Qui aurait imaginé que l’ensemble des débats qui sourdaient liant transport aérien et changement climatique, compensation carbone et réduction de nos déplacements soient balayés, un jour, par un minuscule virus invisible clouant au sol les flottes aériennes du monde entier ?
Incolore, inodore, invisible, le coronavirus continue son impressionnante et tragique progression. Tout en nous révèlant des mondes oubliés... Ici, un ciel bleu. Là, un chant d’oiseau. Et ce silence lourd, pesant, telle une question en suspens qu’il faudra bien se poser une fois passée la tornade passée : et si l’on repensait aussi nos façons de voyager ?
Peut-on encore prendre l’avion aujourd’hui ? ©ap
À force de trotter, courir, voler, la machine s’est enrayée, retombant au sol sans un bruit. Finies nos vies accélérées, nos horloges battant la mesure, nos agendas surchargés. Brusquement, tout s’est arrêté. Place au vide, à l’espace, au silence. À Wuhan, où tout a commencé, les habitants n’avaient quasiment jamais vu de ciel bleu, ni imaginé leur ville autrement que saturée et résonnant de mille bruits…
Il faut croire que l’on s’habitue à tout, aux pollutions visuelles, sonores, olfactives et à bien d’autres nuisances encore. De la même manière que l’on avait pris le pli de vivre vite, enfourchant un avion pour le moindre déplacement, nous voici réduit à vivre autrement, confiné, contraint, laissant la terre à tous ceux que l’on avait oublié, quand les oiseaux se remettent à chanter et que la faune et la flore s’ébrouent, comme réveillés d’un mauvais rêve.
Grands hôtels et tours de la Chine de demain à Shanghai @GC
Il n’y a pas de changements sans sacrifices et la période douloureuse que nous vivons laissera forcément des traces profondes en chacun d’entre nous. Mais face à cet électrochoc viral, on peut aussi noter quelques enseignements porteurs d’espoir.
Sur le front du climat par exemple, de nombreuses images réalisées par la NASA pointent du doigt la chute spectaculaire de la pollution avant et après le confinement. D’après un article paru le 2 mars dans le Huffington Post, « En Chine, les taux de dioxyde d’azote étaient supérieurs à 500 µmol/m2 en janvier, puis inférieurs à 125 µmol/m2 en février. »
Une étude finlandaise précise également que la Covid19 aurait réduit les émissions de CO2 de l’empire du milieu d’au moins un quart entre le 3 et le 16 février, une baisse équivalente à 6% des émissions mondiales sur cette période.
En France, à Paris, Airparif a évalué l’impact du confinement sur la qualité de l’air entre le 6 et 20 mars dernier et a noté une nette diminution des oxydes d’azote et du dioxyde de carbone (CO2), soit une amélioration de la qualité de l’air de l’ordre de 20 à 30 % dans l’agglomération parisienne. Une excellente nouvelle pour la qualité de l’air mais aussi pour le climat.
Carte créée à partir des données du satellite Sentinel-5 de l'ESA montrant les concentrations de dioxyde d'azote en Chine ©NASA
De nombreux dessins humoristiques font le tour des réseaux sociaux ces jours-ci, l’un d’eux montre un écureuil, un lapin, un cochon et un cerf sautant de joie dans un pré, hurlant à qui mieux mieux… « Ils sont confinés ! Ils sont confinés !… ».
Au cœur des grandes villes, c’est de fait un véritable ballet d’oiseaux, de pigeons et parfois même d'animaux sauvages qui semblent s’être réappropriés la ville.
Et puis, il y a ces nouvelles mesures, comme celle prise par Pékin en février dernier annonçant l’interdiction complète du commerce et de la consommation d’animaux sauvages suite à la suspicion d’une origine animale de l’épidémie de Covid-19. En effet, ce dernier aurait été transmis par le pangolin, petit mammifère menacé car très prisé pour sa chair mais aussi ses écailles, utilisées dans la pharmacopée chinoise. Dans un pays où la consommation d’animaux sauvages est légion, cette décision pourrait aider tous ceux qui luttent contre les trafics d’animaux sauvages, d’autant que d’après le Fonds Mondial pour la Nature (WWF), ce trafic est estimé à plus de 15 milliards de dollars par an au niveau mondial.
Randonnée dans le Vexin @GClastres
On reprend son rythme, son train, son avion ? On rattrape le temps perdu et on saute dans le premier Boeing venu à l’abordage de nouveaux mondes ? Ou alors, on se pose, on réfléchit et on invente de nouvelles recettes pour vivre ensemble sur le même bateau, la même terre, puisque l’on a bien vu que nous étions tous reliés...
Peut-on espérer qu’il y ait un avant et un après Covid-19, que l’on ait su entendre d’autres échos, d’autres sons, d’autres voisinages ? L’idée n’est évidemment pas de ne plus voyager mais peut être de voyager autrement, moins loin, moins souvent, plus longuement lorsque l’on est à l’autre bout du monde, plus lentement aussi. Car que souhaitons-nous pour nous-mêmes, nos enfants, nos proches ? Un monde qui va toujours plus vite, plus fort, au risque de s’effondrer d’une façon ou d’une autre dans un futur qui se rapproche, ou un monde plus raisonné, qui sait entendre et écouter au-delà des messages alarmistes et des psychoses ambiantes ?
À l’heure où nous sommes tous déjà touchés par un virus pris dans les mailles de la mondialisation et de la surinformation, pourquoi ne pas essayer d’en profiter pour entrevoir d’autres réalités, d’autres façons de partir à la rencontre du monde. Des semaines de confinement sont en train de nous démontrer qu’il y a mille et un voyages possibles. En Chine, Laozi l’avait écrit il y a bien longtemps déjà : « Le sage connait sans voyager, comprend sans voir, œuvre sans faire »….
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