
Katmandou, un nom évocateur, celui d’une ville mythique au pied du toit du monde. Tant de voyageurs l’ont traversée pour rejoindre les hauts sommets de l’Himalaya. Beaucoup en sont tombés éperdument amoureux. Aujourd’hui, la capitale népalaise est loin de l’image fantasmée du paradis perdu des années soixante. Et pourtant, elle est toujours d’une beauté étourdissante…
« Katmandou, c’était un véritable Shangri-La ! », nous lance avec une pointe de spleen un Anglais de 78 ans rencontré à notre arrivée à l’aéroport. Le nom de Shangri-La a été inventé par l’écrivain américain James Hilton dans les années 1930. Il qualifie un lieu imaginaire, isolé et entouré de merveilleux paysages, où le temps est suspendu dans une atmosphère de paix.
Située au cœur de la vallée du même nom, à environ 1300 mètres d’altitude, Katmandou est devenue en quelques décennies une ville de plus d’un million d’habitants. Un nuage de pollution la recouvre, mélange de poussière, de gaz d’échappement et de fumées des briqueteries environnantes. La brume, les vendeurs ambulants, le trafic, les klaxons, les bus surchargés qui semblent se renverser, tout est réuni pour un dépaysement immédiat. Sale ou polluée, peu importe, à peine le pied posé à Katmandou, nous sommes émus par l’accueil d’une foule cosmopolite.
Dans le quartier touristique de Thamel, le monde entier se retrouve. Des Népalais venus de toutes les vallées de l’Himalaya tiennent des échoppes proposant à peu près tout : du bol tibétain au selfie stick. Les étrangers en partance vers l’Himalaya déambulent hagards dans les ruelles encombrées, achètent des doudounes dernier cri et font le plein de barres céréalières. On s’échappe d’ici rapidement pour se faufiler dans les ruelles du centre historique de Basantapur.
Dans ce qui semble être à première vue un chaos de vieilles pierres, chaque endroit est imprégné de beauté et d’Histoire. En arpentant cette vieille ville, la magie de Katmandou opère. Les vendeurs de légumes s’installent au pied des temples, l’animation bat son plein, la ville est vivante ! Au moment où l’on pourrait se lasser de l’agitation permanente, nous déboulons par chance dans une petite cour au calme, accueillant seulement des autels, des temples, des statues et des drapeaux de prières colorés par-ci par-là. Les sculptures de Ganesh et Shiva laissent place aux effigies de Bouddha.
À quelques kilomètres à l’Est de la vieille ville, Bodnath est un site sacré incontournable de la capitale. Classé au patrimoine mondial de l’Unesco, le stupa géant est le point de ralliement de la communauté bouddhiste tibétaine. Les pèlerins marchent solennellement autour de l’imposant monument, dans le sens des aiguilles d’une montre, en faisant tourner les moulins à prières. Certains pratiquent la Kora, la circumambulation consistant à se prosterner et se relever à chaque pas. Les soirs de pleine lune, des milliers de Népalais et de réfugiés tibétains viennent allumer des lampes à beurre pour illuminer le sanctuaire.
Autour de cette place circulaire, les boutiques d’artisanat tibétain se succèdent. Les terrasses de restaurant offrent d’excellents lieux d’observation et servent les fameux momos, délicieux raviolis tibétains cuits à la vapeur. Pendant le déjeuner, nous faisons la rencontre de Norbu, un sherpa qui habite à quelques minutes de Bodnath, dans le quartier de Sukedhara.
Dans le langage populaire, le mot sherpa est employé pour désigner les travailleurs népalais qui accompagnent les expéditions himalayennes, notamment les porteurs. Les sherpas sont en réalité une ethnie montagnarde. Venus du Tibet au XVIème siècle, ils s’établirent au pied de l’Everest, dans la région du Solo Khumbu. Depuis les années 1950, ils sont associés à l’histoire de l’alpinisme himalayen. Aujourd’hui, beaucoup de sherpas, comme Norbu, sont installés à Katmandou et travaillent dans des agences de trekking. En regardant les pèlerins tournicoter les moulins à prières, il m’explique que le bouddhisme et l’alpinisme sont étroitement liés.
« Chomolungma, l’Everest en tibétain, est la montagne sacrée par excellence. Avant de partir en trek, on se fait bénir par des lamas, puis tout au long du voyage, on la respecte, et surtout on prie pour qu’il ne nous arrive rien ! »
Nous rions un moment, je lui dis que moi aussi je ferais bien une prière pour le bon déroulement de mon séjour : Katmandou, je suis venue à toi, je t’en prie, aime-moi !