Tourisme durable

Majorque souhaite axer son développement touristique sur de nouvelles offres solidaires

04 Janvier 2017 - Culture / Hébergement / Initiatives / Préservation

Traînant tel un boulet une image de « tourisme de masse » pour avoir bétonné les côtes autour de Palma et abrité quelques beuveries britanno-germaniques d’exception, Majorque a pourtant de quoi en surprendre plus d’un. Loin des plages saturées, entre montagnes et côtes déchiquetées, l’île souhaite désormais valoriser un patrimoine rural et culturel offrant une expérience authentique : pêche en mer, cueillette d’olives, randonnées sur les sentiers en pierre sèche, etc.

 
Paysages et oliviers de la région de Soller © GClastres
Paysages et oliviers de la région de Soller © GClastres

 

 

Un programme de tourisme solidaire et participatif aux couleurs de l’Europe.

 
 
Afin de mieux répartir les flux touristiques et sortir de l’équation classique du tourisme de masse où des sites saturés nourrissent l’industrie touristique internationale au détriment des acteurs du territoire, Majorque a décidé de présenter à la Commission Européenne un programme de tourisme solidaire et participatif, Eurorural Tourism (ERT), visant à rassembler des partenariats d’acteurs privés, publics et associatifs, tous désireux et motivés de faire vivre les territoires ruraux hors des circuits touristiques classiques. Elle s’est ainsi associée à six autres territoires (le Ventoux en Provence, le Piémont en  Italie, les Scottish Borders et Dumfries en Ecosse et Galloway, l’île de Brac en Croatie, Rhodopes en Bulgarie et le Kissavos en Grèce), tout un réseau constitué qui, au printemps 2017, proposera des séjours participatifs et solidaires à l’échelle européenne. En ligne de mire : un tourisme intégré au plus près des habitants et des savoir-faire locaux qui puissent aussi agir comme levier de développement sur un territoire très fortement touché par la crise économique espagnole.
 
 
Les fameuses olives de Soller © GClastres
Les fameuses olives de Soller © GClastres

 

Sur le terrain avec Aina et Irene

 
 
A Majorque, Eurolocal Mallorca (organisme public du Conseil de Majorque) a conçu un premier circuit test de sept jours dont il a ensuite confié la mise en œuvre à Més Cultura, petite association locale basée à Sóller (au nord de l’île). Créée par Aina et Irene, deux jeunes femmes cultivées touchées de plein fouet par la crise, Més Cultura vise à mettre en valeur le territoire de Sóller et la Serra (montagne) de Tramuntana. Ce paysage culturel a été inscrit en juin 2011 sur la liste du patrimoine universel de l’Unesco. Ses exploitations d’oliviers en terrasse, ses structures hydrauliques interconnectées (notamment ses moulins à eau) ainsi que ses chemins et constructions en pierre sèche en font un terrain de jeu idéal pour des voyageurs en quête d’une immersion majorquine.
 
Eurolocal et Més Cultura ont ainsi imaginé un pré-programme permettant de randonner une journée au cœur de ces chemins et notamment du GR221, la « route des pierres sèches », avec une pause déjeuner dans une finca (ferme locale) pour déguster le fameux cochon de lait, puis une démonstration de la technique de la pierre sèche par un « marjer », spécialiste locale des constructions en pierres sèches. Une autre journée est consacrée à la découverte de l’oliveraie de Can Bardi, la « Possessio » (ferme locale) de Joaquim, personnage haut en couleur qui, outre les olives, cultive également orangers et citronniers dans un lieu enchanteur. Sur place les visiteurs sont invités à prendre part à la récolte des olives, puis après un déjeuner à la ferme, rejoignent la coopérative Capvespre, à Soller, pour découvrir et participer à la préparation des olives « trencades », dont ils garderont le bocal et la recette…
 
 
 
La route des "pierres sèches" © GClastres
La route des "pierres sèches" © GClastres

 

 

Un tourisme plus adapté aux besoins de l’île

 
 
Les autres journées du programme prévoient une journée en mer sur un chalut avec des pêcheurs, la découverte du musée archéologique de Son Fornés qui présente quelques inestimables talayots (constructions circulaires en pierre datant de 1200 av. J.-C servant de tours de guet, de maisons et autres abris) mais aussi un tour de Palma pour ne pas passer à côté d’un Majorque plus classique. 
Aina : « Ici on compte beaucoup sur ce tourisme solidaire et participatif pour aider les acteurs locaux. Depuis la crise de l’orange, les paysans ont besoin de l’argent du tourisme.  A Soller ils sont aussi les gardiens du paysage. Sans eux il n’y aurait pas ces terrasses parcourues d’oliviers, ces champs d’orangers et de citronniers »…  
 
Aina est persuadée que son rôle est de transmettre une culture qui, sinon, risque de se perdre. Déjà, les jeunes ne s’intéressent plus aux métiers traditionnels. Dans le port de Soller, les yachts et bateaux de plaisance ont peu à peu remplacé les bateaux de pêcheurs. Même ce port au charme indéniable est envahi de touristes du printemps à l’automne. En outre, à Soller, où « tout le monde a une jambe française », les liens avec l’Hexagone sont forts et remontent au temps où les bateaux s’arrêtaient de ce côté de l’île et repartaient directement vers Sète ou Marseille, quand des générations de Majorquains sont ensuite venus vendre oranges et citrons aux familles françaises. Aujourd’hui beaucoup reviennent mais la « baléarisation » de l’île leur fait peur. Aina : « J’ai appris le français par imprégnation, chez moi, on le parlait car ma grand-mère est née à Nantes. Alors oui, les liens avec la France, cela me connaît, et c’est aussi pour cela que je suis persuadée qu’un tourisme intelligent peut aider notre culture et nos traditions ». D’ici quelques mois, Aina et sa compagne de projet Irene, proposeront leurs premiers circuits – l’occasion de découvrir un autre visage de Majorque, au plus près de l’île et de ses habitants ! 
 
 
 
Journée en mer sur le chalet de Gori et Bruno © DR
Journée en mer sur le chalet de Gori et Bruno © DR

 

 
 
 
--------------- Guide pratique ---------------
Association Mès Cultura
Aina et Irene
(+34) 667 688 998