Faire découvrir la Grèce autrement, en mer ou sur terre, un défi que relève avec brio Panagiotis Grigoriou. Ethnologue, historien, chercheur, analyste des réalités contemporaines, Panagiotis Grigoriou multiplie les casquettes pour décrypter son pays. Depuis avril 2015, ce goût pour le partage des connaissances s’est également matérialisé par la création d’une petite agence réceptive, Greece Terra Incognita. L’occasion de sillonner les routes moins fréquentées par les touristes, tout en profitant des éclairages de ce guide pas comme les autres, aussi à l’aise sur l’histoire que sur le monde contemporain.
Des routes terrestres au « think tank flottant »
Aussi à l’aise en mer que sur terre, Panagiotis Grigoriou a eu envie d’allier ses passions – la voile, l’enseignement, ses terres d’origine - pour poursuivre ses différentes activités autrement. Ou plutôt, ses nombreux lecteurs ont eu envie de poursuivre l’aventure en suivant l’homme sur son terrain de prédilection….
« J’ai enseigné dans le secondaire en région parisienne pendant dix ans. Ensuite, j’ai mené des recherches sur l’entre-deux guerres dans les Balkans et en Grèce. Je publie également un blog politique sur la crise grecque. À un moment, les gens qui me connaissaient via le blog ont voulu que je leur propose mes services d’ethnologue et d’historien sur place. Ils connaissaient la Grèce mais voulaient revenir avec moi. De fil en aiguille, l’idée est née ».
Créée en 2015, Greece Terra Incognita s’appuie totalement sur l’homme, avec le souhait de promouvoir un tourisme alternatif et réfléchi. Côté mer, Panagiotis Grigoriou, qui est aussi skipper, propose un périple en voilier hors des sentiers battus qui permet de découvrir les Cyclades ou le golfe Saronique (au sud d’Athènes) autrement mais aussi, à l’envi, de jeter un regard curieux et critique sur la façon dont le tourisme y est pratiqué.
Pour cela, il privilégie les îles les moins fréquentées et fait du voilier, partenaire de Greece Terra Incognita un véritable petit « think thank flottant ». Loin d’être austère, permet de présenter la Grèce en faisant la liaison entre l’antiquité et le monde d’aujourd’hui. Côté terre, il privilégie les terres de son enfance, Athènes, où il est né et a grandi mais aussi la Thessalie (Grèce centrale), où vit sa famille, et qu’il fréquente depuis toujours.
Athènes autrement
A Athènes, la visite consiste en une journée guidée de quatre ou six heures qui mêlent la découverte de sites historiques à des quartiers plus vivants, tel le quartier étudiant. Panagiotis peut alors alterner entre les éclairages sur l’histoire moderne et contemporaine, la mémoire, et la découverte des bistrots, des librairies, et autres lieux de vie fréquentés par les Grecs.
« Je m’adapte beaucoup à mes participants. Ainsi, s’ils le souhaitent, je peux parler de la crise, évoquer la guerre civile qu’a connue le pays après la deuxième guerre mondiale ou privilégier des rencontres particulières, avec un restaurateur historique, un grand compositeur, etc. Je connais très bien Athènes, où j’ai grandi, cette journée peut vraiment s’imaginer avec les clients. ».
Pour ceux qui le désirent, il est également possible d’ajouter une journée pour découvrir l’Attique. L’excursion se fait en voiture. Elle permet par exemple de voir le cap Sounion où se trouve le temple dédié à Poséidon mais aussi d’évoquer l’histoire minière et notamment les mines du Laurion, ces anciennes mines d’argent situées entre Thorikos et le cap Sounion. En face, l’île de Makronissos fut utilisée comme lieu de déportation des opposants politiques, principalement des communistes, pendant la guerre civile.
La Thessalie au-delà des Météores
Greece Terra Incognita propose aussi la découverte d’une région peu connue en Grèce, la Thessalie, où Panagiotis Grigoriou a achevé ses études au lycée, ses parents s’étant ensuite installés sur place. Il y décline quatre parcours, d’un minimum de trois jours, que les personnes intéressées peuvent choisir ou composer à la carte en fonction de leurs envies. Les Météores font partie des possibilités mais au-delà, il propose des balades en montagne, la découverte de villages typiques, parfois abandonnés, des promenades en forêt, la découverte de gorges, de sites naturels, d’églises paléochrétiennes mais aussi des découvertes gastronomiques.
« On se promène puis on fait une pause, on visite un village en plaine, un vignoble, et l’on voit comment vivent les gens avec leurs réalités et problèmes au quotidien. Il m’arrive de montrer les terres abandonnées du village où vivent mes parents, 30% des personnes l’ont quitté depuis la crise grecque… »
Pour ceux qui souhaitent aller plus loin, il est aussi possible de découvrir la forteresse de Trikala et sa vieille ville. Elle compte plusieurs musées intéressants et notamment un musée dédié à la musique populaire et au bouzouki, l’instrument traditionnel par excellence de la Grèce, dont Vassílis Tsitsánis, ayant écrit plus de 500 chansons et connu comme joueur de bouzouki particulièrement doué et ainsi illustre musicien, natif de la ville.
« Mon père, tout petit, dans les années 30, se souvient très bien de ce joueur de bouzouki. Il m’a raconté bien des anecdotes à son sujet, sans compter tout ce qui s’est passé ici pendant l’occupation et la guerre civile. Les partisans de la Grèce libre s’étaient basés dans la région. Beaucoup de mes clients s’intéressent à cette histoire parallèle et veulent comprendre ce qui s’est passé en Grèce pendant cette période. »
Vivre la Grèce buissonnière pour un tourisme mieux partagé
Pour l’heure, Greece Terra Incognita en est encore à ses débuts. Panagiotis accompagne la totalité des partants, mais il n’exclut pas de former ou de s’associer avec d’autres personnes lorsque sa nouvelle activité aura pris sa vitesse de croisière. Il n’en reste pas moins que l’homme souhaite avant tout garder une dimension humaine, privilégiant le contact avec les locaux, les immersions dans la nature et un tourisme respectueux des producteurs et du territoire qui puisse aider les régions moins fréquentées à trouver des revenus complémentaires. Il projette également d’acquérir un véhicule plus adapté, afin de proposer une prise en charge complète dans le futur, de l’accueil à l’aéroport au retour sur Athènes.
Parfois, mais seulement quand on le lui demande, il évoque son blog, « Greek Crisis », où il suit et commente au quotidien ces années noires que vit depuis cinq ans son pays. Ces portraits, ces histoires de tous les jours, c’est toute la richesse d’un homme cultivé, humaniste, qui donnera également aux voyageurs curieux la possibilité d’un voyage bien au-delà des images.