Tourisme durable

Rencontre avec un « ayatollah » fort sympathique !

21 Juillet 2016 - Actualité / Entretien / Initiatives / Labels / Préservation

Désignée « Meilleure compagnie de croisières » par les professionnels du tourisme pour la seconde année consécutive, Ponant a été co-fondé et est présidé par Jean-Emmanuel Sauvée. Un entrepreneur que d’aucuns n’hésitent pas à surnommer « l’ayatollah du tourisme vert »… Rencontre avec un passionné responsable ayant parfaitement su concilier sens du business et protection de l’environnement.

 

TV5MONDE : Comment décririez-vous votre compagnie de croisières ?

Jean-Emmanuel Sauvée : Je dirais que nous donnons à nos clients les moyens d’aller là où les autres ne vont pas, aux pôles, en particulier.

 

 

Jean-Emmanuel Sauvée, Président co-fondateur de Ponant

 

 

TV5MONDE : La (longue) accroche accompagnant vos communications est  : « La nature nous offre le plus beau des spectacles. Ponant s’engage à la respecter et à vous placer aux premières loges ». D’où vous vient ce souci environnemental ? Est-ce une cause qui vous importe depuis toujours ? Ou bien y a-t-il eu une sorte de conversion ?

J-ES : S’engager à protéger la nature est pour moi une évidence depuis le début de la compagnie. Une démarche personnelle qui est peu à peu devenue un engagement collectif au cours du temps. C’est simplement la conjoncture qui fait ressortir tout cela. Et puis, d’une manière très pragmatique, nous n’avons pas le choix, car protéger la nature, c’est aussi préserver nos ressources. Il est indispensable que nous soyons les premiers à protéger ce trésor que nous avons à partager. Travailler dans le tourisme par vocation nécessitant une bonne dose d’altruisme et une féroce envie de partager.

 

TV5 : Vous faites beaucoup pour la préservation et la protection de l’environnement. Quelles sont les mesures les plus importantes prises à bord de vos navires ?

J-ES : Préserver et protéger l’environnement dans lequel nos navires évoluent se fait d’une manière globale :

- En étant les premiers (et quasi les seuls) bateaux au label Clean Ship. Bien au-delà du label Green Ship, nos navires ne rejettent en mer… absolument rien !

- en nous engageant auprès des grandes associations responsables de la gestion des environnements traversés : IAATO (International Association of Antarctic Tour Operators), AECO (Association of Arctic Expedition Cruise Operators), etc.

- en ayant à bord des équipes spécialisées et responsables de cet engagement.

- dès la création d’une nouvelle croisière, en envoyant des spécialistes repérer les lieux et prendre la mesure de l’impact que l’on pourrait avoir sur place, d’un point de vue écologique et ethnologique.

- mais également d’une manière locale, en sensibilisant toutes les équipes de bord, du cabinier au commandant et en ayant recours à un équipement adapté (lumière LED à bord, réduction des vitesses afin de limiter la consommation, propulsion diesel/électrique, etc.)

 

 

Le Ponant, une autre idée de la croisière

 

 

TV5 : Vous tâchez également de sensibiliser vos passagers à cette dimension du voyage…

J-ES : La pédagogie et l’enseignement sont un de nos fers de lance. Nous prônons un tourisme réfléchi et responsable. Les équipes de naturalistes à bord sont présentes pour informer et sensibiliser les passagers. Cette partie est cruciale car on protège d’autant mieux les choses qu’on les connaît. Il faut avoir vu la banquise en vrai, il faut avoir posé le pied dessus, goûter la glace pour mieux comprendre l’importance de cet élément dans l’écosystème mondial. Nous sommes là pour faire passer nos passagers du virtuel au réel. Au retour de leur voyage, la banquise n’est plus pour eux un chiffre abstrait présenté au journal de 20h, mais une émotion forte et une conscience partagée ! La nature est un livre ouvert sur la vie, nous sommes là pour en faire la lecture à nos passagers.

 

TV5 : Est-ce que cet engagement vous coûte cher ? Ces « investissements » ont-ils un certain impact marketing, vous faisant préférer par une certaine clientèle sensibilisée ?

