Partir en Ouzbékistan n’est pas forcément la première idée qui passe par la tête de ceux qui souhaitent arpenter les montagnes d’Asie centrale. Pourtant le pays traversé par l’historique Route de la soie ne se réduit pas à ses cités anciennes aux magnifiques médersas, minarets et mosquées. Loin de la chaleur de la plaine et des foules réunies autour des monuments de Samarcande, incursion dans les montagnes de Nourata pour découvrir une autre facette de l’Ouzbékistan.
À 200 km au nord de Samarcande, les monts Nourata semblent surgir d’on ne sait où avec leurs rondes collines parsemées d’arbres fruitiers. Débarrassé du désert, on arrive dans un nouveau paysage de steppes et de montagnes qui s’étend jusqu’aux rives du grand lac salé Aydar. Restées à l’écart des grandes étapes caravanières, les communautés tadjikes, kazakhes et ouzbèkes qui peuplent les Nourata ont conservé une forte identité culturelle. Si les voyageurs prennent le temps de découvrir l’Ouzbékistan au-delà des villes de Samarcande, Boukhara ou Kiva, il se pourrait qu’ils saisissent toute l’âme du pays.
Aux portes des montagnes, dans la petite ville de Forish, se trouve le pionnier du tourisme communautaire en Ouzbékistan : Sherzod Norbekov. L’homme de 43 ans est né et a grandi dans un petit village niché dans les montagnes avant de partir étudier à l’université de Tashkent. Sherzod évoque les décennies difficiles qui ont suivi l’indépendance de son pays à l’effondrement de l’URSS, la hausse du chômage et le peu d’espoir pour sa génération de trouver un emploi en zone rurale. “Beaucoup d’hommes des villages sont partis travailler en Russie.”
Bien au courant des problématiques économiques et sociales auxquelles sont confrontées les communautés villageoises, Sherzod est convaincu que son territoire possède un potentiel de développement touristique axé sur la nature et la rencontre avec les populations. Après plusieurs années à travailler sur des projets de développement en tant que traducteur, il crée sa petite agence de voyages en 2012, d’abord appelée Responsible Travel, puis rebaptisée Nuratau Travel. Son objectif ? Diversifier les sources de revenus des habitants, fournir du travail aux plus jeunes, et protéger à la fois la culture traditionnelle et l’écosystème des vallées.
Aujourd’hui, les villages de Sentob, Hayat, Ukhum, Asraf ou encore Eski Forish, abritent tout un réseau de maisons d’hôtes. Les habitants et les guides locaux ont été formés par les équipes de Nuratau Travel pour accueillir les voyageurs venus vivre des moments de partage en famille, rencontrer bergers, musiciens et artisans qui peuplent les villages.
Les voyageurs étrangers ont tout de suite le sentiment de faire partie de la communauté. Je crois aux vertus du voyage, les échanges culturels génèrent un impact positif sur les gens.
- Sherzod Norbekov
Les randonneurs partent en balade à la journée vers une cascade, un site de pétroglyphes ou les ruines d’un village abandonné. Ou s’élancent pour une randonnée de plusieurs jours de village en village jusqu’au lac Aydar où ils peuvent séjourner dans un camp de yourtes. Ils ont de fortes chances d’apercevoir le mouflon sauvage de Severtzov, une espèce très menacée dont 90% de la population mondiale restante vit dans cette zone !
À l’automne 2023, lors d’un sommet de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) qui s’est tenu à Samarcande, Sentob a été élu "meilleur village touristique" respectant les principes du développement durable. La même année, au salon du tourisme international de Berlin (ITB), l’agence de Sherzod a reçu un TO DO Award, reconnaissant ses actions en matière de tourisme communautaire. Sherzod conclut :
Si les séjours chez l’habitant existent au Kirghizistan voisin, c’est totalement inédit en Ouzbékistan et c’est une bonne nouvelle pour l’avenir du tourisme durable dans mon pays ! - Sherzod Norbekov
Pour aller plus loin :
https://nuratau.com/ (en anglais)