Dans l’imaginaire voyageur, Djerba se limite trop souvent aux hôtels-clubs. Dans un décor de carte postale, l’île tunisienne plantée à quelques kilomètres de la côte africaine est pourtant riche d’une histoire plurimillénaire… Djerba pourrait prochainement être inscrite sur la Liste du Patrimoine Mondial de l’Unesco : découverte !
Le paysage culturel de Djerba
À Djerba, l’occupation des sols parle d’elle-même : la zone touristique et ses dizaines d’hôtels tournent littéralement le dos au reste de l’île. Cette côte défigurée par le tourisme de masse est souvent le seul aspect de Djerba que connaîtront les voyageurs. À tort : en s’éloignant de ces quelques kilomètres carrés, le paysage culturel témoigne de l’interaction séculaire entre les Djerbiens et leur environnement.
Avec ses 514 km2, l’île de Djerba est un carrefour de commerce et un lieu séculaire d’installation de populations variées. La situation stratégique et sa plate topographie l’ont exposée à bien des convoitises. Un urbanisme exceptionnel s’y est développé du IXème au XVIIème siècle, guidé par un impératif de défense et la nécessité d’exploiter au mieux les rares ressources présentes. L’urbanisme y est dispersé et découpé en quartiers composés d’une série de menzel, ces aires de vie comptant habitation et espaces agricoles disséminées sur l’île.
L’ibadhisme est une seconde clé majeure de compréhension de la culture de Djerba. Cette mouvance de l’Islam prône la vertu du travail, les principes égalitaires et les qualités morales. Une assemblée de sages, les Azzabas, a longtemps organisé la vie religieuse et sociale des communautés djerbiennes. De nombreuses mosquées d’une grande pureté, spatialement isolées, sont réparties sur l’île. Les mosquées les plus anciennes remontent à la fin du VIIIème siècle.
Avec les multiples invasions jalonnant l’histoire de Djerba, les mosquées du littoral constituent une première ligne de défense à portée de voix les unes des autres et assurent un rôle primordial de surveillance et d’alerte. D’autres, fortifiées et d’allure massive, forment une seconde ligne de défense. Les mosquées de l’intérieur des terres, parfois souterraines pour servir de refuge, sont dédiées, en plus du culte, à l’enseignement et à l’organisation de la vie civique.
Naceur Bouabid, membre actif de l’Association pour la Sauvegarde de l’île de Djerba, témoigne : "Ce riche patrimoine associé à la qualité des paysages résultant de l’activité humaine, encore perceptible, mais vulnérable face aux mutations des temps actuels, se trouve dans l’obligation urgente d’être prémuni de la raréfaction, voire de la disparition, et sauvegardé comme une richesse culturelle à transmettre aux générations futures."
Espérons à ses côtés que l’inscription de Djerba au Patrimoine Mondial de l’Unesco aboutisse !
Djerba est une terre de tolérance : qu’ils soient autochtones berbères ou non, qu’ils soient athées, juifs, chrétiens ou musulmans, les habitants cohabitent pacifiquement, comme en témoignent des lieux de culture et de culte. La vie quotidienne elle-même est l’incarnation d’un vivre-ensemble réussi !
La culture a également été façonnée par l’économie composite et autarcique à l’origine de la prospérité de l’île : historiquement, les Djerbiens étaient à la fois agriculteurs, artisans tisserands ou potiers et pêcheurs. Si les fonctions de chacun sont désormais plus classiques, aller à la rencontre des artisans de Djerba est la meilleure manière de découvrir la culture insulaire.
Chadleya Ben Mahmoud est la seule potière femme de Djerba. Avec son mari Adel, ils sont des mémoires vivantes de cette culture insulaire. Adel est potier de père en fils et c’est pour lui une fierté de travailler aux côtés de sa femme. S’ils façonnent tous deux l’argile et le sable, seule Chadleya manie le pinceau pour dessiner les fins dessins berbères qui ornent les pièces uniques créées aujourd’hui encore dans la tradition djerbienne.
Le couple de potiers discute droits de la femme, culture berbère et rencontres avec les derniers visiteurs accueillis en amis, qu’ils soient ministres ou simples voyageurs. Avec de tels ambassadeurs, gageons que la culture djerbienne soit enfin reconnue de tous…
Pour en savoir plus :
- L’Association pour la Sauvegarde de l’île de Djerba : https://www.assidje.tn/
- Le service de renseignement touristique “Destination Djerba” : https://www.destination-djerba.com
- Le film de candidature de Djerba au Patrimoine mondial de l'Unesco (sous-titré en français)