L’orque Kiska est décédée en mars 2023, après 44 années de vie en delphinarium au Canada. Trop de cétacés sont aujourd’hui encore en captivité à des fins touristiques. Pourtant, il existe des alternatives de contact avec ces incroyables mammifères marins. Découverte.
Les cétacés, ces mammifères aquatiques communément appelés dauphins ou baleines, sont réputés pour avoir une intelligence remarquable et sont les seuls mammifères à vivre exclusivement en mer et sous la mer. Ils respirent pourtant de l'air avec des poumons et ils doivent maintenir une température interne constante, une adaptation poussée les a dotés de capacités extraordinaires.
Christine Grandjean a fondé en 2014 l’association C’est Assez ! qui lutte contre l’exploitation des cétacés et des animaux marins. Elle présente quelques-unes des caractéristiques :
"Les cétacés sont des animaux de culture. Ils vivent en famille, ce sont des animaux avec des liens sociaux très forts envers leur groupe. Les jeunes vivent toute leur vie près de leur maman. Ils portent le deuil aussi : à Vancouver, l’orque Tahlequah a porté son bébé mort durant 17 jours."
Passionnée de ces orques mesurant de six à huit mètres et pesant jusqu’à huit tonnes, Christine poursuit :
"Les cétacés sont empathiques, ils ont conscience de la noyade et certains ont déjà sauvé des chiens ou des hommes. Les femelles gardent souvent les bébés d’autres orques quand ces dernières vont pêcher."
Les orques vivent dans des sociétés complexes organisées avec une multitude d’écotypes. Les populations présentent ainsi des caractéristiques adaptées à des habitats différents, elles ont par exemple des dialectes liés à leurs territoires. Même s’il reste encore beaucoup à découvrir, l’ampleur de leur intelligence est reconnue par la communauté scientifique internationale.
La captivité des cétacés
Alors qu’en mars 2023, le Conseil d’État a enjoint l’État à mettre en place des fermetures spatiales et temporelles des pratiques de pêche responsables des captures de dauphins dans le golfe de Gascogne, il existe encore en France deux delphinariums en France avec un total de quatre orques et 23 dauphins en captivité. Plus de 3000 cétacés sont captifs dans le monde, selon l’organisation internationale World Animal Protection (WAP). Ces derniers ne peuvent pourtant en rien satisfaire les besoins des cétacés et sont source d’une immense souffrance aussi bien physique que psychologique.
Les maladies liées à la captivité sont nombreuses : maladies rénales dûes à la difficulté d’hydrater les animaux, lésions oculaires ou de la peau liées à l’eau chlorée, obésité, eczéma et même dépression… Alors que l’absence de prédateur devrait la rallonger, la captivité nuit à l’espérance de vie. L’association C’est Assez ! rapporte par exemple qu’entre janvier 2015 et octobre 2017, une dizaine de cétacés sont morts en France, dont trois bébés.
Enfin, les conditions de vie sont simplement indécentes. Là où une orque parcourt 200 kilomètres en une journée, elle se retrouve à tourner en rond dans un bassin qui est par définition toujours trop étroit ! Elle est en outre obligée de vivre à la surface de l’eau, elle qui vit 80% du temps sous l’eau.
Kiska est une orque tristement célèbre pour avoir passé plus de quatre décennies en captivité dans un MarineLand au Canada. Elle est décédée le 10 mars 2023, après avoir vécu captive 44 années.
Julie Labille, bénévole et membre du Conseil d’Administration de C’est Assez !, a rencontré Kiska en septembre 2020. Elle évoque cet épisode avec émotion : "Avec à ce moment-là 50 bélugas captifs et autant de dauphins, le parc n’évoquait que la désolation : installations vieillissantes, bassin fuyant, animaux littéralement entassés, c’était un cauchemar. Quand j’ai vu Kiska, j’ai eu l’impression d’être face à un fantôme, c’était l’ombre d’une orque, elle tournait en rond et s’arrêtait toujours au même endroit du bassin."
Julie n’oubliera jamais le regard de Kiska.
"Quand nous avons croisé son regard, mon conjoint et moi, nous avons fondu en larmes. Elle avait abandonné, elle était déjà morte à l’intérieur."
