
Au cœur de la jungle colombienne, dans la Sierra Nevada de Santa Marta, une randonnée mène à la Ciudad Perdida. Elle s'impose de plus en plus comme un incontournable, en Amérique du Sud.
Perdue pour les envahisseurs venus de l'autre côté de l'océan, mais pas pour les Indiens qui ont toujours connu l'existence de ces ruines emmitouflées de jungle. Et ils se sont bien gardés d'en révéler l'existence. Ce n'est qu'en 1976, que l'homme blanc « découvre » le site quand deux pilleurs de tombes qui remontaient le Buritaca, tombent complètement par hasard sur d'intrigantes marches de pierre partant à l'assaut de la montagne. Le cœur battant la chamade, ils suivent le formidable escalier qui les mène, ahuris et pantelants, jusqu'aux vestiges d'une cité tayrona abandonnée au XVIIème siècle.
Étagé entre 900 et 1200 mètres d'altitude, le site se présente comme une succession de plateformes, vestiges de maisons ou de centres cérémoniaux, reliées par de petits chemins dallés. Teyuna semble avoir été habitée depuis au moins le VIIème siècle. Seuls 40% des vestiges ont été mis à jour.
Des escaliers et des plateformes dans la jungle
Ces mêmes marches, couvertes d'une pellicule de mousse traîtresse, sont toujours l'unique moyen d'accès. Des types, dont c'est probablement le métier, se sont amusés à en compter plus de deux mille. Ruisselant de sueur, ahanant comme un bœuf au labour, on parvient aux premières terrasses où une escouade de bidasses en mal de compagnie vous souhaite la bienvenue. Les malheureux, en poste depuis 5 mois, guettent la relève. Ils vous empoignent les mains comme s'ils retrouvaient de vieux copains d'enfance.
Comment c'est la vie ici ? « Mucho duro » avoue dans un souffle le sergent natif de Bogotá. Ces pieds-tendres font bien rigoler Septimo, le gardien du site, en place depuis 18 ans. Ce que redoute le plus Septimo ? Les fourmis auxquelles il a déclaré la guerre à grand renfort de produits chimiques. En creusant leurs galeries sous les esplanades, ces bougresses les déstabilisent et font vaciller les pierres.
Dans un extraordinaire décor de fougères arborescentes et de palmiers tagua, les archéologues ont dégagé les terrasses qui jadis supportaient les maisons tayronas. Ils ont restauré sans mortier ces soubassements circulaires et ont ainsi reconstitué la structure de la ville telle qu'elle était quand ses 2 000 habitants l'ont progressivement abandonnée suite aux épidémies de variole, typhus et autres rubéoles charriées par les Espagnols.
Les Tayronas qui, suite à cet exil, se scindèrent en plusieurs peuples - dont les principaux sont devenus les Kogis, Wiwas, Aruacos – ne juraient que par les courbes, les sinuosités, ménageant de grands espaces entre les édifices ronds, aux antipodes de notre urbanisation quadrillée de lignes droites et de perpendiculaires, où l'espace se doit d'être occupé au maximum.
Là-bas, sous les larges feuilles des yagrumos, un petit sentier étouffé par la verdure s'enfonce à flanc de montagne en direction d'El Tigre, une autre cité encore plus perdue, à 4 heures de marche et qui n'a pas encore été dégagée. Il y aurait ainsi 25 autres villages disséminés dans la vallée du Haut Buritaca sous un épais manteau de forêt. On aurait presque envie de continuer, machette à la main.
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