Tourisme durable

Ubud, paradis tropical ?

02 Juillet 2019 - Actualité / Culture / Patrimoine / Préservation

Bali, une destination qui nourrit les rêves d’exotisme : une île paradisiaque, une spiritualité enivrante, des rizières en terrasse… Est-ce vraiment la réalité ? Ubud, capitale artistique de l’île, devient de plus en plus menacée par le tourisme de masse. L’équilibre, aussi fragile soit-il, est-il rompu ou la magie d’Ubud résiste-t-elle ?

 

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©S. Squillace

 

 

Concentré de beauté et de sérénité

 

Fuyons le Sud de Bali, Kuta, Seminyak, ou encore le Bukit, ces stations balnéaires trop urbanisées ont déjà été sacrifiées sur l’autel désastreux du tourisme international. Après une heure de route, ou trois selon les embouteillages, nous arrivons à Ubud, cœur culturel de l’île. Sur le papier, l’ancienne capitale royale est à la fois le berceau des traditions et le lieu d’épanouissement des pratiques créatives balinaises. Représentations de théâtre ou de danse, découverte de la richesse de l’histoire de l’art indonésienne dans les musées de la ville, initiation à l’artisanat local aux côtés des peintres et sculpteurs. D’une manière romantique, on pourrait définir Ubud en trois mots : belle, créative et sereine.

 

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©Flickr CC

 

 

Inspirez, expirez

 

Depuis quelques années, une tendance « glamour-bien-être » s’immisce un peu partout dans Ubud. Est-ce depuis que Julia Roberts est venue y chercher l’amour dans le film Mange, Prie, Aime ? En quête de sens à son existence, son personnage rencontre un guérisseur balinais transformant son mal-être, et par la même occasion celui de tous les Occidentaux. Aujourd’hui, Ubud se vante d’être le paradis du bien-être en Asie. Les touristes des quatre coins du monde viennent jusqu’ici pratiquer le yoga, manger sain, se faire masser ou rencontrer des guérisseurs-chamanes.

 

Le meilleur exemple de cette tendance est peut-être ce grand et beau centre de yoga au cœur d’Ubud. File d’attente pour aller en cours, scan des codes-barres de chaque carte de membre. Tout le monde colle ensuite son tapis les uns contre les autres pour que 60 personnes puissent respirer ensemble dans la même salle. Le tout orchestré par un seul professeur, ressemblant plus à un coach de cross fit qu’à un adepte de la philosophie indienne originelle. Mais l’ambiance est là : zen et tropicale. Ubud deviendrait-elle la caricature d’elle-même ?

 

 

 

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©Yoga Barn

 

 

Le côté obscur de la force

 

Au-delà de la marchandisation du bien-être, la ville, supposée être bénie des dieux, est frappée depuis quelques années par un mal bien plus toxique : le développement touristique à outrance. À la place de la sérénité et des traditions intactes, ce qui saute aux yeux immédiatement à Ubud, c’est le trafic automobile dans des rues asphyxiées et la succession de restaurants, hôtels, boutiques le long de trottoirs bondés. Des grandes marques occidentales, des pubs anglo-saxons, des boutiques comme à St Tropez, des tables gastronomiques…  Offrandes, sarongs colorés, odeurs d’encens, et si tout n’était qu’un simulacre d’authenticité cristallisé par les horreurs du tourisme de masse ?

 

 

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Dans les rues d’Ubud ©Rio Helmi

 

 

L’espace et la géographie sont notre chance. Car le centre-ville défiguré d’Ubud se compose seulement de quelques rues. Pour ne pas les nommer : Jalan Monkey Forest, Jalan Raya et Jalan Hanuman. Pour regagner un peu de calme, il suffit de faire un pas de côté. On y retrouve rapidement l’esprit de village, le charme balinais opère. Chaque année, il faut aller un peu plus loin pour retrouver l’âme d’Ubud, mais elle est là, elle vit toujours en lisière de la grande agitation. Qu’est-ce que le voyageur viendra chercher à Bali si tout cela disparaît ? Plus qu’un pas de côté, il faut être prêt à s’engager et refuser de participer aux dérives du tourisme.

 

 

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©S. Squillace

 

 

Dormir, manger et consommer local

 

Voyager autrement à Bali en privilégiant les petites structures. Dépenser son argent chez des gens qui ne sont pas responsables des bouleversements actuels. Il y a beaucoup de familles qui louent des chambres aux voyageurs avec tout le confort nécessaire. Plusieurs générations vivent sous le même toit, partagent leur quotidien, leur culture, leurs traditions. D’autres tiennent des petits restos, des warungs. Au milieu des centaines d’adresses de restaurants d’Ubud - plus de huit cents sont référencés sur Trip Advisor -, pourquoi ne pas juste choisir de manger dans un warung simple, bon et authentique. On n’est tout de même pas venu au bout du monde pour prendre un capuccino dans un fast food américain. La célèbre enseigne de café est installée au cœur historique et religieux d’Ubud, un symbole difficile à avaler.

 

 

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©RefillMyBottle

 

 

Encourager les initiatives locales

 

De tels initiatives représentent un obstacle pour éviter que le tourisme de luxe ne devienne demain le seul horizon à Ubud et sur toute l’île de Bali. Pour freiner les constructions toujours plus nombreuses, hôtels, villas, spas, golfs, qui dégradent un sol de plus en plus pauvre en eau et en terre. Sur une île touchée de plein fouet par la pollution plastique, on ne peut que réduire sa consommation de plastique, drastiquement, tous les jours. Par exemple, on peut utiliser l’application RefillMyBottle, une initiative locale aidant le voyageur à trouver les points d’eau disponibles sur l’île pour remplir sa gourde. Voyager hors saison, éviter à tout prix le mois d’août et les fêtes de fin d’année.

 

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©S. Squillace

 

 

Dans les rues planquées du quartier de Peliatan, la culture balinaise et les traditions résistent, les coqs crient à tue-tête, les offrandes éphémères jonchent le sol. À chaque coin de rue, on assiste à des cérémonies incroyables, des funérailles, des fêtes locales. Dans un harmonieux mélange d’hindouisme et d’animisme, les Balinais honorent chaque jour la mémoire de leurs ancêtres en chorégraphiant leurs rites religieux avec une ferveur et une élégance hallucinantes. Une sorte de philosophie de vie qui vise à entretenir des relations harmonieuses entre les humains et les dieux, les humains et la nature et les humains entre eux. La beauté est partout, à nous de la trouver, la respecter et la protéger.

 

 

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