
Avant de s’élancer sur le Kumano Kodo, le « vieux chemin de Kumano », sachez que c'est le seul chemin de pèlerinage qui soit classé au Patrimoine mondial de l’UNESCO avec Compostelle. Et comme à Compostelle, le pélerin doit tamponner son carnet à chaque étape. Nous empruntons l'itinéraire impérial qui rallie les trois sanctuaires Hongu, Nachi et Hayatama.
À Takijiri-Oji, point de départ de cette odyssée, le guide Tsujiuchi Hideji est repérable avec sa chasuble blanche, culotte bouffante prolongée par des bandes molletières, deux cordes enroulées autour de la taille, chapeau conique en bambou orné de calligraphies et petite peau de daim couvrant les fesses, histoire de les garder au sec lorsqu’il les pose dans l’herbe humide.
M. Shu, comme il aime se faire appeler, est un yamabushi de 68 ans, adepte d’une tradition ancestrale, le shugendo. Cette religion des montagnes à la croisée du bouddhisme ésotérique et de l’animisme prône un ascétisme d’airain au cœur de la nature pour parvenir à l’illumination.
« L’esprit est lavé par l’air de la montagne. On se purifie des souillures inhérentes à la condition humaine ».
En dépit des embûches, le pèlerin finit généralement par atteindre Hongu Taisha, le plus important des trois sanctuaires de Kumano, fief d’Amaterasu, déesse du soleil, grande patronne du panthéon shinto et par ailleurs fondatrice mythique de la lignée impériale. Parmi les brûle-parfums et les vases, rien qu’épure et sobriété comme ces petits miroirs ronds en acier poli, symboles de la vérité.
Un peu à l’écart des pavillons religieux, le sacré cède un peu de terrain au business – il faut bien vivre – avec un bataillon d’échoppes proposant chapelets et amulettes, tantôt pour achever son voyage sans encombre, tantôt pour une réussite dans ses études, son travail ou ses amours, tantôt encore pour une santé de fer.
Restent encore deux jours et deux cols pour rallier Nachi Taisha, le second grand sanctuaire du Kumano. M. Shu, toujours plus léger que la cendre, avale les dénivelés avec une vivacité de bienheureux en aller simple pour le nirvana. De temps en temps, on le retrouve chantant à pleins poumons devant une pierre dressée ou en train d’agiter son bâton de prière pour accompagner une psalmodie de mantras. Parfois, il s’accorde une pause, allongé sur un « lit de méditation » — ce sont ses propres termes –, une civière faite de trois rondins vermoulus qui semble plus adaptée au numéro de fakir qu’à la sieste.
Décidément, le Shugendo conserve son homme. Bercés par des histoires de princesses au teint de fleurs de pêcher et aux sourcils en feuilles de saule, on parvient à Hayatama Taisha, le troisième sanctuaire, dernière étape pour effacer les fautes du passé et décrasser sa conscience. Encore faut-il escalader les 538 marches d’un interminable escalier louvoyant entre des troncs de cryptomères gros comme des piliers de cathédrale.
On s’épargne tout de même bien de la fatigue à rester athée.
Pour préparer son voyage, l’office de tourisme de la province de Wakayama : https://en.visitwakayama.jp
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