Guide interprète, à la croisée de la France et de la Grèce, Isabelle Bouchy est aujourd’hui à la tête d’une petite association grecque, « Mediterranean Centre of Environment ». Celle-ci promeut les activités humaines compatibles avec un développement durable et une mise en valeur de l’environnement et du patrimoine des régions méditerranéennes. Elle nous livre ici son témoignage suite à une très riche expérience où elle a adapté l’un des circuits qu’elle propose aux désirs et besoins d’un groupe de personnes adultes en situation de handicap mental.
TV5MONDE : Pouvez-vous nous raconter comment vous avez été contactée pour proposer des circuits à des personnes adultes en situation de handicap mental ?
Isabelle Bouchy : La demande de séjour est venue d’une association basée dans le sud de la France qui s’occupe des loisirs des personnes présentant un handicap mental, l’association ALTER ET GO ! Notre petite association grecque, Mediterranean Centre of Environment, promeut les activités humaines compatibles avec un développement durable et une mise en valeur de l’environnement et du patrimoine des régions méditerranéennes. De multiples activités pour des publics divers, qui vont de l’éducation environnementale au tourisme solidaire.
Le tourisme qui nous occupe est le plus souvent dessiné sur mesure pour nos clients, et a pour objectif une vraie rencontre avec notre beau pays et ses habitants, au travers d’activités partagées, hors des chemins touristiques, avec un souci de solidarité avec des causes d’intérêt général et de retombées économiques au niveau local, de façon directe ou indirecte via d’autres associations.
TV5 : Avez-vous hésité face à un tel défi ?
IB : La demande de l’association ALTER ET GO ! nous a séduits immédiatement, par le challenge qui nous était posé, celui d’adapter l’un de nos circuits touristiques aux désirs et aux besoins d’un groupe de personnes adultes en situation de handicap mental.
Ce qui fut fait entre avril et août 2016, date de l’accueil à Athènes de notre petit groupe : 10 membres de l’association et 2 accompagnateurs-éducateurs spécialisés. Ce fut le début d’une formidable aventure, formidablement sentimentale, une leçon de vie pour nous (Thomas mon compagnon et moi qui les accompagnions), qui encore aujourd’hui me fait monter les larmes aux yeux.
Les deux accompagnateurs spécialisés, Kevin et Quentin, deux garçons de 23 ans, de très grande qualité humaine, qui toute l’année exercent le métier d’éducateurs dans des centres d’accueil aux personnes handicapées, et consacrent deux de leurs quatre semaines de congés, bénévolement à ce groupe.
TV5 : Comment cela s’est-il passé avec le groupe ?
IB : Il s’agit du meilleur groupe de « touristes » que j’ai accompagnés dans ma courte carrière : toujours partants, toujours enthousiastes, disciplinés, profitant à fond de chaque instant, vraiment heureux chaque fois que l’affection passe dans le vécu, la rencontre, le partage. Le groupe de nos 10 amis, désormais, 10 trésors.
Leur moment préféré ? Sans doute le bain de mer quotidien, avec nous et les jeux dans l’eau. Les degrés de handicap étaient variables, mais tous avaient un degré d’autonomie physique suffisant pour ne pas fatiguer le groupe avec les questions quotidiennes, grâce bien sûr à un encadrement et un suivi très scrupuleux de nos deux jeunes éducateurs. Les âges s’étalaient entre 30 et 60 ans, 3 femmes et 7 hommes. L’une des choses les plus touchantes : le souci et l’attention des uns pour les autres.
TV5 : Quel programme avez-vous pu mettre en place pour ce petit groupe lors des 14 premiers jours du mois d’août ?
IB : Nous nous sommes imposé des paramètres précis.
Autant que faire se peut, hors des sentiers battus touristiques, pour être au calme. Ce qui ne veut pas dire que nous avons évité l’Acropole, le Théâtre d’Epidaure ou le sanctuaire de Delphes. Non, simplement la visite se fait à contre-courant des flux touristiques, avec des pauses à l’ombre, autour des points d’eau.
Un programme peu chargé qui permette lenteur et détente, pour que chacun y trouve son rythme et puisse profiter les uns des autres.
Le choix de petites structures touristiques, tant au niveau de l’hébergement que pour les repas et les activités, ce qui garde l’échelle humaine du contact personnalisé.
Les déplacements se sont faits en partie en minibus privé et une partie en transport en commun, bateau, train, métro, bus.
Le logement était en chambres de 2 à 3 personnes.
TV5 : La Grèce est-elle un pays facile pour les personnes présentant un handicap mental ?
IB :La Grèce est un merveilleux pays d’accueil ! La gentillesse naturelle des Grecs et leur hospitalité se trouvent encore renforcées lorsqu’ils sont en présence de personnes en situation de handicap, et de ceux qui s’en occupent (accompagnateurs, éducateurs). Alors, c’est le grand cœur qui s’ouvre, et ainsi notre petit groupe s’est senti partout réellement accueilli : au restaurant, dans les magasins de souvenirs, à l’entrée des musées, dans les hôtels.
La nature en Grèce est douce et hospitalière presque tout au long de l’année. Elle permet aisément la pratique d’activités sportives douces de pleine nature comme la randonnée, le bain, le canoë. L’importance du bain de mer quotidien où même les personnes avec des problèmes de mobilité sur terre retrouvent l’agilité d’un poisson. Ceux qui ont peur de l’eau, doucement et avec toute l’affection du groupe, par le jeu, oublient la peur et pénètrent dans l’eau jusqu’aux genoux puis à la taille.
TV5 : Comment avez-vous préparé les visites plus culturelles ?
IB : Les visites de sites archéologiques sont intéressantes : on les prépare et on présente juste l’essentiel, un message, adapté au niveau de compréhension et d’intérêt, et durant la visite, on refait vivre pour eux l’espace de façon imagée. Le théâtre d’Epidaure est replacé dans son contexte de soins de l’âme : sur scène, les comédies pour rire et les drames pour pleurer ; du côté des thermes qui soignent le corps, et du temple pour prier Esculape, dieu de la médecine ; le tout avec des commerces et des auberges pour les visiteurs qui viennent de très loin pour se soigner…
La convivialité et la décontraction des tavernes offrent le cadre idéal pour les repas qui sont très attendus : moments importants, de plaisir des sens, de partage, le moment où l’on se fait beau, où l’on raconte des blagues.
TV5 : Quelque chose à rajouter en conclusion ?
IB : Je tiens à adresser un immense merci à Michel, Sébastien et Marion, Lucille, Jean-Pierre et Jean-Pierre, Patrick, Brice, Audrey et Guilhem qui nous ont appris beaucoup sur la vie. Un grand respect et une vraie amitié pour nos deux éducateurs Kevin et Quentin, qui ont assuré l’encadrement du groupe avec sérieux et responsabilité, mais aussi avec affection et bonne humeur.
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