Alors qu’ils déchaînent à nouveau des fantasmes de tout type, il est temps de mieux connaître ces canidés de retour en France depuis une trentaine d’années.
Avec une relation vieille de plus de 20 000 ans, le loup est le premier animal domestiqué, il fut même pendant longtemps le mammifère le plus répandu dans l’hémisphère Nord après l’homme. La France compte aujourd’hui environ 1000 loups sur son territoire ; les autres pays européens où l’espèce est installée, Espagne, Roumanie, Pologne ou Italie, en comptent 2 à 3 fois plus.
Loin du prédateur sanguinaire sorti des livres pour enfants, le loup est un animal social qui vit en groupes familiaux hiérarchisés, les meutes. Il tue uniquement pour se nourrir et évite les contacts avec l’homme. Le jeune loup sait chasser seul dès 10 mois, la vitesse de pointe d’un adulte est de 50 à 60 km par heure, il pèse 30 kilogrammes en moyenne et son espérance de vie dans la nature ne dépasse pas 13 ans. En Europe, les meutes sont pour la plupart composées de deux à sept individus.
Les loups sont revenus en France dans les années 1990, après soixante années d’absence suite à la chasse intensive dont ils avaient été victimes. Leur retour s’est fait de manière naturelle, depuis le massif des Abruzzes en Italie, et s’est étalé sur plusieurs années. Car leur capacité de dispersion est importante, il est difficile de savoir où ils se situent exactement. Le premier loup réellement identifié a été découvert en 1992 dans le Mercantour.
Leur retour en France est une bonne nouvelle pour la biodiversité : cela signifie que des espaces se sont libérés pour la nature, et notamment pour les forêts et pour les ongulés sauvages qui y vivent, ces derniers étant les proies préférées des loups. Rappelons que la France, avec sa situation au carrefour de diverses influences climatiques, ses montagnes anciennes et jeunes et ses écosystèmes variés, accueille la plus grande biodiversité d’Europe.
Depuis la signature de la convention de Berne en 1990, le loup appartient officiellement à la catégorie des espèces protégées. Cependant, la Commission européenne a proposé en décembre 2023 de déclasser le loup de son statut actuel de protection stricte. Cela pourrait autoriser sa chasse et mettrait à nouveau l’espèce en péril, alors que les précédents efforts pour sa conservation portent à peine leurs fruits.
Aujourd’hui encore, la relation homme-loup est complexe et crispe les positions. Ce revirement de la Commission européenne illustre bien ce phénomène et comme le souligne WWF, “la proposition d’abaissement du statut de protection du loup ne repose sur aucun fondement scientifique et relève d’une logique purement politicienne”.
Aussi, aux côtés de l’association Ferus, beaucoup s’interrogent : “La Présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen lance-t-elle une vindicte personnelle contre le loup suite à la mort de son poney en septembre 2022 (tué par un loup) ou utilise-t-elle l’animal comme manœuvre politique pour s’assurer le renouvellement de son mandat en 2024 ?”
Mythifiés pour certains, nuisibles pour d’autres, ces animaux ne laissent pas indifférents. Cette relation questionne avant tout sur le vivre-ensemble entre les hommes et le reste du vivant. Chiens de protection, filets, parcs de nuit… des solutions existent face aux craintes fondées des bergers, mais encore faut-il une volonté pour les mettre en application et ne pas tomber dans une reprise populiste de cette délicate question.
N’est-il pas enfin temps de décentrer notre point de vue et de cesser de réduire le loup à ce qu’il est pour l’homme ? Repenser notre relation au loup serait alors une réelle opportunité pour accéder à une nouvelle expérience au vivant…
Même pour les passionnés, la tâche est ardue : les loups ne se laissent pas facilement voir. En plus de leur ouïe et leur odorat très développés, leurs pelages, beige, gris ou noir, se fondent littéralement dans le décor.
Au-delà de ces caractéristiques biologiques, les loups en France sont victimes d’un souci de transparence… Ce sujet gêne, au niveau politique comme du côté des acteurs du tourisme : nombre d’offices préfèrent tout simplement rester muets face aux demandes des voyageurs espérant côtoyer cet animal.
Pourtant, le loup peut représenter une opportunité économique. Sa présence stimule le tourisme dans le parc naturel des Abruzzes en Italie, ou dans la Sierra de la Culebra en Espagne… Le parc des Abruzzes a notamment créé un sentier de 215 kilomètres dédié à l’observation des loups “Sur les pas des loups des Apennins”.
Les curieux voulant en savoir plus sur les loups en France pourront se tourner vers le volontariat. L’association Ferus propose par exemple le programme Pastoraloup (Programme associatif de soutien au pastoralisme en zones à loups) pour aider les éleveurs à surveiller leur troupeau, ainsi que le programme Parole de loup où des volontaires sensibilisent locaux et touristes, en distribuant des brochures pour inviter à la discussion.
Avec ces passionnés, espérons que notre regard sur le loup pourra enfin changer et que notre relation avec cette espèce ne sera plus fondée sur de fausses croyances.