Tourisme durable

Ladakh : lutte pour le climat dans l’Himalaya

07 Novembre 2024 - Actualité / Initiatives / Nature / Préservation

Dans l'extrême nord de l'Inde, coincé entre le Pakistan et la province autonome du Tibet, le Ladakh est un endroit à part. C’est l'un des derniers refuges de la culture tibétaine en terre libre. C’est aussi un territoire aride de haute altitude écologiquement fragile et en pleine mutation. 

Femmes du Zanskar © Sandee Pachetan Flickr CC

 

Une lumière pure, des paysages lunaires splendides, des déserts et des rivières aux eaux turquoise, d’immenses montagnes pelées et rocailleuses, des oasis verdoyantes en fond de vallée… Et des monastères bouddhistes perchés sur des éperons rocheux entre pics enneigés et lacs d’altitude. Dans ce décor somptueux, habitent un peuple encore très attaché à ses traditions ainsi que de nombreux nomades qui vivent au rythme des saisons avec leurs troupeaux de yacks et de chèvres. Mais pour combien de temps ?


Menace climatique sur le Toit du monde

La région subit de plein fouet les effets de la crise climatique mondiale : les chutes de neige se réduisent, les glaciers reculent, les sécheresses, températures extrêmes et inondations se multiplient. L’ingénieur ladakhi Sonam Wangchuk est connu en Inde comme un activiste climatique engagé dans la défense de son territoire himalayen. Passionné par les énergies renouvelables, il a créé un centre de formation unique au Ladakh – SECMOL - ainsi qu’un système vertueux de récupération d’eau pour irriguer les cultures. Ses célèbres glaciers artificiels, baptisés stupas de glace, servent de réserves hydriques durant la saison sèche.
 

Aujourd’hui, si on parle beaucoup de Sonam Wangchuk, notamment sur les réseaux sociaux, c’est qu’il multiplie les actions pour alerter sur l’avenir du Ladakh. Depuis 2019, la région est directement placée sous l’autorité de Delhi. Les Ladakhis s’inquiètent et demandent que la terre, l’emploi et l’identité culturelle du Ladakh soient protégés et que la région puisse avoir une plus grande autonomie. Wangchuk propose de réduire les activités humaines, de limiter le développement et l’exploitation industrielle et d’adopter un mode de vie durable, comme le faisaient les habitants du Ladakh jusque dans les années 2000. Mais c’est tout le contraire qui est à l’œuvre actuellement.

 

Sonam Wangchuk © TED GOA

 



Frénésie de construction et tourisme domestique de masse


Le boom du tourisme au Ladakh coïncide avec l'essor rapide de la classe moyenne indienne couplé au succès du film Bollywood Three Idiots, avec Amir Khan, mettant en lumière les paysages himalayens et entraînant un afflux de touristes venus se photographier sur les lieux emblématiques de la comédie. Les années Covid ont accéléré les choses avec encore plus d’Indiens en voyage dans leur propre pays. 
 

Hunder dans la Nubra © Unsplash 

 

On estime que plus de 400 000 personnes ont voyagé au Ladakh en 2022, près de deux fois la population de la région. Cette fréquentation exerce une pression énorme sur des ressources déjà fragilisées et génère une masse de déchets considérable. Plus loin, le gouvernement indien construit de nouvelles routes pour acheminer rapidement les troupes dans cette région très militarisée proche des frontières chinoises et pakistanaises. A près de 5 000 mètres d’altitude, des files de camions crachent leur fumée noire en rejoignant les régions les plus reculées du pays.
 

La marche de Leh vers Delhi © Jigmat Paljor - Sonam Wanchuk Social Media 

 

En mars dernier, Sonam Wangchuk commence une grève de la faim, accompagné par des milliers de personnes, des moines, des jeunes, des vieux. Leur but : interpeller le gouvernement central sur l’écologie et les droits politiques. Sans réponse, le voilà reparti début septembre pour une marche pacifique de près de 1000 km depuis Leh, sa ville natale, jusqu’à New Delhi, pour tenter à nouveau de se faire entendre, mais en vain.
 

Dans les gorges de l’Indus © François Combes 


Depuis début octobre, il a entamé une nouvelle grève de la faim aux portes du pouvoir. Tous les jours, l’activiste très médiatisé publie des vidéos pour continuer à informer et sensibiliser sur la situation actuelle de cette région himalayenne en proie à plusieurs menaces : le dérèglement climatique, le surtourisme et le développement économique non contrôlé.


Si vous vivez simplement dans les grandes villes, nous, dans les montagnes, on pourra vivre, simplement - Sonam Wangchuk