Tourisme durable

Tourisme fluvial : pour une flotte solaire

26 Octobre 2021 - Initiatives / Nature / Préservation

À l’heure où beaucoup quittent les villes pour s’installer à la campagne et où le tourisme se met lui aussi au vert, qu’en est-il du tourisme fluvial ? On entend de plus en plus parler de bateaux électriques sillonnant les voies d’eau de l’Hexagone mais sont-ils réellement écologiques ? Dominique Renouf, présidente de Bateaux pour la Planète et inventrice du coche solaire 100% autonome, nous aide à faire le point sur un tourisme qui peine à virer au vert.

 

 

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Convoyage du dernier coche solaire conçu par Dominique Renouf ©Dominique Renouf

 

 

100 000 tonnes de CO2 émis par an
 

"La flotte française, c’est 100 000 tonnes de CO2 émis par an et des voies d’eau polluées car trop fréquentées, comme le Canal du Midi", constate Dominique Renouf en précisant qu’elle se sert de cet argument depuis 14 ans pour tenter d’amener les professionnels du tourisme fluvial à prendre un virage écologique et plus particulièrement solaire. Mais elle se heurte à un public estimant qu’il s’en sortirait perdant.
"À l’heure actuelle, les loueurs de bateaux thermiques font payer une taxe conséquente par semaine - ou par jour - de location à leurs locataires pour la consommation de carburant et en se mettant au solaire, ils ne récupéreront pas ces sommes", explique Dominique qui qualifie ce comportement de mauvais calcul sur le long terme.

 

 

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Dominique sur le ponton avant ©Dominique Renouf

 

 

À une flotte majoritairement constituée de bateaux thermiques s’ajoutent au compte-gouttes des navires électriques grâce à des grands noms du tourisme fluvial comme Nicols ou Les Canalous qui incluent désormais chacun un bateau à propulsion électrique dans leurs flottes respectives. "Mais il existe un hic de taille : EDF, qui récupère la filière des bateaux électriques en disant qu’on ne peut pas naviguer sans bornes électriques, des bornes qui sont installées tous les 14 kilomètres", constate Dominique. Une électricité que les compagnies de tourisme fluvial paient cher : environ 50 € par bateau et par jour. "EDF veut vraiment convaincre tout le monde qu’on ne peut pas fonctionner autrement qu’avec des bornes. Mais nous, on ne veut pas être emprisonnés, on veut être libres d’aller partout et on peut le faire avec le solaire", explique Dominique en revenant sur la genèse de son projet de coche solaire.

 

 

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Il passe sans problème sous les ponts du Canal du Midi ©Dominique Renouf

 

 

Le coche solaire, un bateau 100% autonome
 

"Cela fait 35 ans que je suis sur la voie d’eau. Je suis infirmière psychiatrique à la base. J’avais constaté que beaucoup de gens tombaient en déprime à cause de problèmes de communication. J’ai quitté la psychiatrie pour créer une structure de loisirs pour personnes seules, je n’avais pas de locaux et on m’a dit : pourquoi tu ne fais pas ça sur un bateau ? J’ai vu les gens changer comme s’ils laissaient leurs problèmes à terre", raconte Dominique qui, de fil en aiguille et de canaux en rivières, a eu l’idée de créer un bateau accessible et solaire à 100 % dès 2006.

"J’avais un ami architecte fluvial à l’époque. On a commencé à réfléchir à un bateau sur un seul niveau. Comme on en avait vraiment marre du fuel, surtout sur le canal du Midi, on a pensé à l’électro-solaire", se souvient Dominique. Elle s’inspire d’une étude sur l’énergie solaire et le fluvial menée par l’expert Jean-Marc Duplaix. "Il a adapté son étude aux caractéristiques du bateau qu’on avait dessiné avec ses 80 m2 de roof, ses 50 tonnes et sa longueur de 30 m. Je me suis donc lancée dans la construction de la première péniche hôtel électro-solaire de cette taille".


 




Après l’avoir fait construire en Belgique, Dominique lui fait traverser la France, constate ses performances et son autonomie totale grâce à ses panneaux solaires. Elle décide de développer le concept sur des bateaux plus petits et se met dès 2008 à travailler sur un projet de coche solaire sur le Lot où sa péniche solaire est désormais amarrée du côté de Villeneuve-sur-Lot.

 

 

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La péniche sur la voie d'eau ©Dominique Renouf

 

 

Un tourisme impacté par la crise et peu écolo
 

Dominique mentionne également son projet de flotte solaire qu’elle a lancé en 2012 en Nouvelle Aquitaine et qui a abouti à la création d’un prototype en 2019 avec le soutien de la Région. "Par un concours de circonstances, j’ai rencontré le maire de Palavas-les-Flots qui a adhéré à l’idée et nous allons d’abord commencer avec deux coches solaires", explique-t-elle.

Pour promouvoir cette base occitane, Dominique insiste sur l’autonomie en énergie des coches, en revenant sur le fait que l’équipement solaire suffit à la propulsion et à la vie à bord. "Les gens n’en reviennent pas. D’ailleurs Il y a aussi de plus en plus de personnes qui veulent habiter sur les bateaux et qui ne sont pas nécessairement des navigants", ajoute-t-elle. Et il y a cette notion capitale de liberté : avec un bateau autonome, on n’a pas besoin de branchement et donc pas de place attitrée non plus. On peut se déplacer comme on veut. "C’est presque subversif et ce n'est pas étonnant que j’ai peu de soutien des élus du coin ! Il faut qu’une nouvelle génération vienne remplacer tous ces gens-là, ou alors ils trouveront un moyen de taxer le solaire", constate Dominique.

 

Elle revient ensuite sur la crise et son impact sur le tourisme fluvial : "Lors du convoyage récent du nouveau coche solaire sur 254 km jusqu'à Béziers en 10 jours en toute autonomie et sans aucune recharge à quai, je me suis rendu compte combien les sociétés de location étaient impactées : toutes leurs flottes étaient à quai et nous n’avons croisé que quatre ou cinq bateaux par jour". Une catastrophe économique notamment due à l’absence des étrangers qui représentent 97% de la clientèle du tourisme fluvial.

 

 

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La notion de liberté est capitale avec un bateau autonome ©Dominique Renouf

 

 

Des licences pour développer le concept de coche solaire
 

"On ne va pas attendre d’être suffisamment gros, on va proposer à des professionnels du nautisme d’utiliser la marque, les plans, les adresses des fournisseurs, toute la technologie des coches en vendant des licences", dévoile Dominique. Son objectif : en vendre une dizaine à 25 000 € l’unité. Les acheteurs auront la possibilité de développer autant de coches qu’ils veulent et un peu partout en France.
"Le concept se développera plus vite que si je reste à la barre toute seule. Je trouve ça catastrophique de continuer à polluer alors qu’il y a d’autres solutions et à l'annonce du plan vert proposé par la Commission Européenne, le concept du coche solaire est encore plus d'actualité !", conclut-elle.