Tourisme durable

« Les œuvres du Pamir » :
la nouvelle aventure des Solidream

16 Janvier 2017 - Culture / Initiatives / Portrait

Après un premier tour du monde à vélo de 3 ans, les trois amis d’enfance du projet Solidream s’étaient, cette fois, mis en tête de visiter les coins les plus reculés du Pamir, au Tadjikistan, sur des vélos… particuliers. Fabriqués par des artisans… particuliers. Histoire de dérouler ce fil « amical et solidaire » qui leur est cher tout au long de ce nouveau défi. 

 

 

Pamir, massif de haute montagne dans l'Est du Tadjikistan

Pamir, massif de haute montagne dans l'Est du Tadjikistan

 

 
 
TV5MONDE : Rappelez-nous en deux mots comment se compose l’équipe de Solidream et ce qui nous l’a fait connaître.
 
Solidream : Nous sommes 3 amis d’enfance, Morgan, Siphay et Brian, qui avons effectué un tour du monde à vélo de 54.000 km de 2010 à 2013. Alors, jeunes ingénieurs, nous nous étions réunis en association pour donner vie à nos rêves de voyages sur le triple thème du rêve, du défi et du partage. Ce voyage nous avait emmenés sur tous les continents où nous avions parfois eu l’occasion d’échanger nos bicyclettes contre un radeau (que nous avions construit !) ou bien une voile, des chaussures de randonnée, etc. selon les opportunités. Nous avions tiré un livre de cette première aventure (« Solidream » chez Transboréal). Nous avions également autoproduit et monté un film une année durant avant de le présenter dans différents festivals ces deux dernières années. Puis l’envie de repartir est devenue trop forte et nous avons conçu un projet différent, plus léger et facile à monter.
 
 
Morgan, Siphay et Brian, l'amitié fondatrice de Solidream

Morgan, Siphay et Brian, l'amitié fondatrice de Solidream

 

 
TV5 : Pourquoi avoir choisi ce coin du monde pour votre nouvelle aventure ?
 
S : Pour plusieurs raisons. Tout d’abord, lorsque nous sommes passés dans cette région la première fois, nous avons à la fois été emballés par les paysages que nous découvrions et très déçus de ne pas avoir le temps de partir à la découverte de ce terrain de jeu majestueux qui s’ouvrait devant nous. Ensuite, lorsque notre nouveau projet s’est dessiné et que nous nous sommes lancés dans la conception et la fabrication de nos vélos très spéciaux (des fatbikes avec cadre en bambou réalisés en coopération avec un petit groupe d’artisans français : In’Bô), on s’est dit que le coin était idéal pour les tester et, enfin, une amie grande voyageuse, venait de s’installer à Douchanbé, la capitale du Tadjikistan, et elle a pu nous donner un solide coup de main au niveau logistique.
 
     
TV5 : Vous dites souvent que l’aventure, aussi géniale soit-elle, n’est qu’un prétexte pour vous éclairer sur les valeurs de la vie. Qu’avez-vous appris d’essentiel au fil de vos deux périples ?
 
S : Il y aurait bien sûr beaucoup à dire. Disons déjà que poursuivre un projet tel que le nôtre, notre premier tour du monde de trois ans par exemple, vous amène forcément à vous concentrer sur l’essentiel : la vie, ce que l’on est, voit, vit et fait… bien plus que ce que l’on a, achète, mange et consomme. Une certaine frugalité ou au moins, hiérarchie des priorités. Et puis, à coup sûr, cela nous a enseigné – ô combien ! – la persévérance. Enfin, chaque groupe de voyageurs ou d’aventuriers a ses particularités, sa note personnelle ; la nôtre réside dans la dimension de solidarité au sein du collectif auquel nous portons donc une grande attention. Tout le monde parle du « vivre ensemble », mais quand vous êtes ensemble 24h/24 et que depuis plusieurs jours, tout tourne à la galère, vous lâche, etc., ce n’est pas facile à perpétuer. Sans un respect et une tolérance absolus, le groupe explose. Il y a l’aventure et la capacité à la vivre, à faire de sa vie une aventure. C’est le fameux « esprit d’aventure » cher à l’explorateur Patrice Franceschi (un exemple qui nous est cher) et qui implique de faire entrer une part de risque dans sa vie.   
 
 

 

Immensité et grandiose du Pamir
Immensité et grandiose du Pamir

 

 
 
TV5 : Au Festival du film d’aventure de la Rochelle, on a beaucoup entendu dire que votre amitié « crevait l’écran ». Parlez-nous un peu de cette dimension ; cela a-t-il été un bonheur partagé de bout en bout, jusque dans ces galères que vous évoquiez ?
 
S : Ce qui fait toute la force de nos projets, c’est qu’ils sont conçus, préparés et vécus en toute confiance : une dimension essentielle dans laquelle on baigne en continu et qui permet à chacun d’entre nous d’être exactement lui-même. Quand l’un d’entre nous par exemple propose, tout à coup, de partir sur des vélos en bambou et que deux heures plus tard, ces vélos en bambous sont devenus l’affaire de tous, quelle force ! Dès qu’une idée est émise, d’autres surgissent en cascade de la part des autres. C’est ainsi qu’en ayant un peu assez de pédaler à côté d’une immense rivière, l’un a lancé : « Et si on mettait les vélos dans un canot, pour une fois ? ». Ce qui a entraîné un « Et si on le construisait nous-mêmes, ce canot ? »  Puis « Un radeau, alors ? On construit un radeau. ». Et on l’a fait. Quelle joie d’y arriver ! Ce groupe de trois personnes semblables et différentes, cela permet d’être fou, oui, mais « sainement » ! C’est vrai que l’amitié occupe une place primordiale dans nos aventures. J’ai d’ailleurs (Brian) eu envie d’écrire là-dessus : ce que rend possible l’amitié, ses limites… un petit livre de voyages intitulé « Le prodige de l’amitié » et édité chez Transboréal, dans leur collection des petites philosophies du voyage.
 
