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Le fabuleux destin d'Alexandra David-Néel

11 Mai 2017 - Actualité / Evénement / Portrait
Pour tous les aventuriers modernes, Alexandra David-Néel est ce modèle infatigable de femme éprise de liberté. Le Musée Guimet lui rend hommage avec l’exposition « Alexandra David-Néel : Une aventurière au musée », jusqu’au 22 mai.

À travers de nombreux récits, cette orientaliste de terrain a su transmettre les fondements du bouddhisme tibétain aux sociétés occidentales. Le chemin d’Alexandra vers la sagesse ne fut pas de tout repos. « Tibet en tête » et sans jamais renoncer, cette femme hors du commun a poursuivi son éveil. Retenez 10 moments clés de la vie extraordinaire de la plus grande exploratrice du XXe siècle.

 

Alexandra David-Néel
Alexandra David-Néel © Arthaud

 

 

"Marche comme ton cœur te mène et selon le regard de tes yeux"

 

 

Eugénie, future Alexandra, est née à Saint-Mandé en 1868 d’un père français et d’une mère belge aux origines scandinaves et sibériennes. Avec ce verset de la Bible comme devise, elle tente de s’émanciper d’un milieu familial dénué de douceur et d’affection. À 15 ans, elle s’enfuit en Angleterre.
 
Elle tente à nouveau de s’échapper deux ans plus tard. Elle fugue en direction de la Suisse et de l’Italie, en franchissant à pied le col du Saint-Gothard. La voilà déjà prédestinée aux longues marches à venir. En 1890, elle entreprend son premier grand voyage en Inde, en passant par l’île de Ceylan.
 
 

Anarchiste, curieuse, féministe, elle est aussi chanteuse lyrique

 

 

Pendant ses études à Londres, elle commence à s’intéresser aux philosophies orientales. En quête de vérité, elle s’intéresse à tout. Proche du géographe Elisée Reclus, elle développe progressivement ses convictions et rédige un essai si contestataire que personne ne veut le publier.
 
À Paris, c’est en visitant le musée Guimet que naît sa vocation d’orientaliste. Elle apprend le sanskrit et obtient également son premier prix de chant lyrique. Elle débute une carrière de cantatrice pendant plusieurs années en chantant à Hanoï, Paris ou Athènes.
 
 
Alexandra David-Néel, cancatrice à Tunis
Alexandra, cantatrice à Tunis © Maison ADN

 

 

Directrice artistique du Casino de Tunis

 

Son parcours étonnant la mène à Tunis où elle rencontre son futur époux : Philippe Néel. Ils se marient en 1904, après l’approbation du père d’Alexandra.
 
 
Lettre de Louis David à Philippe Néel : 
 
Monsieur Néel,
Votre lettre m’a causé un profond étonnement. Jusqu’à ce jour, ma fille avait manifesté sa ferme volonté de ne jamais aliéner sa liberté et elle protestait à chaque instant contre l’état d’infériorité que la loi impose à la femme dans tous les actes de sa vie après son mariage. 
Aujourd’hui votre demande me ferait croire qu’elle a fortement modifié ses idées.
S’il en est ainsi, Monsieur, je ne vois pas de raison pour vous refuser mon consentement…
 
 

À 43 ans, elle part pour un long voyage…

 

En 1911, Alexandra ne peut se résigner à sa vie de femme mariée et annonce à son mari son départ en Inde pour continuer ses recherches pendant 18 mois. Elle ne reviendra que 14 ans plus tard.
 
Tous deux entretiendront une correspondance jusqu’à la mort de son mari en 1941, avec plus de 3000 lettres échangées.
 
 
Alexandra David-Néel photographiée au studio de Calcultta en 1924
Alexandra David-Néel photographiée au studio de Calcutta en 1924 

 

 

Rencontre avec le 13ème Dalai Lama à Kalimpong

 

Pendant ses années de recherche et de retraite au Sikkim, dans le nord de l’Inde, elle rencontre Aphur Yongden, son jeune serviteur qui deviendra son fils adoptif. Elle obtient également une audience avec le 13ème Dalai Lama à Kalimpong. Elle continue son rude travail solitaire pendant plus de deux ans à 4000 m d’altitude.
 
