Tourisme durable

Un savoir-faire millénaire sauvé par les femmes dans les îles Marquises

04 Décembre 2022 - Culture / Patrimoine / Portrait / Préservation

Eaux translucides, végétation luxuriante et élégants tatouages - que sait-on vraiment de l’archipel marquisien planté en océan Pacifique ? Sa culture connaît pourtant un réel renouveau, grâce à l’action des femmes autochtones…


L’île de Fatu Hiva, dans l’archipel des îles Marquises © Holger Leue
L’île de Fatu Hiva, dans l’archipel des îles Marquises © Holger Leue


 

La transmission de la culture pour les peuples indigènes 
 

Les peuples autochtones sont de tradition orale et l’enjeu de la transmission de leur culture est majeur. La journaliste Anne Pastor rencontre des femmes indigènes et collecte leurs paroles depuis 2003 pour le projet La Voix des Femmes Autochtones. 
 
"La transmission de la culture est une arme de résistance et d'émancipation pour les autochtones. Dans ces sociétés à tradition orale, l'art est à la fois création, sagesse et mode de contestation. Ces femmes appellent à la résistance et nous rappellent qu'il existe une autre manière d’être et de penser le monde." - Anne Pastor
 
 

Un savoir-faire marquisien transmis en secret

 
Situées à 1.500 kilomètres au nord-est de Tahiti, les îles Marquises forment un des cinq archipels de la Polynésie française. Chaque île marquisienne est associée à l’élément d’une maison. À Fatu Hiva, l'île la plus méridionale, le toit de palme et le tapa, une étoffe faite d’écorces battues, sont à l’honneur. 
 
Pendant des milliers d’années, cette étoffe battue a servi à la fois de matériau lors des rituels et de parure couvrant les corps des hommes et des femmes. Le tapa fut interdit à l’arrivée des colons français au XIXème siècle, et faillit tomber dans l’oubli. Mais les femmes ont heureusement transmis ce savoir-faire unique, en secret, de génération en génération. 
 
 
 
Les îles Marquises © Grégoire Le Bacon
Les îles Marquises © Grégoire Le Bacon

 

 

L’ambassadrice d’une technique millénaire

 
Sarah Vaki est l’héritière de cette technique, transmise par ses aïeules. Elle est aujourd’hui l’ambassadrice de ce savoir-faire millénaire
 
Dans le livre "La Voix des Femmes autochtones", elle partage son expérience : "Le tapa est pour toutes les familles de Fatu Hiva une économie gérée par les femmes. Mais plus encore aujourd’hui, nous sommes reconnues en tant que Marquisiennes, nous avons notre hymne, nous avons notre langue, nous avons notre culture. Petit à petit, les autres îles essaient de s’y remettre, mais les anciens sont partis sans transmettre ce savoir. On essaye de nous copier, mais ce n’est pas grave, rien ne vaut l’original !"
 
Aujourd’hui encore, chaque arbre, mûrier, arbre à pain ou banian, destiné à devenir tapa est choisi avec cérémonie. Sarah commente : "Je demande la permission aux arbres de couper une branche. (…) C’est la partie interne de l’écorce de bois que l’on garde. C’est elle que l’on va taper avec le battoir sur mon kiva, la pierre que je tiens de plusieurs générations." 
 
Chaque famille possède en effet sa pierre, précieusement transmise par sa grand-mère et sur laquelle la femme travaillera à son tour et tapera pendant des heures. Il faut en effet des millions, des milliards de coups pour créer un tapa !

 
 
Sarah Vaki © La Voix des Femmes Autochtones
Sarah Vaki © La Voix des Femmes Autochtones

 

 

Le tapa suscite aujourd’hui un réel engouement et s’expose bien au-delà de l’océan Pacifique, on peut par exemple l’observer à Paris au musée du Quai Branly. Cette étoffe sacrée, populaire et artistique, sauvée de l'oubli par les femmes, est une part intégrante du réveil culturel identitaire des Marquisiens.

 

Les îles Marquises © Grégoire Le Bacon
Les îles Marquises © Grégoire Le Bacon


 

En savoir plus :
 
  • La plateforme : www.femmesautochtones.com
  • Le livre "La Voix des Femmes autochtones" (éditions Akinomé) qui rassemble 40 portraits de femmes de seize pays.