L’émotion est au rendez-vous sur l’archipel de São Tomé et Príncipe, le plus petit pays d’Afrique au large du Gabon. Assez peu fréquentées par les touristes, ces îles aux paysages envoûtants réservent aussi des rencontres spontanées et amicales avec une population au destin bien fragile.
C’est improbable avec cette chaleur qui colle à la peau, mais l’épaisse crêpe nappée de chocolat fondu passe très bien, sans doute grâce à la climatisation, mais aussi, et surtout, parce qu’il flotte dans ce café de la jolie capitale de l’archipel de São Tomé & Principe une odeur irrésistible. Un mariage de café, de vanille, de chocolat mâtiné d’épices.
Perdue au milieu du Golfe de Guinée sur la ligne de l’équateur, repérée par les Portugais en 1471 qui y virent d’abord une escale pratique sur la route des Indes, São Tomé a gagné le surnom d’île chocolat. D’abord exploitée pour la canne à sucre, elle se couvrit de cacaoyers importés du Brésil par les colons portugais à partir de 1822, et devint rapidement, au tournant du XXème siècle, le premier producteur mondial.
De nos jours, les plantations sont plus rares sur l’archipel. De petits producteurs se concentrent sur un cacao haut de gamme et bio, très réputé parmi la communauté des fabricants de chocolat.
À 300 km au large du Gabon, l’archipel de São Tomé & Príncipe n’a pas connu un essor touristique considérable, compte tenu du coût pour le rejoindre et d’un aéroport modestement équipé, bien que la Chine se soit récemment engagée à l’agrandir et le moderniser. La rencontre avec la population locale, à peine 219 000 habitants, en est d’autant plus aisée et bienveillante.
Dès le XVIème siècle et jusqu’à l’abolition de l’esclavage en 1876, les colons portugais ont orchestré le métissage ethnique et culturel entre colons et esclaves issus du Cameroun, d’Angola, du Cap-Vert, du Mozambique ou de Macao. Bon gré mal gré, cette politique a fini par créer une identité santoméenne cimentée par la langue portugaise, bien que d’autres langues soient également pratiquées, comme le forro ou l'angolar.
Le voyageur est partout le bienvenu sur cette île au physique époustouflant, habillée d’un manteau végétal luxuriant qui recouvre plaines et montagnes volcaniques où batifolent des cascades. Au sable doux de la plage succèdent des éperons rocheux furieusement battus par les vagues. Des baobabs, arbres de savane africaine, semblent se plaire malgré l’humidité du climat. À contempler les éclats de couleurs, la variété des espèces, on découvre une biodiversité qui enchante.
“Viens manger des bananes“, lance une petite fille de Príncipe qui vous prend par la main et vous conduit dans la bananeraie familiale. Le poisson abonde, les arbres croulent sous les fruits exotiques, des plantations de café et de cacao jalonnent les campagnes. Un eldorado ?
Pas vraiment. Dans nombre de villages de pêcheurs ou de paysans, la vie moderne n’a pas cours. L’archipel demeure très dépendant de l’aide internationale et plus du tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté. Le constat est d’autant plus frappant lorsque l’on visite certaines roças, des plantations abandonnées de café ou de cacao où logent misérablement des habitants.
Quelques années avant l’indépendance en 1975, les plantations ont décliné faute de rendement suffisant et de personnel technique qualifié. Des jeunes gens disent espérer une opportunité de quitter l’île de São Tomé ou de Príncipe… ou de trouver une issue dans le renouveau de la culture de cacao et de vanille à haute valeur ajoutée.
Car la vanille, véritable madeleine de Proust de ce voyage avec le chocolat épicé et le parfum d’ylang ylang des grands arbres de la capitale, est tout aussi réputée que le cacao de São Tomé, prisée par les chefs du monde entier, et vendue à prix d’or. La plante est fragile et capricieuse, sujette aux maladies ou aux variations climatiques, même si les conditions de l’archipel se prêtent bien à sa culture.
Depuis deux ans, une nouvelle société a entrepris de constituer un réseau de petits producteurs locaux et de les accompagner dans le processus, du plant à la gousse, afin d’améliorer les conditions de culture et de transformation. À l’heure du développement durable, vanille et chocolat bio forment le couple parfait pour mettre toutes les chances du côté de São Tomé.