
Lassés des circuits classiques qui enchaînent grands sites et musées comme autant de perles à un collier, de plus en plus de voyageurs cherchent à mêler découvertes et expériences intimes pour mieux appréhender les cultures locales des pays visités mais aussi parce qu’au final, ce qui restera et que l’on aura envie de raconter, ce sera cette partie de pêche avec Balbino sur le Titicaca ou le fou rire dans la cuisine de Francesca…
Quelques voyagistes et associations de voyage l’ont compris depuis bien longtemps. Terres des Andes, Les Nouvelles Terres et Rencontres au bout du monde proposent des séjours qui combinent visites et temps partagés avec les populations rencontrées.
Mêler la découverte d’une région à des expériences plus intimes avec les hôtes est certes une excellente idée mais la réaliser demande un travail de fond et des partenariats forts et durables. On n’improvise pas des rencontres au détour d’un chemin. Les hôtes ne nous attendent pas. Ils ont leur vie, leurs activités, leurs contraintes.
Chez Terres des Andes, la relation amicale s’est d’abord construite par des affinités nées de l’expérience de terrain. En 2007, Romain Eliot et Paul Llonguet partent en congé sabbatique pour découvrir le Pérou. Le hasard les amène à collaborer comme volontaires avec l’association Enfants des Andes. Ils y donnent des cours de français et participent à la création d’un centre d’accueil pour enfants. À leur retour en France, ils ont alors l’idée de monter leur propre structure, l’agence de voyage Terres des Andes.
Romain : « Nous sommes partis au Pérou pour voyager et ce qui nous a le plus plu, c’est la rencontre avec les habitants. Nous nous sentions moins touristes, accueillis en amis. Nous avons alors voulu faire en sorte que les voyageurs qui partent avec nous se sentent à leur tour accueillis comme des amis, des membres de la famille, cela change tout ! »
Aujourd’hui, Paul et Romain proposent non seulement des voyages dans l’ensemble de l’Amérique latine avec Terres des Andes mais ont aussi créé une nouvelle marque début 2016, Les Nouvelles Terres, qui offrent sur ce même mode dix autres destinations dont la Palestine, l’Afrique du Sud, le Maroc, l’Indonésie, etc.
Dans le même esprit, Patrick Wasserman a créé Rencontres au bout du monde dès janvier 2000, après une quinzaine d’années passées en agence de conseil en communication. Chez cet humaniste, le déclic vient d’un constat, celui de la vulnérabilité culturelle, économique, sanitaire, sociétale et écologique de certaines populations situées dans des zones reculées de pays à potentiel touristique.
Face au peu d’éthique des T.O classiques vis-à-vis de ces populations, au manque de respect des touristes, aux effets pervers que déclenche l’ouverture au tourisme sur des territoires peu préparés, il imagine l’organisation de voyages alternatifs basés sur la rencontre mais aussi sur l’envie de faire découvrir aux voyageurs les réalités locales et les possibilités d’agir sur place ou, une fois rentrés en France, en pleine connaissance de cause.
Sur place, le principe est simple : rencontrer les familles, partager les activités du quotidien, apprendre de l’autre tout simplement. Terres des Andes, par exemple, invite ses clients à aller partager une partie de pêche avec Balbino de la communauté Paramis sur le lac Titicaca puis de déguster un poisson cuisiné avec Francesca. On peut aussi s’initier aux vertus des plantes médicinales, découvrir les techniques de la fabrication du sel, partir en randonnée au cœur des villages, autant d’activités au plus proche des hôtes.
Romain : « A Cuzco, on a rencontré un collectif de huit guides qui sont devenus des amis, on veut aussi en faire profiter nos voyageurs et c’est pour cette raison que nous avons monté le circuit : Voyage au Pérou chez l’habitant, Chez nos amis. »
Rencontres au bout du monde a également de nombreuses offres en ce sens, comme d’allier la randonnée au partage du quotidien des habitants de villages isolés du Zanskar.
Immergés chez l’habitant, les voyageurs peuvent alors découvrir les activités traditionnelles des Ladakhis : travaux des champs, bergeries et yaks en altitude, préparation de plats typiques, médecine traditionnelle tibétaine amchi, etc.
Petite sœur de Terres des Andes, Les Nouvelles Terres proposent aussi des rencontres pour mieux appréhender les hôtes, la Palestine et les Palestiniens par exemple.
Romain : « Les Palestiniens sont très accueillants, on peut les rencontrer autour de la cuisine, ce qui permet de mieux comprendre leur situation sur place, bien loin de nos projections d’Européens. »
Outre s’intéresser aux populations locales, ces différents voyagistes, tous les membres de l’ATES (Association pour le Tourisme Equitable et Solidaire), portent en eux des valeurs fortes et notamment celles du tourisme « solidaire » qui implique de respecter une grille de critères éthiques rigoureux qui aide au développement local des régions d’accueil dans le cadre d’un partenariat étroit avec les communautés locales et leurs représentants.
En ce sens, il reprend les valeurs et pratiques du commerce équitable adaptées au monde du tourisme et privilégie les acteurs locaux (producteurs, guides, restaurateurs et hôteliers locaux).
Par ailleurs, une part des bénéfices de ces agences de voyage est reversée pour aider au financement de projets sur place. Par exemple, au Zanskar, Rencontres au bout du monde a financé la création d’une école que les voyageurs découvrent et visitent lors de leur séjour sur place. De même, en Mongolie, sept yourtes ont été livrées pour quatorze familles de Dariganga.
Rencontres au bout du monde a financé leur fabrication et leur transport. Les Nouvelles Terres travaillent quant à eux sur plusieurs projets en Palestine, dont « La tente des nations », qui vise à éviter l’expropriation d’une famille et la perte de ses champs d’oliviers.
Terres des Andes soutient aussi de multiples projets, par exemple, au Nicaragua, à Puesta del Sol, une association gérée par des femmes qui vise à dynamiser l’agriculture vivrière et l’environnement local.
Les projets ne manquent pas, mais il est important de souligner que le tourisme et la rencontre reste l’activité principale et privilégiée, les projets de développement associés n’étant qu’un partage supplémentaire, forme de solidarité nord-sud co-construite avec les locaux, bien loin des dérives du volontourisme dont on a beaucoup parlé ces derniers temps.