Alors que le variant sud-africain s’expatrie, l’Afrique du Sud gère la pandémie sans demi-mesures. Quelles sont-elles et comment la crise sanitaire est-elle vécue côté français ? Laurent, expatrié au Cap pour un grand groupe français, partage son expérience et son ressenti plus d’un an après le début de la pandémie du coronavirus.
"Je suis rentré de France in extremis mi-mars l’année dernière où j’étais pour le travail. J’ai dû prendre l’un des derniers avions. J’avais des symptômes, comme un gros rhume", raconte Laurent, expatrié au Cap pour un grand groupe français.
Il s’isole alors pendant quatre jours le temps d’attendre les résultats du test COVID qui reviennent négatifs. Il va mieux puis, une semaine plus tard, il a de nouveau des symptômes. Cette fois, le test est positif. Souffrant d’insuffisance respiratoire, il est tout de suite hospitalisé dans le privé.
"J’ai été mis trois jours sous oxygène et je suis resté cinq jours à l’hôpital. J’ai été très bien soigné par un personnel exceptionnel", poursuit Laurent qui a la chance de pouvoir bénéficier du système privé, comme la majorité des Français expatriés en Afrique du Sud. "Dans le public, c’est une autre histoire, la qualité des soins n’est hélas pas la même pour tout le monde. L’Afrique du Sud a un système de santé à deux vitesses", admet-il. Son épouse, également testée positive, reste asymptomatique. La vie reprend alors son cours pour le couple et leurs deux petites filles en bas âge.
"À l’époque où j’ai été hospitalisé, il y avait entre 300 et 400 cas de COVID déclarés sur l’ensemble du pays, aujourd’hui, on a le fameux variant sud-africain en plus, mais franchement, je ne vois pas vraiment la différence entre les deux au niveau des symptômes", révèle Laurent avant d’enchaîner sur la perception de sa virulence : "De toute façon, j’ai l’impression qu’on est toujours exposé, même si on a une forme d’immunité". Des propos corroborés par le professeur de médecine d’urgence Frédéric Adnet sur France 2 le 13 février : "On pensait que même si une immunité existait, même si elle n'est pas totalement efficace, elle empêcherait les formes graves, ce n'est pas le cas", explique-t-il. Les différents variants prennent en effet le pas sur la souche naturelle. "L'histoire naturelle d'un virus, c'est qu'une ancienne souche disparait et qu'une nouvelle souche apparaît. Les variants britannique et sud-africain portent une mutation qui rendent un peu moins efficaces les immunoglobulines, c'est-à-dire l'immunité à la fois des vaccins et l'immunité naturelle quand on a développé la maladie", poursuit-il.
"En Afrique du Sud, les mesures prises suite aux annonces présidentielles s’appliquent avec effet immédiat, constate Laurent, on n’attend pas 10 jours pour les mettre en place comme en France. C’est dur mais c’est accepté". Il explique que le lockdown - confinement - a cinq degrés, de 1 à 5 - ce dernier correspondant au confinement le plus strict. "Nous étions au niveau 5 en mars/avril 2020. Là, on n’avait carrément pas le droit de sortir. Puis le confinement s’est allégé et nous avons pu reprendre très vite le travail, grâce au masque obligatoire et aux gestes barrières".
À propos du respect de ces derniers, Laurent constate que la grande majorité des Sud-Africains s’y plient sans problème : "Il y a eu très vite des gels hydro-alcooliques à l’entrée des magasins, les enfants de l’Ecole Française ont porté des masques dès le CP, ce qui a permis à l’école de réouvrir et aux gens d’aller retravailler".
Il met toutefois le doigt sur des mesures assez radicales…, notamment le fait que, durant le lockdown version 5, les magasins d’alcool et les tabagistes étaient fermés ! "Pour l’alcool, la raison officielle, c’était d’éviter les violences conjugales. Et le tabac, l’impact sur l’état de santé lié au coronavirus", explique Laurent. "Là, ça a été un peu compliqué, d’autant plus que l’Afrique du Sud est un pays de vignobles et beaucoup d’établissements viticoles ne s’en remettront pas", poursuit-il. Autre mesure peu populaire : l’interdiction de l’accès aux plages… "Qu’à cela ne tienne, les surfeurs ont trouvé une combine en utilisant des permis de pêche et en se faisant déposer par la mer à proximité des plages pour aller surfer sur les vagues !".
Mais globalement, les gens sont responsables. "Le gouvernement demande aux personnes de respecter une distance de 1,50 m entre elles dans les lieux publics ou les magasins et elles le font. Elles respectent aussi les couvre-feux dont l’heure - 21h, 23h ou minuit - change selon le niveau de sécurité", précise Laurent avant d’ajouter que malgré le couvre-feu, tous les magasins, restaurants et bars sont actuellement ouverts.
Quant aux compatriotes de Laurent, ils sont plus de 8 000 à être inscrits sur les registres consulaires français d’Afrique du Sud mais leur nombre total serait plus proche des 10 000. Plutôt jeune et entrepreneuriale, la communauté française réside majoritairement dans la région du Gauteng et du Cap. D’un point de vue frontalier, les entrées et les sorties du pays sont autorisées mais selon des conditions particulières figurant sur le site de l’ambassade de France en Afrique du Sud. Cette dernière déconseille d’ailleurs fortement les voyages non seulement hors des frontières mais aussi à l’intérieur du pays. "On ne peut pas sortir du pays comme on veut, surenchérit Laurent, KLM et Lufthansa ont suspendu leurs services et avec Air France, c’est moins simple qu’avant. De plus, avec le variant sud-africain, on n’est pas bien vus dans un paquet de pays. L’accès à certains d’entre eux est même carrément interdit, comme Dubaï par exemple".
D’autre part, il s’étonne de la couverture médiatique française de la situation sud-africaine : "Ce qui est décrit dans les médias français, ce n’est pas du tout ce qu’on vit ici. C’est l’été, il fait beau, la courbe des contaminations s’aplatit, le couvre-feu est à minuit et le niveau du lockdown vient de descendre à 1".
"Depuis le début de la pandémie, je trouve que les gens se sont repliés sur eux-mêmes, ils communiquent beaucoup moins", déplore Laurent. Pour lui et son épouse, la pandémie a changé leur perception de l’expatriation : "Notre bébé d’un an n’a jamais vu la famille en France, ma fille aînée de 6 ans en a marre du masque, elle veut rentrer en France".
Au-delà de la distance, du manque de famille, Laurent souffre aussi de l’incertitude : "On ne peut plus planifier des mois à l'avance pour réserver nos billets d'avion par exemple. Ce que je retiens de cette pandémie, ce n’est pas la maladie, c’est le fait qu'on ne puisse plus se projeter comme avant", conclut-il.