Tourisme durable

Voyage nature et culture en Laponie

24 Décembre 2018 - Culture / Récit

Ils sont environ 70 000 à vivre encore sur leurs terres ancestrales de Laponie. Les Samis constituent aujourd’hui le dernier grand peuple autochtone européen. Leur territoire immense s’étend de la Norvège à la péninsule de Kola en Russie, en passant par la Suède et la Finlande. Voyage en Laponie à la rencontre de ceux qu’on appelle les Indiens d’Europe, un peuple dont l’équilibre et la culture sont de plus en plus menacés par le réchauffement climatique et les extractions minières.

 

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Kiruna © Elisabeth Blanchet

 

Il est 16h sur le tarmac de l’aéroport de Kiruna, la ville la plus septentrionale de Suède. Le soleil ocre donne aux passagers qui descendent de l’avion des ombres longilignes interminables. Le ciel est d’un bleu profond, la lumière automnale. Pourtant c’est le milieu de l’été, quand le soleil se couche à peine. L’arrivée est troublante, tout comme la ville de Kiruna qui a des allures de Twin Peaks

Les couleurs sont au rendez-vous de la fameuse série de David Lynch. Les magasins, les voitures – pick-ups, 4x4 et vieilles américaines – et un groupe de motards en Harley achèvent de planter le décor. Bien qu’elle n’abrite que 18 000 habitants, Kiruna n’est pas une petite ville tranquille mais une ville minière en activité permanente. La mine est en pleine expansion. Elle rapporte tellement que ses dirigeants ont décidé de déplacer la ville entièrement, bâtiments après bâtiments, de quelques kilomètres pour mieux pouvoir creuser…

 

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Fredrik Prost, fabricant de tambours et de couteaux à Kiruna © Elisabeth Blanchet

 

Kiruna, mine et tambours
 

Kiruna, c’est aussi la capitale de la Laponie suédoise et le point de départ possible d’un voyage à la découverte de ce territoire étonnant. Profitez de votre passage dans la ville minière pour aller visiter la fameuse mine mais aussi l’église centenaire et toute en bois : elle a la forme d’une tente samie. Des chants religieux protestants on passe aux chants gutturaux lapons traditionnels : les joïks et aux fameux tambours samis en peau de renne qui les accompagnent.

À Kiruna, vous pourrez découvrir l’atelier d’un des plus talentueux fabricants de tambours, Fredrik Prost. Il vous racontera leur histoire, leur forme ovale qui représentait trois mondes : le céleste où vivaient les Dieux, le terrestre qui était celui des vivants, et le monde souterrain des morts. Les missionnaires scandinaves ont diabolisé les tambours. Ils les accusaient de magie, les confisquaient aux Samis, les détruisaient… Fredrik est un conteur et un virtuose. Il est aussi un coutelier de grand talent.

 

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Attention aux rennes © Elisabeth Blanchet

 

Flash-back sur l’histoire des Samis
 

Johanna Seva est une amie de Fredrik Prost. Comme lui, elle est samie et parle volontiers de ses origines : "J’aime bien Kiruna, même si c’est une drôle de ville. Dans ma famille comme dans la majorité des familles samies, on est attaché à la nature, on élève des rennes depuis des siècles et on vit au rythme des troupeaux et des transhumances, des transhumances qui dépassent les frontières de la Suède que les rennes ne connaissent pas.

Johanna poursuit : Notre identité est très forte, je suis samie avant d’être suédoise. Nous avons une culture et un héritage formidables que je voudrais faire passer aux prochaines générations. Mes grands-parents et même mes parents avaient honte d’être samis. Ça se comprend quand on vous colonise, qu’on vous enlève vos droits, votre culture et qu’on vous évangélise, ajoute la jeune femme de 30 ans.

