Après avoir été l’un des meilleurs élèves européens en matière de gestion de la crise sanitaire, le Portugal s’est laissé débordé par la pandémie. Que s’est-il passé ? Comment les Français installés dans le pays vivent-ils la situation ? Cécile Gonçalves, directrice de la Maison au Portugal donne un éclairage de la situation.
"Deux facteurs peuvent expliquer la perte de contrôle du gouvernement par rapport à la gestion de la crise en janvier, commence Cécile Gonçalves, directrice de Maison au Portugal - agence qui installe de nombreux étrangers au Portugal - : d’abord la tolérance pour les déplacements et l’absence de limite du nombre de personnes au moment des fêtes, puis l’entrée du variant anglais, en grande partie ramené par les Britanniques et la diaspora portugaise lors des fêtes".
C’est ainsi que le Portugal est passé de bon élève à une situation cauchemardesque qui a poussé le gouvernement à instaurer un reconfinement général à partir du 15 janvier. Jusqu’au début du mois de février, la situation n’a fait qu’empirer avec un pic de décès journaliers atteignant les 300 morts, ce qui équivaudrait à 2000 en France si on ramenait au nombre d’habitants de l’Hexagone. Pour faire face au manque de moyens pour gérer la crise, le Portugal a même dû demander de l’aide à l’Europe.
Mais Cécile se montre rassurante : "Depuis le 6 février, il semble que le nombre de nouveaux cas par jour soit enfin en train de redescendre. Cette diminution est sans doute due au fait que les écoles soient fermées et que le reconfinement soit bien respecté". D’ailleurs, pour que les chiffres continuent sur la même pente, le reconfinement général risque de durer encore quelques semaines.
"On compte officiellement 17 000 Français expatriés au Portugal, selon les chiffres de l’ambassade de France mais on estime qu’ils sont au moins le double car plus de la moitié ne s’inscrit pas au consulat", explique Cécile avant de préciser que, depuis 4 ou 5 ans, les Français sont dans le top 2 ou 3 des nationalités étrangères à s’offrir une résidence secondaire au Portugal.
"On note aussi que de plus en plus de multinationales et d’entreprises françaises s’installent au Portugal, notamment dans le nord du côté de Porto", ajoute-t-elle.
À la question de savoir comment les Français ont réagi face à la crise toute récente, elle estime qu’environ la moitié est restée et que l’autre est rentrée en France. "En fait, ils ont suivi de près ce qui se passait dans l’Hexagone ces dernières semaines pour voir si le confinement allait être restauré et agir en fonction ! Ils jonglent un peu entre un pays et l’autre en fonction de la situation de chacun et les mesures prises par les gouvernements", analyse Cécile.
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Mais pour bénéficier du meilleur des deux mondes, encore faut-il passer de l’un à l’autre… Le Portugal n’échappe pas aux règles concernant les autres pays européens. Les déplacements restent autorisés pour motif impérieux d’ordre personnel ou familial, motif de santé relevant de l’urgence ou motif professionnel ne pouvant être différé mais ils sont "totalement et strictement déconseillés jusqu’à nouvel ordre" selon les termes précis de l’ambassade de France au Portugal. Toutefois, si le voyage est vraiment nécessaire, un test PCR négatif réalisé 72 heures avant le départ est obligatoire pour voyager entre le Portugal et la France, que ce soit en avion ou par voie terrestre. L’ambassade précise d’ailleurs que les contrôles à la frontière terrestre entre l’Espagne et le Portugal ont été rétablis.
"Tout le monde est très prudent ici car on vient de vivre un pic impressionnant. Depuis début janvier, la vie sociale s’est arrêtée et les gens respectent le fait que nous devons rester cantonner à notre famille nucléaire", constate Cécile avant de préciser que depuis le début de la pandémie, les gens sont globalement disciplinés : "Ils se sont même auto-confinés début mars avant même que le gouvernement décide l’instauration du confinement", ajoute-t-elle avant de rappeler que le confinement actuel n’est que le deuxième depuis le début de la pandémie. Quant aux masques, Cécile révèle que leur port est devenu un réflexe : "On vous regarde même de travers si vous ne portez pas votre masque dans la rue !". De plus, le gouvernement ne demande ni aux Portugais ni aux ressortissants d’autres pays de remplir d’attestation pour sortir de chez soi mais ils n’ont pas le droit de franchir les limites de leur municipalité le week-end. Enfin, l’adhésion de la population au vaccin est importante puisque trois quarts des Portugais souhaitent se faire vacciner. "C’est sans doute grâce aux vaccins que les gens voient le bout du tunnel", analyse-t-elle.
"Les ressortissants français qui sont enregistrés au Portugal ont les mêmes droits que les Portugais en ce qui concerne la sécurité sociale. Ils peuvent bénéficier de tests PCR gratuits sur prescription de cet organisme et s’inscrire pour se faire vacciner", explique Cécile. Elle précise qu’à la date du 8 février, 2,86% de la population portugaise avait déjà reçu la première injection du vaccin, "ce qui montre que le Portugal ne s’en sort pas trop mal par rapport aux autres pays européens". Il faut, comme en France, attendre son tour, car la campagne de vaccination fonctionne aussi par phases. Ce sont les personnels de santé et les plus de 80 ans qui sont prioritaires et vaccinés en ce moment.
"Évidemment, les gens se plaignent que ça ne va pas assez vite, comme partout. Il y a eu aussi quelques passe-droits mais heureusement, ils ont été exposés. Une des personnes incriminées a démissionné de son poste", enchaîne Cécile. Quant à ceux eux qui ne sont pas enregistrés au Portugal, s’ils ont une carte européenne, ils peuvent être pris en charge par la sécurité sociale portugaise mais ne pourront pas se faire vacciner dans le pays.
En ce qui concerne l’installation de Français au Portugal, Cécile estime que les demandes ont environ baissé de 50% en 2020 par rapport à 2019. Elle n’est cependant pas inquiète. "Il s’agit de personnes ou d’entreprises qui n’ont pas annulé leur projet mais qui souhaitent le reporter dès que ce sera possible. En même temps, quand on est en stress de santé, on ne pense pas à déménager et à s’installer ailleurs", conclut-elle.
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