Tourisme durable

Rêves en bleu et rose dans les lagunes du Yucatán

07 Mars 2025 - Biodiversité / Initiatives / Nature

À l’extrémité de la péninsule du Yucatán s’étend une réserve de biosphère, refuge de milliers d’oiseaux et de tortues. Mais c’est surtout pour ses lagunes roses que des visiteurs du monde entier accourent pour un instant d’émerveillement. 

 

Une teinte rose due à la haute teneur en sel de l’eau et à des micro-organismes aux membranes rouges ©sgrandadam

 


Il n’en faut pas davantage pour se croire débarqué dans un décor façon Disney avec ses couleurs qui valsent entre le rose tendre, le fuchsia, le magenta. Une croûte de sel d’un blanc pur ourle d’immenses lagunes colorées sous la voûte du ciel d’un bleu intense. À l’horizon, on devine la plage derrière un rideau de mangrove.

Dans les lagunes de sel de Las Coloradas, au nord-est de la péninsule mexicaine du Yucatán, c’est l’éblouissant spectacle que l’on découvre, un monde liquide et minéral dénué d’humains et de bâti, à l’exception, au loin, de discrètes installations d’extraction. Rien d’autre n’existe que cette nature irréelle où le vent rend les couleurs encore plus fortes. 
 

De la lagune à la mer, un spectacle polychrome entièrement naturel ©yucatantravel

 

Le rose de ces lagunes résulte d’une salinité extrême de l’eau de mer dans cet écosystème, conjuguée à la présence de micro-organismes, appelés halobactéries, dotés de membranes rouges ou roses qui pigmentent l’eau. Plus le rayonnement solaire est fort, et plus l’eau sera intensément colorée.

Ces lagunes roses sont partie prenante de la réserve de biosphère de Ría Lagartos, qui s’étend sur 47 820 hectares le long d’un bras de mer au confluent du golfe du Mexique et de la mer des Caraïbes. Créée en 1979, la réserve marécageuse abrite plusieurs centaines d’oiseaux migrateurs ainsi qu’une faune de reptiles. On y admire des nuées de flamants roses quittant à tire d’aile leur groupe absorbé par une pêche gourmande de crevettes.
 


Attraction touristique encadrée


Las Coloradas sont devenues une attraction touristique de premier plan, une visite strictement encadrée afin d’éviter tout geste malencontreux ou écervelé. Car les gardes ont déjà vu, voici quelques années, des véhicules à moteur pénétrer sur le site avec des touristes à bord, provoquant pollution et bruits inopportuns qui effraient les oiseaux et les tortues en nidation sur les plages à proximité. Chaque année, les communes avoisinantes organisent avec des bénévoles un nettoyage des plages de la réserve, collectant des milliers de canettes et autres détritus. Et réalisant ainsi un patient travail d’éducation, malheureusement encore nécessaire.
 

Collecte des déchets sur les plages de la réserve naturelle ©Poresto


Pour la petite histoire, Ría Lagartos fut baptisée en 1511 Río de Lagartos, “la rivière des alligators” par les colons espagnols. Débarquant sur cette côte, ils commettent une double méprise : ils se croient sur une rivière alors qu’il s’agit d’un bras de mer appelé ici Ría et confondent les crocodiles qu’ils voient avec des alligators. Ils répertorient donc cette zone sur leurs cartes comme “La rivière des alligators“, et ce nom est resté, même si la réserve a repris son appellation de Ría. 



Le sel du Mexique 

Les salines de Las Coloradas sont exploitées industriellement et fournissent une part importante du sel au Mexique. Néanmoins, nous explique-t-on, l’extraction doit respecter les normes environnementales définies pour la protection de la réserve naturelle, notamment grâce à des infrastructures légères et au recours à des énergies renouvelables. Le sel de cette région constituait déjà l’une des ressources des pêcheurs mayas du Yucatán bien avant l’arrivée des Espagnols au XVIe siècle. Bien que marginale aujourd’hui, cette activité perdure dans certaines localités comme Celestún, à l’ouest de la péninsule. Leurs étangs d’eau de mer à haute teneur en sel arborent eux aussi une couleur éclatante, et sont peuplés de crevettes qui attirent par centaines les flamants roses, véritables célébrités du coin.
 

Les cubes de sel collectés sèchent au soleil ©Lascoloradasparque 


À bord de leurs barques, équipés de bâtons, les sauniers raclent et poussent vers la rive des tas de sel qui sèchent ensuite au soleil. Une tradition ancrée dans la culture millénaire du peuple maya et que les habitants d’aujourd’hui ont à cœur de faire perdurer.