Les décorations de mosaïques qui enchantent les touristes au Maroc ont une longue histoire et reposent sur un savoir-faire qui se transmet de génération en génération. À Marrakech, un atelier permet de s’initier à l’art complexe du zellige.
Mon regard accroche les formes géométriques, l’envol des arabesques et les couleurs d’une fontaine dans la médina de Fès. Un sentiment d’harmonie, de parfait équilibre, une beauté pure s’en déprend.
De mosquée en riad, de hammam en fontaine, dehors comme à la maison, le zellige, ce petit carreau de céramique émaillé, fait merveille partout au Maroc. Au point que le visiteur veuille percer le secret de cet élément décoratif, cette “petite pierre polie” dans sa traduction en français, qui épouse si joliment l’identité marocaine.
Un petit carré d’argile
Il faut en savoir plus, apprendre, toucher, se salir les mains pour faire naître le mystère de ce modeste carré d’argile. Au Xème siècle, les Almoravides commencent à utiliser ces petits carreaux de terre cuite en imitant l’ornementation romaine. Puis cet art évolue au fil des siècles, notamment avec les Mérinides au XIVème siècle, qui apportent la couleur et des éléments géométriques et floraux. Le zellige décore, mais il a aussi une valeur spirituelle, ses motifs incarnant l’équilibre, l’unité et l’ordre divin.
C’est à Marrakech que l’on déniche les Ateliers d’ailleurs, qui depuis 2008 proposent, non pas une quelconque démonstration, encore moins une vidéo promotionnelle de bazar, mais une véritable “immersion dans le patrimoine marocain“, comme l’explique Abderrazzak Houdzi, le maître des lieux.
Abderrazzak Houdzi dirige les Ateliers d’ailleurs, où il est possible de se former à la fabrication du zellige, mais aussi du tadelakt, un enduit de chaux et de poudre de marbre, de la poterie, ou encore aux métiers du cuir.
Là, l’étranger, anglophone principalement, mais aussi français, suisse ou canadien francophone, peut se plonger dans les affres de la création de zellige, accompagné tout du long par un artisan.
Valoriser le travail de l’artisan
“Notre projet ambitionne de valoriser les artisans alors qu’ils sont habituellement le maillon faible de la chaîne de valeur de notre artisanat très prisé dans le monde”, précise Abderrazzak, soulignant le niveau de vie “modeste” de ces professionnels, les maâlems, souvent illettrés et formés sur le tas. “Ils n’ont pas les compétences pour faire reconnaître leur savoir-faire à hauteur de la tâche”.
Abderrazzak sait de quoi il parle : jeune homme, il a traîné ses savates dans un atelier comme homme à tout faire pour gagner quelques sous. L’État marocain a mis fin à cette pratique et créé des centres de formation professionnelle afin d’éviter le travail des enfants et de suivre l’évolution d'un artisanat marocain aujourd’hui revisité par des créateurs du monde entier, qui précisément viennent se former à Marrakech.
Immersion dans la culture marocaine
Dans les Ateliers d’ailleurs, les stagiaires étrangers sont conquis. “Ce stage m’a vraiment permis de comprendre le travail du zellige et je ne regarderai plus jamais une table ou un autre élément avec le regard d’avant”, témoigne Béatrice sur le site Internet des Ateliers. Bien souvent, les visiteurs étrangers ont peu de relations extra-commerciales avec les Marocains lors d’un séjour.
Or ce qui fait tout le charme de cette expérience, c’est que les stagiaires sont accueillis comme chez eux, dans un environnement authentique, pas du tout sophistiqué. Et une véritable transmission a lieu grâce à la connexion avec l’artisan qui enseigne. - Abderrazzak Houdzi
À Paris, dans le jardin de la Grande mosquée, je contemple la fontaine en zelliges de Fès en songeant aux artistes de là-bas qui y ont travaillé. Au service de la beauté pure.
Pour en savoir plus :
http://www.ateliersdailleurs.com/index-fr.html