Avec sa faune et sa flore uniques, ses plages de rêve et sa population adorable, Madagascar enchante tous ceux qui s’y rendent. En dépit de travers locaux freinant encore un essor touristique comme économique durables, les Français continuent de s’y rendre en voyage et… de s’y installer. Y trouvant, pour beaucoup, le bonheur. Rencontre éclairante avec quelques-uns d’entre eux.
À l’image de Denise qui a découvert pour la première fois « l’île rouge » lors d’un séjour touristique il y a 4 ans avant de s’y installer, de nombreux Français éprouvent au contact des paysages de Madagascar, mais également de sa population, un véritable coup de foudre. Lequel débouche pour nombre d’entre eux sur des projets d’installation plus durable…
"En dépit d’une longue période d’instabilité politique ayant refroidi plus d’un investisseur, le nombre de Français s’installant à Madagascar (quelques centaines chaque année) demeure relativement stable dans le temps", explique Julien Faliu, fondateur d‘expat.com, site pratique dédié à l’expatriation dont les Français de l’étranger (déjà 1,6 million de membres !) se sont emparé, y échangeant chaque jour conseils et renseignements. Idem les voyageurs malins en quête d’informations de première main et les institutions qui recommandent le site aux futurs expatriés.
"Fin 2015, nos compatriotes étaient 18.300 à Madagascar, poursuit Julien, dont 10% de binationaux. C’est la plus forte communauté française de la région africaine derrière le Maroc qui en compte, lui, plus du double."
« Bien sûr, explique Régis, 46 ans, créateur d’un petit hôtel dans le nord de l’île, le pays souffre de plusieurs maux qui ne sont pas à la veille d’être réglés et bloquent les investissements d’importance, à commencer par une extrême pauvreté que renforce la corruption présente à tous les niveaux. En dépit de cela, le pays est si beau et sa population si gentille, qu’en dehors des villes où s’entasse une population démunie engendrant parfois de l’insécurité, vous avez souvent, ici, l’impression de vous sentir au paradis. Un paradis frugal et en sursis certes (près de 90% de la forêt primaire a déjà été détruite !), mais un paradis quand même : naturel et habité ».
À l’image de Régis, nombre de Français qui abordent « la grande île » (autre surnom, Madagascar faisant environ la taille de la France métropolitaine) sont de petits entrepreneurs venus chercher ici "une nouvelle vie".
« 40% exactement de nos compatriotes, analyse Julien en consultant les statistiques d’expat.com, mises à jour en continu grâce à la forte implication des membres de la communauté. 20% qui rejoignent ou reprenne une petite entreprise existante et autant qui créent la leur : petit hôtel, chambres d’hôte, restaurant, prestations touristiques, artisanat… Sachant que plus de la moitié des Français présents ont entre 30 et 60 ans (l’âge de ce type d’entrepreneuriat), 23% entre 20 et 30 ans, pour seulement 12% de retraités, généralement des français qui vivaient déjà sur place ».
La précarité de l’assistance médicale offerte sur l’île des lémuriens n’est pas étrangère au fait que Madagascar, contrairement au Maroc, ne soit pas véritablement une terre où l’on vient « finir ses jours », mais bien plutôt « refaire sa vie ». À force d’énergie !
« Il y a le soleil, la beauté des paysages, la nature et cette aventure au quotidien toujours possible, argumente Régis. Si vous intégrez que la culture du travail est ici très différente, qu’il va falloir vous accrocher et faire une grande partie des choses vous-même, vous pourrez vivre quelque chose de très fort et nouer des relations humaines formidables avec les Malgaches, une population extrêmement accueillante. Ici, les seuls qui vous regardent en coin quand vous vous installez, ce sont les… Français ! Qui redoutent de nouveaux concurrents ».
"C’est précisément ce qui m’est arrivé", se souvient Denise qui, après une première visite en touriste en 2012 puis un voyage de contrôle l’année suivante, a vu son coup de cœur confirmé et a décidé de s’y installer pour de bon.
