l’Utah, tout comme l’état voisin de l’Arizona, regorge de paysages minéraux incroyables et qu’en aucun cas, nous ne ferions le voyage pour rien. Ainsi, après avoir rendu hommage aux fabuleux géants verts du Sequoia National Parc, nous sommes descendus au fond du Grand Canyon pour épuiser nos batteries d’appareils photos sur les sublimes cascades de la réserve indienne d’Havasupai. Même principe de « sustainable tourism » ou tourisme durable en ce lieu, sinon que le quota autorisé y est de 200 visiteurs par jour.

 

Pas de loterie, mais une inscription qui s’effectue des semaines à l’avance. Puis nous nous sommes installés à Kanab pour, chaque matin, à 9h, regarder les rangers faire tourner leur petite cage métallique emplie de boules numérotées. Dix places en jeu, donc, mais aussi, on le comprit vite, bien moins que dix chances chaque jour d’être élu, chaque groupe participant n’ayant droit qu’à une boule collective. Ce qui fait que si deux groupes de quatre personnes commençaient par gagner, puis un couple (ce qui arriva deux fois !), au bout de trois tirages, c’était fini.
 

 

 

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Paria River

 

 

 

 

En attendant The Wave

 

 

Le premier jour, nous avions le cœur qui battait la chamade. Et nous avons perdu. Ri un peu aussi en entendant le chef des rangers conseiller au groupe de quatre personnes qui venait de gagner les deux dernières places de les donner à d’autres plutôt que de devoir choisir entre eux et de se haïr jusqu’à la fin de leur vie ! Il parlait d’expérience, assura-t-il. Le deuxième jour aussi, nous avons perdu. Et le troisième également. Mais nous n’étions pas tristes, car chaque journée était marquée par la découverte (parfois seuls, parfois avec un guide local, certains coins étant vraiment ardus à dénicher) de spots qui, sans être aussi renversants que The Wave, n’en était pas moins sublimes si l’on est amateur de paysages minéraux stupéfiants...

 

 

  • Buckskin Gulch et Wire Pass : deux canyons moins étroits et impressionnants qu’Antelope mais donnant néanmoins l’impression d’être une fourmi dans un labyrinthe.
  • Paria River : où l’on a vraiment l’impression qu’un géant a utilisé les falaises pour y décliner tous les tons de sa palette de peintre.
  • Coyote Buttes South : attention, chef d’œuvre ! Si The Wave obtient 21/20, CBS vaut les 18. Là aussi, il faut un permis s’obtenant par tirage au sort ; mais comme personne ne connaît (encore !) ce coin, il s’obtient facilement et les agences locales peuvent jouer pour vous.
  • White Pocket : les incroyables formations rocheuses se déclinent ici en crème et non plus en rouge, comme leur nom l’indique.
  • Parmi tant de merveilles...

 

 

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Buckskin Canyon

 

 


Et le vainqueur est...

 

 

Et puis... l’avant-dernier jour, l’avant-veille de notre vol de retour, nous nous sommes une dernière fois rendus chez les rangers. Et là, en dépit du fait qu’il n’y avait jamais eu autant de participants - plus de 100 groupes différents ! - par un miracle que nous ne nous expliquons toujours pas, notre numéro, le 71, est sorti de la cage à hamster. Nous avions gagné le droit de poser les yeux sur la huitième merveille du monde !

 

Et la journée du lendemain fut un rêve éveillé. De l’aube au crépuscule, nous avons marché sur un nuage. D’autant plus que ce n’est pas une carte que les rangers vous remettent pour rejoindre le saint Graal, mais une série de photographies, prises toutes les demi-heures de marche. Ce qui fait qu’à la lente approche préliminaire du saint des saints s’ajoutent les plaisirs puissants de la chasse au trésor.

 

« Repérez-vous sur les twin pics » ; « Vous apercevez maintenant à gauche un profond canyon », « Plein sud se distingue un plateau rouge ». Etc.

 

Et pour le coup, moi qui d’ordinaire suis coutumier des raccourcis qui coûtent des heures, j’ai fait un sans-faute. Je jubilais, il faut dire. Après deux ou trois heures de marche enfin, The Wave fut à nous. Et à la poignée de chanceux du jour...

 

Et, comme dans les histoires vraiment belles, il existe même un « The Wave 2 » dissimulé à quelques dizaines de mètres. Ce fut un autre bonheur de le chercher et... de le trouver.Une longue apnée hors du temps, une poignée d’heures dans le giron même de la Terre Mère, au plus près de son cœur battant.

 

 

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