
Se balader aux alentours de la centrale de Tchernobyl, visiter le tunnel de Sarajevo, se perdre dans la forêt des suicides au Japon ou encore marcher dans les rues d’Oradour-sur-Glane, ces expériences touristiques font partie du top 10 de ce qu’on appelle le « tourisme noir » ou « tourisme macabre » en français. Voyage à la frontière du mémoriel et du morbide pour décrypter cette « nouvelle » forme de tourisme qui séduit de plus en plus de voyageurs.
En 2012, le professeur britannique d’université Philip Stone crée l’Institute for Dark Tourism Research et définit ce type de tourisme comme l’action de voyager dans des sites associés à la mort, aux désastres ou dans des lieux au patrimoine chargé et macabre.
Pourtant, si cette définition n’existe que depuis moins d’une décennie, le tourisme noir, lui, se pratique depuis bien plus longtemps, que ce soit par exemple sur les champs de bataille, dans des cimetières ou des camps de concentration.
Aujourd’hui, ce type de tourisme prend une autre dimension en formant une niche touristique qui séduit de plus en plus de voyageurs. Avec internet, la prolifération des sites de voyage "hors des sentiers battus", il est devenu beaucoup plus facile de trouver la destination qui va donner des frissons et combler un certain goût pour le drame.
Ce qui plaît dans le tourisme noir
Peu d’études scientifiques existent sur les motivations des "Dark Tourists". Une montée d’adrénaline, un désir de sensations fortes, aller dans des lieux où peu se rendent, se rapprocher d’une tragédie qui aurait particulièrement marqué le voyageur figurent cependant parmi les raisons qui semblent évidentes. Mais il peut aussi s’agir de vouloir approfondir ses connaissances sur un sujet, sur un fait divers ou une tragédie de l’histoire.
Certains organismes, sites et musées tendent à exploiter la manne lucrative du tourisme noir. Ainsi, on peut faire des "Génocide Tours" au Rwanda, la visite des quartiers détruits par l'ouragan Katrina à la Nouvelle-Orléans ou encore des balades à Fukushima ou dans la fameuse "forêt des suicides" au Japon…
Certains musées vont jusqu’à investir dans des mises en scène particulièrement sordides comme le musée de "Jack The Ripper" à Londres qui n’hésite pas à recréer des scènes de crimes de Jack l’Eventreur sur des prostituées du quartier de Whitechapel.
De telles mises en scène sont-elles nécessaires pour se rappeler ? Jusqu’où la scénographie des musées peut-elle aller ? Ce sont des questions délicates, subjectives et dépendantes de la sensibilité et du vécu de chacun d’entre nous.
Quant aux grands musées ou mémoriaux tels que le Camp de concentration d’Auschwitz, pour le philosophe Alain Finkielkraut, c’est clair : "Respecter Auschwitz, c’est ne plus s’y rendre. Les familles y accourent et voilà Auschwitz devenu le Djerba du malheur". Au-delà du tourisme noir, il pose la question du tourisme de masse dans ces endroits tragiques où honorer les morts ne rime sans doute pas avec hordes de touristes en shorts, armés de canettes de Coca-Cola.
Une chose est sûre, le tourisme noir est en pleine expansion, une expansion directement liée aux médias et aux informations.
Lorsque le film de Steven Spielberg "La Liste de Schindler" est sorti en 1993, la fréquentation du camp d’Auschwitz a augmenté de 15 %. Et Netflix ne s’y est pas trompé en produisant en 2018 la série documentaire "Dark Tourist" dans laquelle le journaliste néo-zélandais David Farrier explore les endroits les plus "dark" du monde avec un petit penchant pour les lieux liés aux "serial killers". À quand la transformation de la maison de Josef Fritzl en musée ?!