"Parce que j’y retrouvais ce qui, à mes yeux, constitue le meilleur de l’Asie et de l’Afrique : ces mystères et ambiances exotiques, la joie de vivre et la simplicité, le lien à la nature et aux ancêtres… J’ai posé mes valises dans le sud, près de Tuléar, face au lagon de Ranobe : 8 km jusqu’à la barrière de corail ; un lieu préservé qui se mérite tout en restant accessible, car les transports à Mada sont un vrai problème, d’autant plus que l’essence y est chère. Ici, dans le sud, il y a moins de moustiques et donc moins de palu. Depuis deux ans, je ne fais rien de « spécial », je me promène beaucoup, « tsanga tsanga » comme on dit ici, je ne cesse de découvrir des endroits magiques et je les fais ensuite partager à mes visiteurs. Et puis je donne un coup de main au dispensaire local et aux instits dont le niveau en français est très faible (un ancien président du pays en avait supprimé l’enseignement à l’école durant plusieurs années)…"
"Deux millions d’enfants ne sont pas scolarisés sur l’ile, poursuit Denise. Tous les villageois n’ont pas l’électricité, loin de là, et seul le maire possède la télé. Il organise des soirées - payantes ! - lors des grandes coupes de football. Un de mes voisins a suivi chez lui la coupe du monde au Brésil, mais n’avait plus d’argent pour assister aux matchs après les quarts de finale. Pour écouter la radio, les gens achètent une carte prépayée leur donnant droit à quelques heures d’écoute, comme chez nous pour un mobile. C’est un autre monde, où l’on manque de beaucoup de choses (les routes sont vraiment mauvaises, au point que personne ici ou presque n’est jamais monté à la capitale : trop cher). Enfin, on manque de tout sauf… de sourires ! Je m’entends parfaitement avec tous mes voisins malgaches (les seuls qui me regardaient en coin, à mon arrivée, je l’ai dit, sont les hôteliers français). En fait, le tiercé des atouts pour lesquels je suis restée est comme les trois mousquetaires : quatre ! Le climat, les gens, les paysages et le coût de la vie…"
"Bien sûr, Madagascar, n’est pas de ces pays d’émigration traditionnelle comme le Canada, l’Australie, le Moyen-Orient et de plus en plus de pays émergents d’Asie où l’on se rend pour trouver du travail, conclut Julien. Sauf à arriver avec une entreprise ayant décroché un marché (cas le plus fréquent), du travail, ici, il y en a peu. À moins de la créer soi-même bien sûr ! Ce que font la plupart des émigrants français. Il faut dire qu’avec ses liens historiques anciens (mais attention : les Chinois sont aujourd’hui très présents !), sa francophonie partielle, l’immensité du territoire et tout ce qui reste à entreprendre, le pays demeure attractif pour ceux qui ont des projets un peu « baroudeurs », en lien avec la nature ; ceux qui recherchent l’aventure humaine et l’authenticité".
« Sachant quelle part d’inconfort et d’incertitudes cette authenticité implique, tient à préciser Régis ; les dimensions « officielles » et « légales » étant ici assez relatives : à Madagascar par exemple, un terrain peut parfaitement avoir plusieurs propriétaires ! »…
« Ce qui est certain, c’est qu’un voyage d’exploration préliminaire s’impose, rappelle Julien : le pays est vaste et il est important de trouver un endroit où l’on pourra s’intégrer dans la vie locale, seul moyen de trouver le bonheur et de le faire rayonner autour de soi. D’ailleurs, une part non négligeable des Français installés à Madagascar forment des couples mixtes, franco-malgaches. Et ce sont très souvent ces couples qui font le lien entre les deux communautés, mais également entre les Malgaches et les voyageurs. Comme on l’a vu, beaucoup de Français qui s’installent à Mada créent une entreprise en lien avec le tourisme. Si vous allez là-bas, vous avez donc toutes les chances de vous retrouver à un moment ou un autre hébergé ou pris en main par ces couples mixtes. Ce qui constitue un moyen idéal de mieux connaître les habitants et de pouvoir aller à leur rencontre ».
* La communauté Expat.com, ce sont 35% de futurs expats, 40% d’expats et 25% d’émigrés et binationaux