Après l’extraordinaire succès de Petit Pays, le célèbre écrivain et musicien franco-rwandais nous enchante d’un nouveau roman : Jacaranda. L’occasion de partir au Rwanda sur les traces de son histoire et de celle du “pays des mille collines”.
Jacaranda, c’est le nom de cet arbre tropical aux fleurs parfumées de couleur mauve. Ils sont nombreux dans Kigali et viennent contraster avec les routes de béton ou de terre rouge de la capitale. Jacaranda est aussi le mot préféré de Gaël Faye et le titre de son nouveau roman couronné du Prix Renaudot en novembre dernier. Comme un arbre flamboyant et majestueux dressé entre ténèbres et lumière, “Jacaranda” célèbre l’humanité.
La petite histoire dans la grande Histoire
En 1994, les images effroyables d’un conflit sanglant dans un lointain pays africain envahissent nos écrans. A cette époque, qui connaît le Rwanda ? Si ce n’est peut-être à travers l’histoire de Dian Fossey, la primatologue dont la passion fut retracée par le film “Gorilles dans la brume “ en 1988. Personne ne sait ce qu’il se déroule là-bas, dans ce petit pays de l’Afrique des Grands Lacs, qui depuis des décennies voit le début de l’exil d’une partie de sa population, les Tutsis, vers les pays limitrophes.
C’est dans ce contexte que Gaël Faye naît au Burundi en 1982, d’une mère rwandaise, et d’un père français. Echappant à la tragédie sanglante, le jeune métis débarque à 13 ans en région parisienne, découvre une contrée grisaille bien loin de ses souvenirs d’enfance et se réfugie dans les mots et la musique grâce au hip-hop et au rap. Gaël Faye grandit entre deux cultures, porte un silence et héritage dramatique. Dans “Petit Pays”, on s’était laissé retomber en enfance et emporter dans cette impasse fleurie de bougainvilliers de Bujumbura. Son enfance au Burundi, avec les ambiances, les paysages, les sentiments, au travers des odeurs, des sons, des lumières faisaient place petit à petit à l’horreur de la guerre et des violences sans nom.
Dans son deuxième roman, on le retrouve au Rwanda, revenant sur l’histoire d’un pays et d’une famille largement inspirée de la sienne. Le narrateur plonge dans le génocide des Tutsis et raconte l’histoire de sa mère. Le devoir de mémoire se fait à travers quatre générations. Celle de l’auteur, ces enfants de 1994, qui ne comprenaient pas ce qui se passait et qui se sont retrouvés exilés ; celles de leurs parents et grands-parents, qui ont perdu une grande partie de leurs familles, et celle des enfants nés après 1994, qui portent la mémoire traumatique en héritage. On ne le sait peut-être pas, mais le Rwanda n’est pas seulement un petit pays, c’est un pays jeune, avec près des trois quarts de sa population née après le génocide.
Passeur de mémoire
Au silence des traumatismes, Gaël Faye répond par les mots, avec une écriture sobre, efficace, sensible. Jacaranda a une vertu didactique et réparatrice pour nous faire comprendre autant que possible ce conflit sanglant et ses conséquences. Au fil des pages, on réfléchit, on s’émeut, on apprend. Le récit dessine le dernier siècle de l'histoire du Rwanda, des racines coloniales du génocide jusqu'à ses conséquences aujourd'hui. De Kigali au lac Kivu, il nous emmène dans un pays où les stigmates de la guerre sont partout visibles, où l’on juge les génocidaires et où l’on commémore les victimes.
Comme son personnage Milan, à mesure de ses séjours au Rwanda, Gaël Faye passe progressivement d'une posture d'étranger que tout surprend, et qui lui vaut d'être traité en muzungu en “Blanc” malgré son teint métissé, à celle d'un véritable enfant du pays. Un pays où il ne cesse de reconstituer l’histoire familiale, pour mieux rencontrer un peuple en quête d’ancrage et de réconciliation. Installé à Kigali en famille, et très actif dans le Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda fondé par ses beaux-parents, Dafroza et Alain Gauthier, il participe à la reconstruction d’un pays où cohabitent aujourd’hui les descendants des Tutsis et des Hutus réunis sous la seule identité rwandaise.
Découvrez le documentaire "Le Rwanda, au pays des mille collines" :