Parce que l'appréciation de la musique fait partie intégrante de la découverte d'un pays et de sa culture, partons au Sénégal à travers une de ses richesses reconnues dans le monde entier : le jazz
Au Sénégal, le jazz renoue avec le temps d’avant l’exil et rétablit le lien avec les ancêtres. Il s’affirme comme la musique de l’émancipation contre toutes les oppressions. Bande-son d’une histoire née au cœur de l’Atlantique, le jazz constitue un pont entre l’Afrique, l’Amérique et l’Europe.
A l’origine, dans le delta du fleuve Sénégal, des chants de joie accompagnent le labeur des paysans, transmis de génération en génération. Mais dès le XVème siècle, ces hommes libres tombent sous le joug des marchands d’esclaves venus d’Europe. Traités comme des marchandises, les esclaves sont entassés dans les sous-sols des maisons coloniales de Saint-Louis, d’autres seront jetés dans des bateaux pour traverser l’océan avec leurs chants comme unique bagage. De l’autre côté de l’Atlantique, dans les champs de coton, les cris de douleurs de l’exil résonnent.
Le jazz est un voyage
Les esclaves venus d’Afrique ont planté en Amérique leur patrimoine musical. Quand l’esclavage est aboli en 1865, se développent alors des chants en guise d’exorcisme. Plus tard, comme un mouvement de balanciers, on assiste au retour des jazzmen américains sur le continent africain pour jouer avec des musiciens sénégalais. Au tournant du XXème siècle, une nouvelle forme de mélopée apparaît au Sénégal, entourée d’instrument : le jazz !
Dans les clubs de Saint-Louis, l’ancienne capitale de l’Afrique occidentale française, on voit débarquer dans les années 1920 des tirailleurs sénégalais mais aussi des soldats noirs américains ayant servi en métropole. A cette époque, la ville est moderne, cosmopolite, avant-gardiste même ; tous ces publics mêlés se retrouvent alors dans les clubs pour swinguer.
Cette soif de liberté et de mixité proclamée par le jazz gagne le Sénégal tout entier et plus encore en 1960 quand le pays obtient son indépendance. Dakar devient le point de rencontre de plusieurs grands musiciens de jazz. Léopold Sédar Senghor fut l’un des premiers à œuvrer pour le rapprochement entre les deux rives Atlantique et souhaite montrer la vitalité des cultures africaines, notamment lors du Festival mondial des Arts nègres de Dakar en 1966 où sera invité Duke Ellington !
L’énergie qui envahit la capitale déborde jusqu’au quartier populaire de la médina. Le jaillissement des arts se réalise par la musique, des concerts de percussions jazzy surgissent dans les arrière-cours. Les jeunes musiciens improvisent en mêlant les grands standards d’Amérique avec des rythmes locaux, ils inventent sans retenue jusqu’à donner naissance à l’afro-jazz.
Saint-Louis, capitale du jazz en Afrique de l'Ouest
A force de s’affirmer, l’élan du jazz sénégalais aboutit au début des années 90 à la création d’un festival à Saint-Louis. Le Festival International de Jazz de Saint-Louis est devenu l'un des plus importants festivals d'Afrique et attire des milliers de festivaliers. Chaque année au mois de mai, la ville s’endimanche et s’offre une cure de renouveau avec ses affiches des maîtres du jazz.
Parallèlement à la programmation dite officielle, des bars, hôtels et restaurants se joignent à la fête. Tout le monde se retrouve à l’hôtel La Résidence, aux murs tapissés de vieilles photos d’époque. Les touristes en profitent pour découvrir Saint-Louis, une ville chargée d’histoire, où toutes les civilisations se sont croisées.