
Sur cette petite île de l’océan Indien s'épanouissent des écosystèmes d'une grande richesse. Découverte d’une pépite du tourisme durable malgache.
L'île de Sainte-Marie s'étend le long des côtes est de Madagascar. Alors que Madagascar est soumis à de nombreuses crises, Sainte-Marie fait figure d’exception, que ce soit par la préservation de ses riches biotopes que par son développement touristique.
Sainte-Marie, une île à part
Sainte-Marie est un petit archipel composé d’une île principale et de sept îlots, occupant 222 kilomètres carrés, à comparer avec les 587 041 km2 de Madagascar, l’équivalent de la France et du Benelux réunis. Les défis du pays sont immenses : il se classe parmi les plus pauvres du monde. Le rapport de la Banque mondiale sur l'indice de pauvreté de 2024 indique que 69% de la population n'a pas accès aux services fondamentaux pour se soigner, éduquer ses enfants et vivre dans des conditions sanitaires acceptables.
Les 30 000 habitants de Sainte-Marie tirent principalement leurs revenus des secteurs halieutique et touristique. Les atouts de l’archipel pour attirer les voyageurs sont nombreux. Côté culture, à l’image du pays, Sainte-Marie est issue d’un riche métissage. Habitée dès le XVIᵉ siècle par des populations venues d’Indonésie et d’Afrique, elle a été occupée par la France en 1750 puis colonisée jusque 1960. Entre le XVIIe et le début du XVIIIe siècle, Sainte-Marie fut un refuge notoire pour les pirates, par sa position stratégique sur les routes maritimes reliant plusieurs continents et par la présence de baies offrant des abris sûrs.
Une nature préservée
Ce qui frappe le voyageur est la préservation de sa végétation. Alors qu’ailleurs à Madagascar la situation est dramatique - concentrant 5% de la biodiversité planétaire, le pays subit une déforestation continue, en six décennies, près de la moitié des forêts ont disparu, et celles qui subsistent sont de plus en plus fragmentées -, la végétation saint-marienne reste d'une richesse exceptionnelle. Le microclimat tropical humide favorise son épanouissement comme les cultures d'épices tels que girofle, cannelle, vanille, café ou poivre. Mais l’île conserve surtout une large palette d’écosystèmes, incluant des forêts primaires : la forêt d’Ikalalao, au nord, constitue la plus vaste réserve forestière de l'île, tandis que la forêt d'Ankarena s'étend au sud-est.
Sur la côte est, les forêts littorales offrent un paysage unique composé de lianes, de pandanus et d'orchidées. Sainte-Marie abrite d'importantes zones de mangrove, dont la plus étendue se situe dans la baie d'Ampanihy.
Côté mer, le littoral est préservé : les infrastructures ne dépassent pas la hauteur des cocotiers et les plages naturelles sont sans remblai artificiel. La population et les acteurs du tourisme ont réussi à éviter l’écueil de l’anarchie des constructions en béton… Durant l'hiver austral, des groupes de baleines à bosse migrent chaque année depuis l'Antarctique vers les eaux de Sainte-Marie, idéales pour la reproduction des petits. L’archipel est riche d’importants récifs coralliens et d’une diversité de faune et de flore sous-marines. L'algoculture, ou culture d'algues, s’est développée ces dernières années, employant plus de 2 000 habitants. Cette culture fournit non seulement un revenu stable aux communautés, mais elle est aussi cruciale pour la régénération des écosystèmes en créant des habitats pour les poissons et en allégeant la pression sur les ressources halieutiques.
Selon Vincent Doumeizel, conseiller océan auprès de l’Organisation des Nations unies, les algues sont dans le monde une ressource largement inexploitée, alors qu’elles ont le potentiel de révolutionner la nutrition humaine et animale et de contribuer à la restauration de la biodiversité marine.
L’accueil des touristes attirés par ces richesses est réalisé en bonne intelligence avec l’environnement. En 2009, l’association Cétamada a été créée à Sainte-Marie, elle œuvre pour la conservation de la mégafaune marine et de leurs habitats. En 2013, Cétamada a été mandatée par le ministère du Tourisme pour encadrer les activités d’observation en mer à Madagascar. Leur credo "observer sans déranger" est une réussite. Dans un pays aussi complexe, les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de 6 000 sorties baleines encadrées, 430 écovolontaires et guides locaux formés, 6730 enfants sensibilisés…
Sainte-Marie compte à ce jour une vingtaine d’hôtels. Beaucoup ont conscience de l’immense valeur de leur environnement et œuvrent à le préserver. Princesse Bora Lodge and Spa est par exemple partenaire de Cétamada. Un éco-guide y séjourne pendant toute la saison pour superviser les expéditions, collecter des données scientifiques et animer des conférences. Afin de diminuer la pression croissante sur les divers écosystèmes marins, l'hôtel collabore avec le centre de formation et de santé Anjaranay qui offre aux communautés côtières des alternatives à la pêche, en leur dispensant des formations en artisanat, agriculture et aquaculture.
Natif de Sainte-Marie, François-Xavier Mayer est le PDG de Princesse Bora Lodge and Spa. Il rencontre des touristes venus du monde entier : "ils arrivent un peu par hasard et se disent “ça me rappelle une île des Caraïbes, de Polynésie ou de l’océan Indien, d’il y a 30 ans”… c’est unique de retrouver un endroit si paisible où il fait bon vivre avec une population accueillante et des sites préservés."
Cette richesse, c’est celle que l’on doit protéger pour un tourisme durable et qualitatif, c’est ce qui fera la différence si l’on arrive à maintenir l’authenticité. Sainte-Marie sera gagnante si on la préserve. Cela ne dépend que de nous. - François-Xavier Mayer
Cet avis semble partagé par les institutionnels, comme en témoigne Sandra Ramarolahy, la Directrice Générale du ministère du Tourisme : "pour Sainte-Marie, le ministère du Tourisme et de l'Artisanat souhaite un tourisme responsable et un développement durable. S’il y avait des projets d’investissement, ce sera nécessairement en accord avec l’environnement. Nous orienterons les potentiels investisseurs dans ce sens-là."
Gageons à ses côtés que les acteurs du tourisme continueront à préserver le patrimoine naturel et culturel de cette superbe île.