Le destin de l’orque Kiska est représentatif de l’extrême souffrance des cétacés en captivité. Julie poursuit : "En captivité, on les prive de tout ce qui fait d’elles des orques : on les prive de se déplacer, de vivre en famille, de sociabiliser, mais aussi de chasser, de se nourrir ou même de fuir en cas d’agression."
Des agressions, l’orque Kiska en a subi pendant sa captivité, au point de ne plus avoir de dents à force de ronger son bassin, où elle a fini par vivre en isolement douze années.
"Quand elle a été séparée de son dernier compagnon de bassin, Kiska a lancé des cris déchirants, puis elle a fini par se taire. Alors que c’est un animal de communication par excellence, elle ne vocalisait plus depuis des années… Elle a fini dans le silence."
Cette souffrance semble ne rien représenter face au poids économique des delphinariums. Un business plus que lucratif selon une étude de l’ONG WAP : elle estime qu’un dauphin rapporte entre 400 000 dollars (américains) et 2 millions de dollars par an. Rapportés à l’ensemble des dauphins captifs, ils génèrent entre 1,1 et 5,5 milliards de dollars pour l’industrie du tourisme. La maltraitance animale a donc un prix…
Le triste destin de Kiska nous invite à nous interroger : doit-on traiter ces animaux comme des produits de consommation et de divertissement, à l’entière disposition des humains ? Dans ce lieu apprécié pour les sorties familiales, quelle éducation et quel message transmet-on ici aux jeunes générations ?
Un éveil des consciences est plus que nécessaire sur la place de l'animal, et plus précisément sur la place de ces êtres sensibles et intelligents sur Terre. Les amoureux du vivant ont urgemment besoin de prendre leurs responsabilités et contribuer à un nécessaire changement.
Un nouvel état d’esprit doit se développer dans la volonté de contact avec ces animaux. La nage libre avec dauphins ou cétacés n’est pas non plus recommandée : même sans mauvaise intention, la simple présence humaine risque de harceler les animaux pendant qu’ils se nourrissent, voire de séparer une mère d’un petit.
L’observation terrestre peut être une bonne option, comme elle se développe dans la région canadienne de Tadoussac ou sur l’île de la Réunion.
Si l’on dispose d’un temps long, on peut aussi prendre part à des missions d’éco-volontariat, par exemple au sein de la station de recherche Orcalab, située au nord de l’île de Vancouver.
L’association C’est Assez ! contribue aussi à l’amélioration de la vie des cétacés et de leur habitat, en plus de ses missions d’alerte. Son nouveau fonds de dotation va notamment contribuer à des projets de reforestation marine. Le souhait de Christine est aussi de développer un projet de sanctuaire en France. En attendant, son association est partenaire du futur sanctuaire de Lipsi en Grèce. "Ce sanctuaire offrira un refuge aux dauphins piégés, blessés ou issus de la captivité." Là aussi, des missions d’éco-volontariat proches des cétacés seront un jour possibles.
Quant à l’observation en mer, elle doit être réfléchie. La pratique du kayak avec des spécialistes peut être une bonne option : sans bruit et à vitesse modérée, le visiteur sera non invasif.
Certains opérateurs touristiques organisent des sorties en mer respectueuses des animaux et de leur environnement. C’est le cas des acteurs certifiés par le label "High Quality Whale-Watching", créé pour accompagner les professionnels du secteur.
Gaël Gautier a fondé l'association Al Lark, basée à Cancale, afin de faire découvrir les richesses du patrimoine marin du golfe de Saint-Malo et de sensibiliser à la fragilité de cet écosystème. Al Lark organise des sorties en mer permettant d'observer le milieu marin et éventuellement des cétacés de passage… Ici, aucune fausse promesse affichée, mais du bon sens et du respect avant tout : "l’observation est toujours aléatoire et au bon vouloir des animaux."
Lors des sorties en mer en petits groupes, véritables écoles de patience, Gaël est pédagogue :
"la règle à observer est de ne pas aller à leur rencontre, de ne jamais foncer sur eux. Les dauphins sont des mammifères sensibles au stress. Laissons-les faire, se rapprocher de nous, s'écarter ou rester indifférents. À eux de décider si nous sommes les bienvenus."
Des alternatives à la captivité des animaux marins existent, c’est aux consommateurs et aux voyageurs de faire les bons choix !
Nous avons contacté MarineLand Canada afin de connaître son avis sur la vie et la mort de Kiska mais notre message est demeuré lettre morte.
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