J-ES : Cet engagement nous a paru indispensable depuis la création de la compagnie. Nous n’avions pas envie d’emmener des passagers au bout du monde pour… y jeter nos poubelles. Ces investissements sont forcément (très) chers, mais ils symbolisent l’essence même de la compagnie, ce qui en fait la sémantique, le corps et l’âme. Même si cela peut parfois représenter un argument commercial auprès de certaines clientèles, l’impact marketing obtenu en retour ne sera jamais à la hauteur des frais engagés…

 

 

Au plus près de la faune

 

 

TV5 : Vous êtes adhérents de la charte bleue d’Armateurs de France, qu’est-ce au juste ? Un regroupement des croisiéristes responsables comme cela existe avec l’ATR par exemple ? Qu’implique cette appartenance ?

J-ES : Armateurs de France est une organisation professionnelle des entreprises françaises de transport et de services maritimes qui défend et promeut les intérêts des entreprises maritimes françaises. Sa Charte bleue s’efforce de promouvoir l’engagement des adhérents en matière de responsabilité sociale et environnementale. La compagnie s’engage à améliorer sa performance énergétique et à rendre compte, en toute transparence, de ses activités. Par ailleurs, il s’agit de garantir un haut niveau de sécurité à bord des navires et de s’assurer du bien-être des salariés. En s’engageant à réduire l’empreinte environnementale de ses navires, Ponant agit pour la préservation du milieu marin et des sites dans lesquels se rendent les passagers de la compagnie. En tête du classement mondial des pavillons du Paris Mou (Memorandum of understanding) en 2013 et 2014, le pavillon français est considéré comme le plus sûr au monde. Ponant est le seul armateur de croisière à l’arborer ; un gage en matière de qualité environnementale, de sécurité des navires et de droit social.

 

TV5 : Etes-vous une exception dans le monde de la croisière ou bien la prise de conscience gagne-t-elle peu à peu les professionnels ? Le secteur va-t-il en s’améliorant ?

J-ES : Tout dépend du type de croisiériste que l’on considère. Dans le milieu des croisières Expédition, Ponant est (malheureusement) encore particulièrement à la pointe.

 

TV5 : Quelles mesures serait-il urgent de prendre en matière de protection de l’environnement dans le secteur des croisières ?

J-ES : La limitation de la taille des navires. Il s’agit d’une mesure de protection et de sécurité. De plus en plus de navires gigantesques se lancent dans des régions isolées. Cela engendre d’énormes risques écologiques, ethnologiques et sécuritaires.

 

TV5 : Vous emmenez les gens vers des destinations préservées : Arctique et Antarctique. Est-ce que de ce côté, le tourisme et l’accès à ces zones préservées sont suffisamment réglementés et encadrés ?

J-ES : Ces régions sont très réglementées, en particulier l’Antarctique qui est protégé par le traité de l'Antarctique… mais, cela dit, tout est fait pour et par ceux qui veulent bien jouer le jeu ! Il n’y a pas de police ni aucun contrôle en Antarctique et si un opérateur ne souhaite pas jouer le jeu, rien ne peut actuellement l’en empêcher…

 

TV5 : Est-il vrai que l’on vous surnomme « l’ayatollah du tourisme vert » ?... Si oui, d’où vous vient un pareil surnom et en quoi serait-il justifié ?

J-ES : Je ne sais pas d’où cela vient, mais en tout cas, c’est TRES justifié ! Car, chez Ponant, nous prenons vraiment les règles les plus strictes et… nous les augmentons d’un cran ! C’est le seul moyen d’avancer sans risque ! Il ne suffit pas d’obéir aux lois actuelles, il faut devancer les besoins futurs !

 

 

Le navire austral en Antartique

 

 

TV5 : De quoi n’a-t-on pas parlé d’essentiel sur le sujet ?

J-ES : Au cœur de l’environnement, il y a l’humanité. C’est aussi une des grandes préoccupations de Ponant. Tout le monde sait comment protéger les baleines, les manchots, etc. Mais protéger l’homme contre l’homme est un challenge permanent. Chez Ponant, grâce à la petite taille de nos navires, nous avons une démarche particulièrement orientée vers l’être humain et les populations autochtones. Par la rencontre privilégiée et la prise de contact personnel et en amont des croisières, nous assurons des rencontres uniques proposées par les populations autochtones.