Tourisme durable
Une nonnerie du Zanskar peut-elle être un modèle d’intelligence collective ?
Une nonnerie du Zanskar peut-elle être un modèle d’intelligence collective ?
09 Juillet 2023 - Culture / Innovation / Patrimoine
Perchée à 3 500 mètres d’altitude, le Zanskar est une vallée de l’Himalaya, au nord de l’Inde. Grâce au travail de Caroline Riegel, la nonnerie de Tungri se révèle source d’inspiration face aux difficultés de notre époque…
Le Zanskar, une enclave hors du monde
De culture bouddhiste, la vallée du Zanskar est une zone à forts enjeux géopolitiques, bordée de frontières controversées. Dans un désert d’altitude, les superbes paysages des hautes vallées himalayennes, avec ces villages de maisons à toit plat et ces champs épousant des langues de terre, ont été mis en lumière par le photographe Olivier Föllmi.
Caroline Riegel, ingénieure de métier, réalisatrice et membre de la Société des Explorateurs Français, est amoureuse du Zanskar : "On s’y sent hors du monde. Les gens vivent les uns avec les autres, avec la nature, avec des éléments puissants, qui impliquent beaucoup d’humilité."
Cette région enclavée est aussi une région fantasmée. Caroline explique pourquoi les voyageurs, souvent trekkeurs, sont touchés par ces lieux : "Le Zanskar a longtemps vécu en autarcie. Il n’y a aucun stigmate de guerre, c’est une vallée sans prison… L’interaction entre les hommes et la nature y est majeure. Les habitants vivaient dans l’harmonie, dans la beauté et la rudesse à la fois. Pourtant c’est un monde complexe, où tout est codifié, avec une nécessité d’adaptation immense à ce rude univers."
Une histoire d’amitié
Au lieu d’idéaliser la situation, Caroline a préféré le temps long, le temps d’une vie. Elle découvre la région alors qu’elle traverse l’Asie en 2004-2005 et se lie d’amitié avec la douzaine de femmes de la nonnerie de Tungri. En 2012, Caroline emmène ses amies découvrir l’Inde : "Pour oser ce périple, je devais prendre conscience de qui étaient ces personnes en tant que femmes, en tant que groupe, en tant que religieuses…" En naît un film, "Semeuses de Joie", qui connaît un succès immense.
Du fait de leur condition, ces femmes se rabaissent à l’extrême. Caroline les aidera à mieux se considérer dans leur savoir, dans leur existence ; elle repoussera leurs peurs.
Durant la tournée française, des milliers de personnes découvrent ces femmes extraordinaires, sublimes dans l’incarnation de leurs valeurs.
Caroline raconte : "Un tel effet sur les autres m’a questionnée. Mais elles dégagent une telle force d’humanité. Elles ne jugent pas et regardent au cœur de chaque personne rencontrée."
Le second film n’était pas prévu, Caroline voulait revivre un hiver au Zanskar, seule avec ses amies. Par un concours de circonstances, elle se retrouve pourtant à filmer ce qui sera peut-être un des derniers hivers enclavés de la région qui fait face à bien des enjeux, tels les nouvelles routes en construction, la raréfaction des ressources, l’afflux rapide d’argent ou encore l’exode des jeunes religieux.
aller plus loin :
- Ladakh, au pays des hauts cols- L’Inde de village en village
- Inde, et dieu créa le Spiti !
L’intelligence collective d’une nonnerie comme source d’inspiration
"Zanskar, les promesses de l’hiver" raconte les enjeux auxquels les habitants doivent faire face. Caroline explique : "Les nonnes vivent dans une grande sobriété, sans ressources et sans inégalités. Avec l’accélération des changements en cours, elles risquent de verser dans la pauvreté. Ce film montre aussi le contrepoint au bonheur."
La force du collectif permet à chaque nonne d’incarner son humanité, fondée sur les valeurs fondamentales du bouddhisme tibétain. Le travail de rabâchage quotidien des textes sacrés les ancre dans ces valeurs, même si le vivre ensemble est largement exacerbé par la rudesse des éléments.
L’intelligence collective peut, selon Caroline, nous aider à faire face aux crises du monde. "Une intelligence collective aide l’individu à surmonter les arrachements au bonheur inéluctables qu’il est amené à vivre. Les nonnes de Tungri ont un fonctionnement démocratique, quasi anarchique, porté par un idéal commun et inaliénable qui transcende la réalité, l’Éveil. Ces femmes acceptent leur vulnérabilité. Elles assument autorité et responsabilités, mais jamais ne versent dans le pouvoir qui nourrit l’illusion d’être moins vulnérable. Leur intelligence collective les en empêche !"
Caroline partage ce que le voyage permet de plus beau : l’enrichissement par la diversité. À l’envers d’une époque qui tend à la simplification, la réalisatrice propose un regard différent, même s’il est parfois complexe à appréhender. Comme elle le dit joliment : "cette complexité est peut-être la plus grande force de notre humanité."
Que ce soit par le visionnage de films ou par un voyage sur place, le Zanskar est une réelle source d’inspiration pour un autre monde !
En savoir plus :
- Le site de Caroline Riegel : www.carolineriegel.org/
Merci au festival Objectif Aventure 2023 qui a permis cette rencontre.
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