Mais les temps ont changé. Des parlements samis existent dans les quatre pays ainsi qu’un Conseil Sami supranational. La passion de Johanna pour sa culture la conduit aussi à évoquer à plusieurs reprises l’attachement à la nature : la terre ne nous appartient pas, c’est un merveilleux prêt que l’on nous fait et il faut la respecter", conclut-elle.

 

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Près de Kiruna © Elisabeth Blanchet

 

Une terre époustouflante
 

Et c’est une terre grandiose que celle de Laponie. Johanna recommande vivement l’archipel splendide des Lofoten, une représentation du paradis au bout d’une route magnifique liée par des ponts, bordée de lacs, de fjords et de montagnes qui tombent dans la mer. Faites une halte dans le village d’Unstad, une plage sublime, calée entre deux montagnes, où des surfeurs se régalent toute l’année.

 

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Unstad © Elisabeth Blanchet

 

Visitez Tromso sur le chemin du retour. Ville étudiante et culturelle, dynamique, port de pêche, elle est le point de départ d’excursions à la recherche d’aurores boréales. Misez sur l’hiver pour avoir plus de chances d’observer ces trainées de lumière vertes et magiques. À Tromso, la culture Sami se découvre aussi dans l’excellent Musée de l’Université. On y apprend, documents d’archives fascinants et scénographie à l’appui, l’histoire de la culture lapone, son évolution et l’émancipation de son peuple mais aussi ses traditions dont celle des chamans

 

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Tromso © Elisabeth Blanchet

 

Chamans, joïks et encore des tambours
 

Pour en savoir plus sur ce monde, rendez-vous au festival d’Isogaisa, planté dans un cadre de rêve, surplombant un lac à une bonne heure de Tromso. Il s’agit du seul festival de chamans d’Europe du Nord. Il est ouvert à tous et on en ressort bardé de bonnes énergies. Y aller avec son tambour lapon est un plus : les joïks collectifs du soir autour du feu dans le latvo, tente samie qui ressemble à un tippy, sont inévitablement accompagnés des bruits sourds des tambours dont la peau de renne est chauffée près du feu avec précaution avant son utilisation.

 

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Festival de chamans d’Isoagaisa © Elisabeth Blanchet

 

C’est comme ça qu’on tend la peau du renne, pour avoir un meilleur son, explique Stig, un éleveur de rennes. J’aime bien venir à ce festival. Il y a des Samis d’un peu partout. Mais, entre nous, la majorité sont plutôt des hippies ! Ils viennent pour les cérémonies chamaniques, les concerts, les ateliers… et surtout pour les soirées autour du feu. On est assis sur des peaux de bêtes et la force des joïks peut même en mettre quelques-uns en transe !”, confie-t-il en rigolant.

 

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Festival de chamans d’Isoagaisa © Elisabeth Blanchet

 

Une nature en danger
 

Mais toute cette nature et cette harmonie n’échappent pas à l’un des maux du début du XXIème siècle : le réchauffement climatique. Dans le Grand Nord, il est en effet deux fois plus important qu’ailleurs.

Il fait plus chaud, il y a plus de moustiques. Ça rend les rennes zinzins et les transhumances de plus en plus compliquées à contrôler ! Et puis l’hiver, ils n’ont plus rien à manger. Les lichens qu’ils broutent disparaissent avec la montée des températures”, s’exclame Stig.

 

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Immensité et routes à perte de vue © Elisabeth Blanchet

 

Et sans les rennes, la Laponie n’aurait plus de raison d’être. Aujourd’hui bouleversée par la prolifération des développements miniers et le réchauffement climatique, des Lofoten à la frontière russe en passant par une large incursion en Suède et dans les plaines à perte de vue du nord de la Finlande, l’harmonie entre le peuple et la terre samis est plus que jamais menacée.

 

Pour en savoir plus

Lire l’excellent polar d’Olivier Truc, Le Dernier Lapon
 

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Coucher de soleil sur les Lofoten © Elisabeth Blanchet

 

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