On ne s’attend guère à crapahuter à plus de 3000 mètres au Mexique, et pourtant, la région d’Oaxaca, au sud, nous emporte vers le monde méconnu des montagnards zapotèques de la Sierra Norte, qui ont développé une organisation sociale communautaire et écolo.
Contrairement à Esther, qui parle un anglais irréprochable, Juana n’a jamais quitté San Antonio Cuajimoloyas. À 3200 mètres d’altitude dans la Sierra Norte d’Oaxaca, au sud du Mexique, ce village de 700 habitants de culture zapotèque, l’ethnie amérindienne de la région, forme avec sept autres villages une entité appelée “Pueblos mancomunados“, les villages communautaires, autonomes et autogérés selon une loi mexicaine qui les y autorise.
C’est grâce à ce statut que les 2400 âmes de ces montagnes haut perchées ont conservé, depuis des dizaines d’années, leurs magnifiques forêts et la biodiversité de leur région, et qu’ils ont décidé, dans les années 1990, de lancer une activité d’écotourisme qui génère désormais une bonne part des revenus de la communauté.
Car à Cuajimoloyas, la vie paysanne est fruste. La terre a beau donner maïs, haricots ou pommes de terre et le bétail fournir de la viande, il faut parfois se résoudre à émigrer aux États-Unis pour aider la famille, comme l’a fait Esther, clandestinement, pendant des années. Avant, un beau jour, de revenir au pays et de devenir guide d’écotourisme dans son village, comme Juana.
Voici des années, des entreprises venaient ici exploiter le bois. Mais il y avait beaucoup de malversations et d’abus de coupes, alors la communauté les a évincés et a créé sa propre entreprise, qui veille à une exploitation raisonnable de la forêt et fabrique des meubles. - Juana
Il est surprenant de découvrir une forêt aussi dense à une altitude supérieure à 3000 mètres, d’autant que la montée vers le village depuis la ville d’Oaxaca réserve plutôt des sommets pelés. C’est une “forêt nébuleuse“ qui s’épanouit ici, un couvert forestier typique du milieu tropical de montagne, peuplé de pins, de chênes et de hêtres qui disputent leur espace aux agaves, aux fougères et à des rochers mousseux. Les touristes, en petit comité, progressent entre les falaises et des sentiers humides, pour une randonnée de plusieurs heures de village en village à travers la montagne, avec leur guide.
Plusieurs jours de marche sont nécessaires pour faire le grand tour des huit localités, en franchissant, si l’on a le cœur bien accroché, des ponts suspendus qui révèlent une nature débridée.
La nuit surprend les visiteurs avec un froid vif, mais c’est une accueillante maisonnette et un feu de cheminée qui les attend, et un spectaculaire lever de soleil sur les montagnes, le lendemain.
Au village, chacun son rôle. Plusieurs “comités“ gèrent les différentes infrastructures et les tâches de la communauté, l’école, le système d’adduction d’eau, la voirie, l’entretien, le maintien de l’ordre, l’activité touristique, etc. Chaque habitant doit à la communauté une année au moins de bénévolat tous les trois ans. C’est ainsi que le mari de Juana a été investi de la fonction de gardien de la paix.
Mais certains postes de coordination restent affectés aux personnes qui ont développé au fil du temps les compétences nécessaires, tout en restant contrôlées dans les décisions importantes par l’assemblée de tous les villageois. Et chaque année, les bénéfices liés au tourisme sont redistribués à parts égales entre tous. Ainsi Juana ou Esther, qui travaillent comme guides pour l’entreprise de tourisme Expediciones Sierra Norte Oaxaca, gagnent-elles un salaire fixe quel que soit le nombre de personnes accompagnées. La marge bénéficiaire vient nourrir le bas de laine collectif. Dans les cimes lointaines se cachent parfois des découvertes vraiment inattendues.
Pour en savoir plus :
Le site internet de l'entreprise : www.sierranorte.org.mx