Tourisme durable

Sept siècles de jardins flottants à Xochimilco

26 Juin 2023 - Culture / Nature / Préservation

À Mexico, à une vingtaine de kilomètres du cœur de la capitale dans le quartier de Xochimilco, perdure une vaste réserve naturelle protégée dans une zone lacustre. Ce poumon vert est apprécié des promeneurs et des touristes mais les activités de loisirs ont pris le pas sur les cultures et menacent l’écosystème.

 

Les canaux de Xochimilco se parcourent sur de grands bateaux à fond plat permettant de passer sans problèmes des zones encombrées de feuilles, de mousses et d’algues. ©SGrandadam
Les canaux de Xochimilco se parcourent sur de grands bateaux à fond plat permettant de passer sans problèmes des zones encombrées de feuilles, de mousses et d’algues  ©SGrandadam


 

Il suffit de quelques mètres de navigation après le petit port pour croiser le héron blanc campé sur la berge. Un pélican nous ignore, une poule d’eau s’ébroue et quelque part dans la futaie, le chant du martinet ponctue le silence. Par chance, notre barque est parfaitement silencieuse. 
 
Sur les canaux de Xochimilco, un quartier qui fait partie de la mégapole de Mexico, la nature est un enchantement et la biodiversité au rendez-vous. En témoignent les herbes folles, les roseaux et la mousse, les grands arbres, des fleurs délicates, des prairies, des oiseaux à profusion, y compris l’aigle royal aperçu dans ses hauteurs. Voici des siècles, les Aztèques aménagèrent ce réseau de canaux navigables longs de 285 km sur la zone lacustre, afin de cultiver la terre et de nourrir la population de Tenochtitlán, l’ancienne capitale préhispanique que les premiers conquistadors anéantirent pour ériger la ville de Mexico.
 
 
L’écosystème chaud et humide et l’abondance de poissons dans les cours d’eau favorisent l’habitat d’une multitude d’oiseaux. ©SGrandadam
L’écosystème chaud et humide et l’abondance de poissons dans les cours d’eau favorisent l’habitat d’une multitude d’oiseaux. ©SGrandadam


 

Jardins flottants en voie de disparition 

 
Aujourd’hui et tout au long de l’année sous le soleil du Mexique, les “chinampas“, un mot qui en en langue vernaculaire nahuatl, la langue locale, signifie “jardin flottant“, ravissent les promeneurs. On embarque à bord d’un grand bateau à fond plat aux couleurs criardes. Quelques restaurants avec musique ont investi les berges, proposant barbecues et boissons, des paillotes privatisées se louent en famille ou entre amis. 

 
Des dizaines de “trajineras“, le nom des bateaux de loisirs, attendent les visiteurs au petit port de Cuemanco, à Xochimilco. ©mariposadeobsidiana
Des dizaines de “trajineras“, le nom des bateaux de loisirs, attendent les visiteurs au petit port de Cuemanco, à Xochimilco. ©mariposadeobsidiana


 

Nombre de prairies, auparavant destinées à la culture ou à l’élevage de bovins, ont aussi été transformées en terrains de football. Un choix qui désole Marco Polo Tellez Orozco, propriétaire d’une parcelle cultivée et membre d’une coopérative d’écotourisme, Olintlalli. “Ce magnifique écosystème est inscrit au patrimoine culturel de l’humanité depuis 1987, mais il se dégrade fortement. Or, si ce territoire naturel n’existait pas, la température de Mexico augmenterait d’un ou deux degrés“, assure-t-il. La FAO a aussi classé la zone en 2017 comme une importante source d’alimentation diversifiée.

 

Avec d’autres propriétaires de parcelles, Marco Polo Tellez Orozco a créé une coopérative de maraîchage qui fait découvrir aux touristes tous les bienfaits de l’agriculture sur ces terres fertiles. ©SGrandadam
Avec d’autres propriétaires de parcelles, Marco Polo Tellez Orozco a créé une coopérative de maraîchage qui fait découvrir aux touristes tous les bienfaits de l’agriculture sur ces terres fertiles. ©SGrandadam


 

Une coopérative maraîchère 

 
Mais l’accroissement des activités de loisirs et la pollution qu’elles engendrent, tout comme l’éradication des cultures pour transformer les terres en surfaces sportives ou commerciales finit par éroder les berges, appauvrir les sols et réduire la biodiversité. C’est pourquoi Marco Polo et une douzaine d’autres propriétaires ont créé une coopérative destinée non seulement à cultiver maïs, légumes, fruits et fleurs, mais aussi à sensibiliser les visiteurs à la nécessité de maintenir l’équilibre naturel et de produire de la nourriture saine, sans produits chimiques. 

 
Les produits du jardin n’ont pas la qualification bio mais le sont en réalité, car cultivés sans produits chimiques et arrosés avec de l’eau purifiée naturellement. ©Mariposadeobsidiana
Les produits du jardin n’ont pas la qualification bio mais le sont en réalité, car cultivés sans produits chimiques et arrosés avec de l’eau purifiée naturellement. ©Mariposadeobsidiana


 

Dans leur jardin maraîcher, Marco Polo et son équipe récoltent piments, oignons, betteraves, radis, diverses sortes de maïs…et de jolies fleurs. Chaque semaine, son épouse vend les produits sur un marché proche, évitant ainsi les intermédiaires. La parcelle est arrosée avec de l’eau propre grâce à un dispositif de purification créé et contrôlé par des biologistes de l’université de Mexico dans un petit canal qui traverse la propriété. Pour preuve de sa pureté, Marco Polo montre de ravissantes salamandres blanches, une rareté, qui s’y réfugient. 
 
 
Omar est employé au jardin de la coopérative. Il s’estime heureux car il vit non loin avec sa famille, dans une petite maison, après avoir quitté sa région d’origine pour trouver du travail ©SGrandadam
Omar est employé au jardin de la coopérative. Il s’estime heureux car il vit non loin avec sa famille, dans une petite maison, après avoir quitté sa région d’origine pour trouver du travail ©SGrandadam


 

Pour Omar, l’employé polyvalent du jardin, la vie est désormais meilleure, il le dit. Ses journées au grand air, entre canaux et cultures, ressemblent sans doute à celles d’autrefois, du temps des Aztèques où l’agriculture avait une aura sacrée et était considérée comme un don de la terre aux humains. 
 
Pour en savoir plus :