 
Alexandra devant son ermitage au Sikkim
Alexandra devant son ermitage au Sikkim © Maison ADN

 

 

Elle se déguise en mendiante pour entrer dans Lhassa

 

Sa détermination s’intensifie et la marche vers le Tibet interdit débute avec Yongden. C’est depuis la région du Yunnan en Chine que commence le périple jusqu’à Lhassa. L’aventure de 2000 km est épique et difficile. Prise dans une tempête de neige, l’équipée est contrainte de manger le cuir de ses bottes pour assouvir sa faim.
 
Le 28 février 1924, Alexandra a alors 56 ans lorsqu’elle entre dans Lhassa proclamant : "Lha Gyalo" (les dieux ont triomphé). Aujourd’hui les trekkeurs chantent ces mots lorsqu’ils franchissent un col dans les montagnes himalayennes.
 
 
Alexandra et Yongden devant le Potala à Lhassa en 1924
Alexandra et Yongden devant le Potala à Lhassa en 1924 © Maison ADN


 

Grande amoureuse du Tibet

 

Aujourd’hui, le Tibet n’est plus celui d’Alexandra. Mais quelle que soit sa situation géopolitique, le Tibet demeure un rêve. Il n’a pas fini de hanter les esprits, ce pays des neiges.
 
Extrait de « Voyage d’une Parisienne à Lhassa » :
« Pendant des jours, nous marchions dans la demi-obscurité d’épaisses forêts vierges, puis, soudain, une éclaircie nous dévoilait des paysages tels qu’on n’en voit qu’en rêve. Pics aigus pointant haut dans le ciel, torrents glacés, cascades géantes dont les eaux congelées accrochaient des draperies scintillantes aux arêtes des rochers, tout un monde fantastique, d’une blancheur aveuglante, surgissait au-dessus de la ligne sombre tracée par les sapins géants. Nous regardions cet extraordinaire spectacle, muets, extasiés, prêts à croire que nous avions atteints les limites du monde des humains et nous trouvions au seuil de celui des génies. »
 
 
Carnet d'Alexandra David-Néel exposé au musée Guimet
Carnet d'Alexandra David-Néel exposé au musée Guimet © Clémence Bertholon


 

En 1937, elle embarque à bord du Transsibérien

 

De retour en France en 1925, elle s’installe pendant une dizaine d’années à Digne-les-Bains, dans les Alpes de Haute-Provence. Elle travaille sans cesse, donne des conférences, écrit les récits de son aventure et partage autant que possible son expérience.
 
Nomade dans l’âme, elle repart en Chine en empruntant le Transsibérien. La seconde guerre mondiale éclate, elle restera en Chine avec Yongden pendant 9 ans.
 
 
Alexandra David-Néel et Yongden
Alexandra David-Néel et Yongden
 
 
« Je crois que cela m’a toujours été et me serait, plus que jamais, pénible de demeurer quelque part. Drôle et inconcevable idée qu’ont les gens de s’attacher à un endroit comme des huîtres à leurs bancs, quand il y a tant à voir de par le vaste monde et tant d’horizons à savourer. »
 
 

À 82 ans, elle part camper en plein hiver au lac d’Allos à 2240 m

 
 
En 1946, elle rentre à Digne, son « Himalaya pour lilliputiens ». Elle écrit du matin au soir, malgré son âge avancé, elle travaille 16 heures par jour. Lorsque des visiteurs viennent lui demander des conseils, ses réponses sont toujours teintées de sagesse et d’autorité. Yongden meurt en 1955 et Alexandra se retrouve seule.
 
 
Alexandra à 100 ans
Alexandra à 100 ans © Maison ADN

 

 

Elle renouvelle son passeport à l’âge de 100 ans

 

À la fin de ses jours, elle fut accompagnée par Marie-Madeleine Peyronnet. Cette femme loquace surnommée « tortue » s’occupe d’elle et de sa maison pendant une dizaine d’années. Avec comme projet d’effectuer un tour du monde en 4cv ensemble, Alexandra met à jour ses papiers d’identité.
Elle décède peu de temps après, en septembre 1969, à presque 101 ans. Ses cendres et celles de Yongden valsent désormais dans le Gange.
 
 
Ne manquez pas de découvrir cette exploratrice hors norme à l’exposition « Alexandra David-Néel : Une aventurière au musée », jusqu’au 22 mai au musée Guimet.
 
 
Plus d’informations :
 
Maison Alexandra David-Néel à Digne-les-Bains : http://www.alexandra-david-neel.fr
 
Priscilla Telmon, une jeune exploratrice française, est partie en 2004 sur les traces d’Alexandra David-Néel :