Tourisme durable

Le vrai Groenland d’Idrissia

23 Janvier 2024 - Conservation / Initiatives / Nature / Voyagistes

Le grand Nord attire les foules à mesure que fondent les glaces. Frappée par le développement du tourisme de masse au Groenland, une spécialiste de la destination tente de renouer avec la tradition des chiens de traîneau en perdition et avec une découverte plus respectueuse de l’île par les voyageurs.  

 

Les icebergs du Groenland s’amenuisent d’année en année ©Koen Swiers Pexels.com

 

Idrissia Thestrup se souvient d’un événement marquant qui remonte à quelque temps. Cette année-là au Groenland où elle vivait, la neige n’était pas au rendez-vous en décembre. “En décembre ! C’était inouï, vraiment anormal”, s’exclame la jeune femme qui estime que beaucoup de Groenlandais ont alors vraiment pris la mesure du réchauffement climatique dans leur île polaire. Car le manque de neige et la diminution de la glace ont des conséquences directes sur la chasse et la pêche, qui constituent une bonne partie des revenus des Inuits. Comme ils modifient tout l’écosystème de ce territoire mythique.

Selon les scientifiques, les températures du Groenland se réchauffent quatre fois plus vite que dans le reste du monde depuis une quarantaine d’années. Sous l’effet également de la hausse de température des courants océaniques, la fonte des glaciers comme de la calotte glaciaire recouvrant 80% du territoire de l’île entraîne une élévation du niveau de la mer dans le monde entier.

Il faut désormais aller bien plus loin pour la chasse et la pêche, plus au nord de l’île, et ces changements climatiques augmentent considérablement le coût du trajet en traîneau à chiens, traditionnellement utilisé pour ces activités, comme pour transporter du matériel, ou encore pour le tourisme. - Idrissia Thestrup
 

Idrissia Thestrup est française, elle a vécu dix ans au Groenland et entend promouvoir un tourisme raisonnable sur l'île ©Pascal Falcone


 

 

Un boom déplaisant du tourisme

 

En dix ans de vie au Groenland, cette Française, qui vient de créer une petite agence de tourisme durable, Lost Horizon, a vu décliner la population de chiens de traîneaux, délaissés au profit du scooter des neiges. Des engins qui polluent et génèrent des conflits avec les mushers, les propriétaires d’attelages de chiens, parce qu’ils utilisent les mêmes pistes et les dégradent.

Idrissia était aussi aux premières loges à Visit Greenland, l’agence gouvernementale du tourisme, pour assister au boom de la fréquentation touristique, en particulier celle de croisières déversant quelque 3000 passagers à la fois dans de petites villes ou des villages faiblement peuplés.

 

Musher avec son attelage ©Pascal Falcone

 

Le port de Qaqortoq au sud de l’île, par exemple, compte 3000 habitants" souligne-t-elle. Pollution, surpopulation, comportements erronés des touristes... “L’intérêt accru pour le Groenland dans les médias, dû au changement climatique, n’a pas que des effets bénéfiques“. En 2023, quelque 700 paquebots ont ainsi débarqué à Nuuk, la capitale, ou dans les autres ports du Groenland entre avril et octobre.

 

Une autre façon de voir la neige
 

Pourtant, assure la jeune femme, un tourisme plus impliqué, loin de ces géants des mers, est susceptible de relancer le métier de musher et le retour des chiens de traîneau, et de faire découvrir de façon plus authentique l’île et ses habitants. Les déplacements en traîneau peuvent offrir aux jeunes locaux, tentés par l’exode vers le Danemark, la perspective d’une activité économique, de surcroît cohérente avec la lutte contre le réchauffement.

 

Maison inuit - la densité de population au Groenland est de 0,03 habitant par kilomètre carré ©Pascal Falcone

 

À cet effet, Idrissia propose à ses voyageurs de parrainer un chien, et prévoit de créer un fonds de soutien aux mushers les plus isolés, au nord du cercle arctique. Une partie de l’argent du voyage servira aussi à financer des aides aux Groenlandais qui doivent se déplacer en avion au Danemark pour leurs soins, car l’île manque cruellement d’infrastructures médicales.

Mais, et Idrissia insiste sur cet aspect, les touristes qui l’accompagneront seront préparés à respecter un code de conduite. Pour que la destination polaire ne soit pas qu’une photo souvenir mais une aventure à la rencontre des Inuits et d’une nature fragile.

 

Pour en savoir plus :
Contacter Idrissia Thestrup : it@losthorizon.dk
Son site internet : Lost Horizo

Aurore boréale au Groenland ©Rebecca Gustafsson VisitGreenland
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