 
 
 
 
TV5 : Les dimensions « aventure » et « défi » occupent une vraie place dans vos projets. Cela apporte quoi, selon vous, de se dépasser ?
 
S : Le défi implique cette dimension du risque évoquée quand nous parlions de l’Esprit d’aventure. Et nous trouvons qu’une vie sans risque est une vie qui a moins de valeur. Contrairement à ce que pensent certains, le défi et le risque sont aussi des valeurs constructives. Lorsque je me regarde dans la glace, je peux affirmer que ce gars-là a traversé l’Amazonie à vélo. Il l’a fait ! Et cela lui donne de la confiance, une expérience et un jeu de cartes plus ouvert pour envisager l’avenir ; le rendre plus riche et prometteur. 
 
 
TV5 : En quoi votre relation d’amitié transcende-t-elle ce que vous vivez ?
 
S : Elle apporte, déjà, cette dimension essentielle du partage. Nous avons croisé beaucoup de voyageurs solitaires qui nous expliquaient combien cela leur manquait : à quoi bon un coucher de soleil sublime, si vous n’avez personne avec qui le partager ? Le plaisir du partage enrichit considérablement tout ce que vous vivez, et le démultiplie, l’enrichit de l’apport des autres : c’est cette histoire du « je mettrais bien mon vélo dans un canot » qui devient une expédition Kon Tiki sur un radeau. Et puis, dans le simple quotidien (qui cela dit, pour nous, autour du monde, n’était ni toujours simple ni véritablement quotidien, plutôt nouveau) quelle chance de pouvoir échanger sur tout ce qui nous arrivait, ce qu’on découvrait, ce qui nous surprenait, etc.
 
TV5 : Quel a été le meilleur moment de cette aventure-ci, pour vous, le plus fort émotionnellement ?
 
S : Les gens évoquent toujours les meilleurs souvenirs ; je voudrais moi parler de deux moments très forts émotionnellement, mais pas empreints de joie. Il y a d’abord cet homme que nous avons croisé sur les montagnes qui servent de frontière avec l’Afghanistan. Un Afghan qui avait dû abandonner son village tombé aux mains des Talibans en 2012 et dans lequel, nous disait-il, il se passait des choses terribles. Il avait émigré aux Etats-Unis et ne pouvait pas retourner là-bas, sous risque de peine de mort. Alors, il s’en approchait au plus près. Il s’approchait de chez lui le plus près possible, sur la montagne, mais sans pouvoir y aller vraiment. L’autre moment, c’est une engueulade forte qui s’est produite entre nous lors d’une ascension. Ces moments de grande tension, rares heureusement, sont d’autant plus difficiles à vivre individuellement qu’en général notre amitié gomme tous les problèmes. Mais là, il s’en est suivi une vraie période de doutes, qui nous a obligés à nous poser les bonnes questions et nous a fait avancer au final, mais cela reste un bémol, un choc… car on traverse des moments difficiles également dans ce type d’expéditions ; cela fait partie du jeu. 
 
 
A l'assault des montagnes du Pamir

A l'assault des montagnes du Pamir

 
 
TV5 : Avez-vous croisé des Français remarquables en cours de route ?
 
S : Quatre ou cinq, oui, mais je n’en citerai qu’un : Olivier. Il faut savoir que le Pamir, l’été, c’est un peu l’Everest du voyageur à vélo : avec des cols à plus de 4000 m et des déroulés de paysages stupéfiants. Sur ce plateau qui se trouve être désertique le reste du temps, vous allez croiser 3 à 400 cyclistes en l’espace de quelques semaines. Parmi eux, s’annonçant de loin avec la voile qui tire son vélo quand le temps le permet, il y avait cette espèce de Jésus-Christ bourré d’humour qui effectuait donc son tour du monde 0 carbone : Olivier !
 
 
TV5 : Quel âge avez-vous maintenant ? Comment voyez-vous la suite et comment ceux que votre aventure passionne peuvent-ils vous suivre ?
 
S : Nous avons 30 ans en moyenne (29 pour l’un, 31 pour l’autre…) et cherchons comment construire nos vies autour de ce type d’aventures. Grâce à nos films ? Peut-être… On les projette régulièrement dans les festivals et on les met également à disposition des gens qui veulent organiser un évènement ou une projection ; les rencontres avec le public étant toujours intéressantes. « Solidream », le film (en vente sur notre site) nous a ainsi rapporté la moitié du coût de l’expédition Pamir. En ce qui concerne la suite des évènements, Siphay et Morgan vivent sur un bateau, non loin de Montpellier et le bateau de Morgan est déjà bien préparé. Il a très envie de faire voile vers l’ouest. Alors…
D’un autre côté, on a très envie de repartir ensemble, mais pas en vélo. Pourquoi pas en marcher-voler ?
 
 
TV5 : En marcher-voler ?
 
S : Oui, on est en train d’apprendre à faire du parapente ; avec Olivier justement. Le marcher-voler consiste à partir sac au dos, avec une aile en plus, sur soi. Vous marchez comme un randonneur donc, mais quand vous êtes bloqué par une montagne ou une falaise, eh bien, vous volez ! On est loin d’avoir le niveau encore, mais on trouve l’idée extra : en une dizaine de jours, vous pouvez parfois parcourir ainsi des centaines de kilomètres ! 
 
 
 
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