Aux confins du Népal, le Mustang irradie par ses paysages époustouflants de canyons et de montagnes dorées. Ce labyrinthe minéral coiffé de hauts sommets enneigés est le terrain de jeu des aventuriers en tout genre. Au-delà de sa beauté irréelle, la région attire pour les traditions de ses habitants, derniers vestiges d’une culture bouddhiste tibétaine qui tend à disparaître de l’autre côté de la frontière.
Ce royaume himalayen fondé en 1380 est bordé au Nord par la région autonome du Tibet et au Sud par quelques-uns des plus hauts sommets du monde. Devenu un district du Népal en 2008, lors de la chute de la monarchie et l’avènement de la nouvelle république, l’ancien royaume du Mustang demeure interdit d’accès aux étrangers jusqu’en 1992. Sa capitale, Lo Manthang, est posée à 3 840 mètres d’altitude sur un plateau aride battu par les vents. Comme le Spiti ou le Ladakh en Inde, le Mustang témoigne de la culture bouddhiste tibétaine sans l’influence chinoise. On y observe également les marques du culte pré-bouddhique Bön, un mélange de croyances chamaniques donnant autant de frissons que les montagnes infinies.
Depuis son ouverture aux étrangers, l’accès au Mustang est limité par un permis spécial de trek au tarif dissuasif de 50 dollars par jour, faisant de ce morceau de « Tibet hors les murs », une enclave préservée de la surfréquentation comme c’est le cas dans la région de l’Everest par exemple. La plupart des randonneurs que l’on croise en chemin sont français. Sans doute parce que la popularité du Mustang est intimement liée à l’ethnologue Michel Peissel, un des premiers étrangers à se rendre jusqu’à la cité fortifiée de Lo Mantang et à faire découvrir cette région himalayenne au grand public grâce à son livre culte, Mustang, royaume tibétain interdit publié en 1969. Plus tard, d’autres générations découvrent le Mustang dans les yeux de Nicolas Hulot, survolant Lo Manthang en ballon dans un épisode d’Ushuaïa Nature.
Le Mustang, ou « Royaume de Lo », est arrivé à traverser les siècles en sauvegardant ses villages médiévaux et ses monastères bouddhistes des invasions et destructions. Un exploit en partie dû à sa géographie extrême himalayenne. Pour accéder à ce petit royaume, il faut remonter les gorges de la rivière Kali Gandaki, parmi les plus profondes du monde, bordées par le Dhaulagiri (8 172 m) et l’Annapurna (8 078 m). Au Nord, sur les solitudes désolées du plateau tibétain, le Kora-La, un col à 4 660 mètres d’altitude sert de frontière avec le Tibet. Le Mustang, dissimulé dans l’Himalaya, recèle une extraordinaire quantité de grottes troglodytes creusées dans de nombreuses falaises, participant en grande partie au mystère de ce royaume légendaire.
La spiritualité est partout, à travers les regards des vieillards tournant leur moulin à prières, sur les chortens blancs immaculés, sur les drapeaux de prière multicolores couronnant chaque col de montagne ou encore sur les manis, murs de pierre estampés du mantra Om mani padme hum, formule de compassion universelle. Ce qui enchante le plus le voyageur au Mustang, c’est l’hospitalité remarquable de ses habitants. Sur leur visage buriné, témoin du temps et des conditions de vie difficile dans ce milieu hostile, leur sourire a quelque chose de réconfortant. Tels des gardiens protecteurs, ils accueillent le voyageur avec une générosité rare. Après une journée de labeurs agricoles, ils continuent à travailler sans relâche dans leur cuisine pittoresque pour nourrir les trekkeurs au repos.
Depuis la petite ville de Pokhara, un vol vertigineux mène directement à Jomsom, bien connu des randonneurs terminant le fameux tour des Annapurnas. Quelques kilomètres plus loin, le village médiéval de Kagbeni annonce l’entrée vers le « Upper Mustang ». Récemment, une piste a vu le jour et permet de rejoindre Lo Manthang sans accomplir les cinq jours de marche initiatique. Cette route tant attendue par les villageois désenclave la région mais contrarie de nombreux trekkeurs. Même si la circulation y est anecdotique, on croise quelques camions, bus, jeeps et motos s’élançant désormais à l’assaut de la vallée du Mustang. Du côté chinois, l’aide à la construction de ce tronçon himalayen stratégique sert leur désir expansionniste. Cette ancienne route du sel entre l’Inde et le Tibet, que les nomades sillonnaient avec leurs caravanes de yak, va peut-être bien redevenir une route commerciale importante entre la Chine et les plaines de l’Inde, via les collines du Népal, territoire coincé entre les deux géants.
Aucune route ne barrera l’engouement des randonneurs pour le Mustang. Au contraire, les évolutions actuelles de ce grand corridor naturel poussent à la créativité. Dans l’immensité himalayenne, les itinéraires alternatifs de trekking ne manquent pas. Grâce aux explorations de quelques spécialistes dont le guide de haute montagne Paulo Grobel, de nouveaux chemins de trek au Mustang se dessinent sur les cartes.
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