Il est venu le temps où l’envie de s’envoler pour le bout du monde pose question. Aspiration à préserver l’environnement, respecter les populations locales mais aussi désir de profiter davantage de la famille, de prendre son temps et de découvrir le terroir français. Dans ce contexte, l’idée naissante des micro-aventures à quelques heures de chez soi fait son chemin et rencontre un vif succès. Direction le Vercors pour tester le concept lors d’un week-end découverte en ski de randonnée.
Les destinations blanches ne manquent pas à l’appel dans les catalogues d’agences touristiques mais inutile de faire des heures de trajet pour se retrouver face à une belle carte postale car la plus grande réserve naturelle de France se trouve à quelques encablures de Valence. Alors un billet de train dans la poche, le sac à dos et les lunettes de soleil sur le nez, l’aventure made in Vercors peut commencer.
David Praire, le guide affuté sera le compagnon de route car le Parc naturel régional du Vercors est très grand et il est facile de s’y perdre. Situé entre Isère et Drôme, c’est un vaste massif de moyennes montagnes activement préservées, où se mêlent avec harmonie agriculteurs, randonneurs et animaux sauvages. Un bel écrin de verdure qui vire au blanc immaculé l’hiver, pour le plus grand bonheur des skieurs.
L'expédition, même si elle est de courte durée, doit bien se préparer car une fois parti sur les skis, point de supermarché ! Le ravitaillement pour trois jours est minutieusement empaqueté dans les pulkas, ces luges bâchées qui seront tirées à tour de rôle. Il est donc nécessaire de ne pas trop les alourdir et le guide vérifie bien qu’il n’y ait que le strict nécessaire : le réchaud, les duvets, les vivres et l’apéritif pour se réchauffer le soir.
Départ depuis la station du col du Rousset pour chausser les skis de randonnée nordique sans “frein” sous les spatules. En effet, différence entre le ski alpin et celui-ci, appelé aussi ski de montagne, le randonneur n’utilise pas de remontées mécaniques car il se promène en pleine nature et non dans les stations équipées de téléskis ou de télésièges, voire de cabines. Ainsi pour gravir les pentes, attacher un morceau de tissu sous les skis, nommé “peau de phoque” en mémoire de son origine historique, permet de ne pas glisser en arrière. Et pour descendre, ne pas oublier de les enlever bien évidemment !
C’est parti pour la mythique traversée du désert blanc français. Aussitôt, une sensation de liberté vous envahit avec seulement ce doux bruissement de la neige sous la glisse de cette méharée polaire. Déconnexion totale, aucun réseau, aucune nuisance, le vrai repos, même si la pulka se fait sentir. L’avancée à travers les plaines est cadencée, soutenue dans les montées mais si plaisante dans les descentes. Les fous rires tutoient les sapins enneigés tandis que les mouflons encouragent à l’effort car derrière chaque vallon se dévoile un nouveau réconfort de beauté absolue.
D’ailleurs le moment est venu de la pause déjeuner, au milieu de nulle part, pour savourer de bons produits locaux, pâté, saucisson et salade maison. Un esprit sain dans un corps sain, en harmonie avec l’environnement. Les batteries sont rechargées et après trois heures de plaisirs intenses, le refuge du Pré-Gandu se dévoile sur les hauts plateaux pour une soirée chaleureuse autour du feu. La neige fond dans la casserole, les frontales jouent aux ombres hivernales, l’odeur de soupe titille les papilles et la fierté de la journée accomplie se lit sur les visages rougis de bonheur.
Lever de bonne heure et de bonne humeur, la grande étape de la journée se dessine sur la carte et les muscles endoloris se remettent vite en jambe pour ne pas refroidir. Les petits chemins forestiers sous les sapins font place à de grandes plaines qui laissent entrevoir des montagnes au loin. Les pulkas se délestent au fur et à mesure et le style est moins hésitant qu’aux premières heures. La caravane se régale et respire à pleins poumons ce bon air.
Deuxième nuit en refuge, toujours la même ambiance, même si demain sera le dernier en communauté. Réveil avant le soleil pour un départ à la frontale, histoire de finir cette boucle entre le Grand Veymont, le mont Aiguille et le parking où attendent sous la neige les voitures. Dernières glissades, seuls au monde comme si le Vercors avait pris la nationalité norvégienne. Et là, derrière un énième sapin tout de blanc vêtu, un panneau indique le parking de la station comme un mirage survenu sans prévenir.
Le retour à la civilisation est brutal alors que trois jours avant, l’équipée sauvage était là, à se chausser pour une virée anecdotique entre amis. La petite randonnée s’est transformée en aventure exceptionnelle au bout du monde... et tout cela à quelques heures de la capitale ! Mission accomplie.