Tourisme durable

Imsouane ou la gentrification touristique des côtes marocaines

21 Janvier 2025 - Patrimoine / Préservation

Destination de plus en plus prisée depuis quelques années, Imsouane attire les surfeurs du monde entier pour ses vagues parmi les plus longues des côtes africaines, ainsi que les voyageurs en quête d’authenticité, séduits par l’ambiance unique de ce petit village de pêcheurs du sud du Maroc. 

Imsouane la Berbère © François Combes



Surf et tourisme


Climat favorable, qualité des vagues et bouche-à-oreille, Imsouane doit son succès touristique en grande partie aux surfeurs. Depuis quelques années, on assistait déjà à un changement de visage en cours dans ce village situé entre Essaouira et Agadir, notamment par “l’instagramisation” du spot par les surfeurs des quatre coins du monde. Certes les contrastes étaient flagrants, mais n’étaient pas négatifs. Le village avait du style et une communauté soudée s’était créée sur place, avec un bel esprit fait de complicité et de partage. Aujourd’hui, la démolition de son centre historique au profit de nouvelles stations balnéaires menace d’effacer l’essence même de ce joyau du littoral.
 

Ambiance surf © François Combes

 

En janvier 2024, les autorités locales ont démoli le centre historique du village, délogé environ 1000 habitants, pour mettre fin à “l’occupation illégale du front de mer” où certaines familles vivaient pourtant depuis un siècle dans de jolies maisons troglodytes, creusées dans la roche. Derrière ces allégations officielles se cache un développement immobilier de luxe qui s’étend dans toute la région côtière du Souss-Massa. Les habitants d’Imsouane débutent l’année sous le choc, il n’y a eu aucune concertation avec eux, pourtant gardiens de l’identité et du succès du village.
 

La plage d’Imsouane, paradis des longboardeurs © Avoulot Flickr CC


Ce village fait partie du patrimoine culturel marocain. La vieille ville, avec son atmosphère singulière et ses commerces locaux, a toujours attiré les touristes. Son charme réside dans son authenticité et la chaleur de ses habitants. Ils se souviennent que le développement touristique a eu des bons côtés et considèrent que le village a vécu une forme de renaissance grâce au surf. Les habitants d’Imsouane n’ont jamais perdu leur sens de l’hospitalité et se réjouissaient de ce tourisme qui s’est développé sans renier leur histoire, leurs traditions et leur identité.


Le spectre du tourisme de luxe

Au Maroc comme partout dans le monde, le tourisme engrange à tous les niveaux un changement dans lequel le meilleur se mélange au pire. La situation évoque le phénomène qui secoue Bali entre ouverture sur le monde et perte des traditions. Ce n’est pas un cas isolé dans le royaume, il existe déjà l’exemple de Taghazout, autre spot de surf connu à proximité d’Imsouane. Plantée sur le littoral, Taghazout Bay est une station balnéaire d’un nouveau genre, composée d’une succession d’appart-hôtels luxueux et autres établissements cinq étoiles, le tout articulé autour d’un immense golf sur fond de montagnes désertiques.
 

Entre océan et désert sur la côte Atlantique © Unsplash

 

Certains membres de la communauté locale se mobilisent pour la protection du patrimoine marocain et de ses côtes. Artistes et surfeurs résistent contre le tourisme de masse et la gentrification qui s’en suit. De nombreux acteurs semblent résolus à prendre en main la situation comme en témoigne la deuxième édition de la Taghazout Surf Expo qui s’est déroulée en octobre dernier, regroupant acteurs du surf, scientifiques, politiques et experts en tourisme venus débattre autour de sujets environnementaux mais aussi de la préservation de la culture, du développement de la côte et de ses excès.
 

Evènement majeur pour l’avenir du surf sur les côtes marocaines © Tagazhout Surf Expo

 

Avec le record de 14,5 millions de visiteurs en 2023, le Maroc a le vent en poupe. Toutefois, les voyageurs qui avaient pris l’habitude de séjourner sur les plages sauvages et dans les villages de pêcheurs auront-ils l’envie - et les moyens -, de séjourner dans des hôtels de luxe ?