
À l'est du Groenland, la côte affiche un mystère le long de ses côtes restées très sauvages. Cap sur le fjord d'Ammassalik, à bord d'un bateau taillé pour l'aventure, entre rochers et glaçons, pour rencontrer les communautés de pêcheurs qui s'adaptent au changement climatique.
Sigurdur Petursson, œil bleu glacier et barbiche de neige, nous attend sur son navire le Uiloq, la « Moule ». Malgré ce nom de baptême embarrassant, le Uiloq se révèle l'instrument parfait pour explorer le fjord d’Ammassalik et ses côtes cuirassées, farouches carapaces récurées par l'armada opiniâtre des débris de banquise et de glaciers. Débarqué d'Islande il y a 18 ans pour faire le pêcheur, Sigurdur, qui préfère se faire appeler Siggi - qui pourrait l'en blâmer ? - tient à battre en brèche quelques idées reçues.
« En fait la vie au Groenland n'a rien de difficile ou compliqué. Elle est simplement différente. Et l'hiver est la meilleure saison : les journées sont calmes, la mer est entièrement gelée et on se déplace facilement en motoneige. »
La « Moule » met le cap au Nord, direction Kuummiut, une communauté de 340 habitants nichée dans la quiétude monochrome d'un bras de mer. Après une heure de navigation où la glace frappant la coque fait comme un raffut de vaisselle brisée, le village émerge lentement d'une brume douce et liquide. Une peau d'ours finit de sécher sur la rambarde d'un escalier. Des ados font les zébulons sur le tapis d'un trampoline. La cheminée des maisons crachote un tortillon de fumée blanche comme dans les dessins d'enfants.
Chez Boas Boassen, les étagères du salon s'ornent de bouquets de fleurs en plastique, de photos de famille et de deux crânes d'ours gros comme des enclumes. À 70 ans, Boas est l'exemple même de cette génération d'Inuits qui s'est cramponné toute sa vie à ses traditions de chasse et de pêche. Il raconte les longues parties de pêche au flétan l'hiver, autour d'un trou creusé dans la glace dans lequel baigne une ligne de 200-300 mètres ou la chasse aux netsik, les jeunes phoques annelés âgés de 1 à 2 ans lorsqu'ils arborent leur plus belle fourrure.
« Chaque année, 10 000 peaux environ sont récoltées dans la région avant d'être envoyées dans le Sud pour être tannées. Mais les prix sont vraiment trop bas pour pouvoir vivre seulement du commerce des peaux comme avant. Pour s'en sortir, il faut aussi pêcher et faire un peu de tourisme ».
Sous la coupole d'un ciel bleu pur et blessant, le Uiloq fait de son mieux pour rejoindre Tassilaq de l'autre côté du golfe. Les floes, larges morceaux de banquise aux errances sournoises autant qu'imperceptibles, semblent s'être concertés pour nous bloquer le passage. La coque de la « Moule » rebondit d'une plaque à l'autre. Les pièces du puzzle de glace éparpillées à la surface finissent par se regrouper et s'ajuster les unes aux autres. L'Arctique resserre ses mâchoires et nous avale tout cru.
11 nations, 11 histoires, 55 communautés, bienvenue chez les peuples autochtones du Québec
Voyage nature et culture en Laponie